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Angkar

France | 2019 | Un film de Neary Adeline Hay

Les assassins sont parmi nous.

Le faisceau d’une lampe électrique perce l’obscurité de la nuit, suivant les pas d’un homme en marche. Un homme dont on entend seulement la voix se rappelle l’année 0 – celle de la prise de pouvoir par les khmers rouges au Cambodge : plus de pièce d’identité, plus de médecins, d’intellectuels, de justice... Armés de leur idéologie obscurantiste et mortifère, ils plongent le pays dans les ténèbres de la terreur pendant près de quatre années.

Le choix de cette entrée en matière devient rapidement évident. La documentariste Neary Adeline Hay souhaite faire la lumière sur un passé douloureux que son père avait choisi d’occulter. Elle l’accompagne sur les lieux où il vécut ces années-là. A Phnom Penh, d’où il était originaire, mais surtout au village où il avait été déporté, les nouveaux maitres du pays ayant décidé de vider les villes. Les citadins étaient coupables à leurs yeux d’avoir été contaminés par l’impérialisme bourgeois.

Khmères rouges : le père de la documentariste n’aime pas utiliser ce vocable pour parler de ses tortionnaires et lui préfère le mot Angkar. Une manière de se différencier d’eux car il est lui même d’origine khmère. Angkar ou organisation dans la langue khmère est le nom donné par les khmères rouges à l’organe de gouvernement qu’ils ont créé.

Si le document se déroule essentiellement au Cambodge, Neary Adeline Hay filme aussi parfois son père à Paris dans des endroits aussi communs que le métro. La pensée m’est alors venue que je pouvais croiser certains jours des hommes ou des femmes ayant connu des destins aussi tragiques, sans même m’en douter.

La documentariste a fait le choix de pas nommer, ou très peu, les personnes qu’elle filme, laissant ainsi le spectateur dans un certain brouillard. Mais ce choix de réalisation est crucial. Le bourreur et l’égorgeur, dont il est faire référence dans le documentaire et dont le rôle et le visage seront associés seulement à la fin du film, étaient des habitants ordinaires du village. Avant la prise de pouvoir des khmers rouges, ils ne se distinguaient pas des autres citoyens de ces campagnes, de la même façon que nous ne les différencions pas sur l’écran. Ces deux personnes vivent d’ailleurs toujours dans ce lieu et d’une certaine façon, à quelques exceptions, tous les gens de ce village ont trempé dans ce crime.

Comme pour les yézidis en Irak plus récemment, le voisin d’hier devient votre bourreau d’aujourd’hui. Comme si un frère tuait son frère, explique la réalisatrice. D’où selon elle, le silence de la honte collective d’un peuple, dont est entouré le génocide. Alors qu’elle filme de jeunes cambodgiens dansant de façon insouciante, son père s’interroge : " Savent-ils que beaucoup de personnes sont mortes des mains de leurs parents ?".

D’où l’importance de ce film sur un destin familial, qui est aussi et surtout un documentaire sur le devoir de mémoire et la difficulté de celui-ci.

Angkar a été présenté dans la Compétition internationale Premiers films lors du Cinéma du réel en 2018.

- Article paru le jeudi 26 avril 2018

signé Kizushii

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