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Japon | Etrange Festival 2004

Crazy Thunder Road

aka Kuruizaki Sandâ Rôdo - Kuruizaki Thunder Road | Japon | 1980 | Un film de Sôgo Ishii | Avec Tatsuo Yamada, Masamitsu Ohike, Nenji Kobayashi, Koji Nanjo

Youth Against Fascism...

Dans une mégalopole nippone, des bandes de motards s’affrontent dans la violence et la fureur. Jin, l’un des Maboroshi, anarchiste pur et dur, ne se retrouve plus dans les idées de Ken, leur leader. Piégé par un groupuscule ultra-nationaliste, il les rejoint sans vraiment savoir où il met les pieds... Mais la hiérarchie n’est vraiment pas sa tasse de thé et rapidement il largue tout, se retrouvant seul face aux motards et à l’extrême droite radicale... pour sa survie, il entre dans un processus de violence sans échappatoire possible...

Premier véritable long-métrage réalisé par Sôgo Ishii alors qu’il n’a que vingt-deux ans, Crazy Thunder Road cache sous ses allures de Bôsôzoku eiga (film de motards) très typé 80’s, une sorte de pamphlet virulent renvoyant à la face de la société l’image d’une jeunesse nippone en proie à des peurs, se matérialisant dans la douleur et la violence... Lorsqu’il réalise Crazy Thunder Road, Ishii souhaite donc faire ce que bon lui semble sans rien devoir à personne, principalement en raison de la manière dont se déroula le tournage de son « premier » long-métrage Koukou Dai Panikku (Panique au Lycée). Budget ultra serré, matériel de tournage emprunté à sa faculté, acteurs et équipe technique bénévoles, Ishii s’autorise un film libertaire et sans concession aucune, reflétant ainsi son état d’esprit du moment sans qu’il soit modifié par la « vision » d’un éventuel producteur dont les préoccupations seraient à mille lieues de celle de la jeunesse qu’il dépeint dans son film... Cependant, et puisque finalement rien n’est réellement prévisible, Crazy Thunder Road est acheté par la Tôei, énorme studio qui voit en ce film inclassable un bon moyen de mettre le grappin sur un public d’un nouveau genre. L’intérêt suscité est tel, qu’il reste à ce jour le plus gros succès de Sôgo Ishii en salles...

...apocalyptique, violent, drôle, effrayant, sans concession, politiquement incorrect, stylisé, amphétaminé, brutal, Crazy Thunder Road est le témoignage sur pellicule de toute une époque, d’un mouvement. Scindé en deux parties distinctes, le film d’Ishii atteint véritablement sa vitesse de croisière, et toute sa force, lors de sa seconde moitié. Si les premières séquences du film s’enchaînent dans une sorte de chaos orchestré nous dévoilant les protagonistes, leurs relations et leur quotidien, le ton change lorsque Ken, leader incontesté des Maboroshi tombe amoureux de la jolie Noriko... Il se « range », évitant les conflits inutiles avec les bandes rivales, et choisit une politique qui ne convient pas à Jin, électron libre, violent et irraisonné qui ne supporte par l’autorité, et encore moins le nouveau comportement de son chef... Jin rejoint un groupuscule fascisant qui prône un retour à des valeurs nationalistes, avant de s’en défaire avec perte et fracas dans la violence et le chaos le plus total.

Selon Sôgo Ishii, Crazy Thunder Road n’est qu’un film d’anticipation qui ne reflète en aucun cas la société de l’époque, et bien qu’il réfute vigoureusement l’aspect politique du film, il paraît pourtant indéniable qu’il s’y oppose aux valeurs véhiculées par l’extrême droite nippone sans détour, et qu’il malmène sans aucune retenue les idéaux nés de la défaite de l’empire du soleil levant durant la seconde guerre mondiale [1]. Mais « il n’en est rien », en tous cas, c’est ce qu’assure Ishii... les trois mots d’introduction de cette chronique empruntés à Sonic Youth ne sont donc qu’une énième lecture du film parmi des dizaines d’autres...

Sôgo Ishii, poète instinctif, virtuose prématuré, évident précurseur et artiste contestataire, réalise ici un pur film punk dans lequel il déverse sa rage envers la société, et montre au public ni plus ni moins que le film qu’il désire voir en tant que spectateur... Près de vingt-cinq ans après sa sortie, Crazy Thunder Road n’a rien perdu de sa verve cinématographique, propulsant ainsi de manière tonitruante et sans la moindre concession un jeune trublion au sein d’une industrie qu’il n’apprivoisera peut-être jamais, et qui refusera de l’adopter... alors qu’il est sans conteste l’un des plus grands que le 7ème Art ait connu à ce jour.

En VHS (NTSC) chez Tôei Video au Japon.

[1Cf. La Mémoire de la Seconde Guerre Mondiale au Japon, Claire Roullière, édition L’Harmattan (collection Points sur l’Asie).

- Article paru le mercredi 15 septembre 2004

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