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Japon

Assault Girls

aka アサルトガールズ | Japon | 2009 | Un film de Mamoru Oshii | Avec Meisa Kuroki, Rinko Kikuchi, Hinako Saeki, Yoshikatsu Fujiki, Takanori Tsujimoto

La voix off qui introduit Assault Girls illustre bien toute la complexité de Mamoru Oshii, même quand celui-ci s’attelle à un plaisir simple, sans envergure ni prétention. En quelques minutes, et plus de mots que n’en compte l’ensemble du périple mystico-numérique de Malgorzata Ash Foremniak, le réalisateur s’amuse, par narrateur interposé, à peser la consistance de la réalité, en tant que perception forcément subjective et instable d’une humanité en perte de repères, pour mieux jauger l’environnement ludique qu’il s’apprête à emprunter, une fois de plus [1], à l’éthéré Avalon. Le discours, alambiqué jusqu’au vertige (un peu comme la phrase précédente), s’efforce de faire lumière sur les méandres du chef-d’œuvre tourné en polonais, tout comme les cartons qui découpent ce film estival – nous y reviendrons – en quelques chapitres. Ce faisant, Assault Girls se pare d’une profondeur qui ne lui ressemblera en aucun instant : puisque le endgame de Grey, Lucifer et Colonel, sans être complètement dénué de texte, reste explicite et superficiel, cet épilogue tardif et déroutant en dit finalement plus sur Avalon que sur lui-même.

Les quelques cinquante minutes qui restent au métrage, une fois la nature d’Avalon pompeusement esquissée, se consacrent à dépeindre l’errance, les hésitations et les quelques sursauts de Grey (Meisa Kuroki), Lucifer (Rinko Kikuchi) et Colonel (Hinako Saeki), joueuses solitaires plongées dans les derniers combats d’Avalon(f), jeu dans le jeu réservé à une certaine élite. Somme de tableaux spartiates, Assault Girls semble alors s’adresser à ceux qui sauront se projeter dans l’une ou au l’autre de ces hardcore gameuses – ou dans la peau du malheureux chasseur qui subit d’innombrables respawn par leur faute. Alors qu’Avalon se plaisait à anticiper l’évolution des mondes massivement multijoueurs, du virtuel vers le réel au point de rendre les deux indissociables, Assault Girls se contente d’en dépeindre un substrat ludique, dépeuplé et austère, quintessence de gameplay et de statistiques au détriment aussi bien de profondeur que d’esbroufe. Sans échapper à un paradoxe de plus, puisqu’Oshii accepte tout de même de s’embarrasser de la beauté de ses actrices, de leurs aptitudes et accoutrements aussi plaisants que gratuits, ainsi que d’un mecha et autres lombrics gigantesques, issus de Dune ou de Panzer Dragoon, selon la culture de chacun.

Le discours est donc ici plus socio-ludique que métaphysique. Ainsi, contrairement à Ash qui conservait, à peu de choses près, la même apparence on et offline, les demoiselles d’assaut nous sont clairement présentées comme des avatars à autant d’anonymes dont la « real life » semble moins glamour que le fessier de Meisa Kuroki qu’Oshii admire en contre-plongée, ainsi que le suggèrent les évocations par Grey et Colonel de mari alcoolique, maternité complexe et autres souffrances quotidiennes. De même, Oshii joue avec les pénalités de mort, les classes de compétences et autre stuff épique, pour mieux livrer les images qui lui passent par la tête et flattent nos rétines. Le fessier sus-cité, par exemple, ou les ailes de l’intensément belle Rinko Kikuchi. Entre elles, il prend son temps, contemple l’immense vacuité de ses décors, impose des emotes de danse à Lucifer, n’a pas plus à se fendre d’images de synthèse réalistes (puisqu’on vous dit que la notion même est subjective) qu’à justifier la cohérence vestimentaire de ses protagonistes, et confronte ces derniers à un innocent NPC [2] – un escargot -, face auquel chacun aura une réaction différente. Autant dire qu’après avoir passé pas mal de temps à taillader gratuitement des daims et autres chiens de prairie dans les Tarides de World of Warcraft, je partage avec honte l’attitude meurtrière du chasseur.

Un peu sec et pas très érotique, Assault Girls n’est peut-être pas vraiment sea, sex and sun. Mais sous la chaleur de ce dernier astre tout de même, il constitue un sympathique fantasme geek, sans matière grasse ni véritable substance, mais doté de suffisamment de sable et de jolies jeunes femmes armées pour prétendre s’affirmer comme un bon petit film d’été. Surtout pour les amateurs de simulations militaires ultra-réalistes et donc léthargiques, qui manquent trop souvent, allez savoir pourquoi, de charmantes japonaises en cuir et latex !

Assault Girls a connu les honneurs d’une sortie en France, en DVD et Blu-ray, grâce à WE Prod, courant juillet 2011.
Remerciements à Julie Fontaine.

[1Les Assault Girls ont déjà fait le sel de deux courts-métrages d’Oshii.

[2Non-player character.

- Article paru le vendredi 5 août 2011

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