Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Hors-Asie | Festival des 3 Continents 2004

Bombón (El Perro)

aka Bombon, le chien | Argentine | 2004 | Un film de Carlos Sorin | Avec Juan Villegas, Walter Donado, « Gregorio »

Tout festival se devrait d’avoir son Popee [1]...

Meet Juan Villegas, la cinquantaine débonnaire et sans emploi. Depuis que la station service dans laquelle il travaillait en tant que mécanicien a été rachetée, Juan s’attelle à la fabrication artisanale de couteaux, qu’il tente de vendre à droite à gauche - aux « chicos » d’une entreprise locale comme à tous les gens avec qui il a un échange verbal. Juan est marié, mais se considère célibataire puisqu’il n’a pas vu sa femme depuis plus de vingt ans. Il vit avec sa fille, son mari tire au flanc et ses enfants - un microcosme de pauvreté dans lequel il s’intègre par moments, préfèrant toutefois se positionner légèrement en marge à d’autres. Au détour des rencontres, Juan recherche du travail. Lorsqu’une dame qu’il a dépannée (remorquant sa voiture sur 150 kilomètres !) lui offre un chien de race, cet homme qui n’a jamais eu d’intérêt pour nos amis les bêtes se laisse embarquer dans une drôle d’aventure, mélant simplicité humaine et libido canine...

Etonnant film que ce road-movie argentin à double visage, l’un humain l’autre canin ; une dualité que l’on retrouve dans le ton du film, à la fois simpliste et très travaillé. Celui-ci oscille en effet entre le drame à connotation sociale et le comique discret, sans jamais réellement expliciter l’un ou l’autre. Instrument de cet entre deux monde, Juan Villegas qui incarne ici un personnage homonyme, s’impose en tant qu’acteur - peut-être tout simplement en être ? - incroyable. Son principal trait de caractère ? Ce sourire ancré sur son visage, qui semble avoir été travaillé pour faire croire aux gens qu’il se satisfait de sa situation. Un sourire qui est désormais presque figé, bien que sans la moindre crispation, et qui nécessite la complémentarité d’un regard pour revêtir selon les circonstances, telle ou telle signification. Ainsi Juan peut-il être blessé (au cours de son entretien dans une agence d’interim), perplexe (au moment de faire la connaissance de son nouvel ami à quatre pattes), ou encore enthousiaste, heureux... sans que son sourire ne s’efface. Tantôt ses yeux se plissent, tantôt ils s’amusent : toute une partie de son corps reste immuable alors que son regard se plie à une aventure en dents de scie.

Face à lui, le monde contemporain et ses valeurs matérialistes - imposées mais non nécessaires, semblerait-il - s’imposent par petites touches de richesse, plus ridicules qu’ostentatoires. A milles lieux de leur traitement spaghetti dans American Psycho, on retrouve les cartes de visites, armes convoitées de l’ascension sociale. A leurs côtés une montre au poignet, ou encore en plus gros en guise d’horloge, que Juan convoite sereinement, comme conscient de leur futilité. Il lui suffit de carresser un semblant de luxe pour satisfaire ses envies, comme le prouve sa fierté lorsqu’il gagne les lunettes de soleil des Men in Black - qu’il ne connaît même pas - dans une station de service fraîchement inaugurée.

Et le chien dans tout ça ? Bombón (appelé « le chien » - prononcez « létchiéne » - par méprise) est un dogue argentin, énorme, splendide. Une bête omniprésente de par la narration, mais finalement peu présente à l’image. Vecteur de narration et non objet de l’histoire, Bombón remporte prix sur prix mais ne possède aucune libido, et ne peut donc apporter la fortune à son maître en vendant ses "services" aux chiennes de la région. Un ressort qui aurait pu être lourdingue et amener le film à lorgner du côté de La Famille Foldingue ou autre chef-d’œuvre Eddy Murphien, mais qui est traité ici avec la même subtilité que l’ambiance et devient juste pathétique, voire touchant. Surtout, l’incapacité du chien à devenir une « méthode » d’ascension sociale lui permet de renforcer l’humanité naïve de son maître providentiel et maladroit, qui finalement trouve en la bête, sans même s’en rendre compte, un compagnon aussi intelligement résigné que lui.

Bombón est donc une réussite subtile - et ce quand bien même on n’apprécierait pas les chiens. Un récit pertinent qui débouche sur le destin croisé de l’animal et de l’homme, au moment d’un regain povidentiel de sexualité qui est une double affirmation : celle d’une bestialité et d’une humanité, complémentaires et forces motrices de vie et de volonté.

Bombón (El Perro) a été diffusé au cours du 26ème Festival des 3 Continents à Nantes, où il a remporté la Montgolfière d’Argent ainsi que le prix d’interprétation masculine (pour Juan Villegas).

[1Cf. article Popee - Deauville 2002.

- Article paru le mercredi 1er décembre 2004

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