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Japon

Hatsukoi

aka First Love | Japon | 1999 | Un film de Tetsuo Shinohara | Avec Rena Tanaka, Meiko Harada, Mitsuru Hirata, Hiroyuki Sanada, Masaki Nishina, Makoto Satô

Les vacances de printemps de Satoka, 17 ans, commencent plutôt mal, avec une peine de cœur et le départ de sa mère, Shizue, pour l’hôpital. Son père Yasuhito, avec qui elle ne s’entend pas réellement, semble conserver une certaine distance résignée par rapport à l’événement. On devine dans ses attitudes une crainte, des regrets par anticipation, qui laissent supposer qu’il n’a pas toujours été un mari exemplaire. Lorsque Shizue revient à la maison, ce n’est que pour quelques jours ; son état nécessite une intervention chirurgicale. Un soir au cours de cette sortie, Satoka surprend sa mère en train de fouiller dans ses souvenirs, dans les cartons de la maison. Elle cherchait une boîte à musique qu’elle a retrouvée, malheureusement elle n’en a plus la clé, et ne peut donc écouter cette mélodie qui, d’un seul coup, l’obsède. Shizue retourne à l’hôpital et Satoka tente de venir à bout de la boîte à musique. Lorsqu’elle y parvient, elle trouve à l’intérieur une lettre, écrite par sa mère à son premier amour, un certain Shinichirô Fujiki, vingt-quatre ans auparvant ; lettre qu’elle n’a jamais envoyée. Persuadée que sa mère regrette ce premier amour, Satoka va alors tenter de retrouver Fujiki pour que sa mère puisse le revoir, comme suggéré dans la lettre, au pied d’un cerisier en fleur...

Singulier point de départ que celui de Hatsukoi ; à l’origine de sa narration, une interprétation faite par Satoka, de ses propres craintes et de sa mésentente avec son père, qui la conduit à tenter de réécrire la vie de sa mère en retrouvant son premier amour. L’idée peut paraître banale, mais l’écriture de Masahiko Nagasawa (réalisateur de Seoul et Thirteen Steps) couplée à la réalisation de Tetsuo Shinohara (Inochi, Shôwa kayô daizenshû), lui permet de sortir de cet écrin simplement doucereux. C’est justement au travers du caractère incongru et presque injustifié de cette quête, que Hatsukoi gagne ses premiers galons de film merveilleux, sensible et subtil. Car les non-dits, exprimés par le réalisateur au travers de quelques plans très courts - comme cette annonce du second départ de la mère, plan fixe au sein duquel le père s’isole, immobile et silencieux, déjà perdu alors qu’il n’est pas encore seul - en disent justement énormément pour qui sait les apprécier. Il n’y pas là de creux ou de manquement, mais justement un poids, un silence, qui trouveront plus en avant leur justification.

Le caractère le plus étonnant de Hatsukoi est donc sa fausse banalité. S’il apparaît d’abord comme singulier mais sans raison, presque excessif dans son portrait de l’acharnement très petite peste de Satoka, Hatsukoi retourne progressivement sa superficialité contre elle-même, laissant entrevoir une simplicité magnifique, quant à la compréhension et l’appréciation de la vie. Au travers d’une simple comédie, opposant une Satoka survoltée, femme enfant presque pénible, à un Fujiki bourru et feignant, tout aussi caricatural, Hatsukoi grandit, éclaircit les zones d’ombre d’une histoire qui n’est ni simple ni compliquée, mais s’attaque juste à reconsidérer de nombreuses années de vie, dans toute sa complexité. Une complexité qui est aussi paradoxale que la richesse simpliste du film lui-même, ainsi que Shizue la résume dans le film : « Je n’ai pas fait grand chose. Mais j’ai vécu. »

Vivre ; c’est là le mot le plus important qu’il convient de retenir de ce Premier Amour. La vie est partout dans ce film, dans la force de caractère de Satoka, dans ses élans romantiques qui sont autant pour sa propre satisfaction que pour sa mère, dans l’absence de regret chez Shizue, et même, en creux, dans l’immobilisme de Yasuhito et la tristesse cachée de Fujiki. Ce que Satoka permet finalement, au travers de cette quête, c’est de remettre la vie en marche, après une pause de plusieurs années, variable en durée selon les protagonistes. De puiser dans les souvenirs du passé, oubliés car tus, l’esquisse d’un lendemain possible. Le temps de sortir Shizue et Yasuhito, ses parents, mais aussi Fujiki de leurs impasses silencieuses, tournées vers le passé, Satoka vit elle-même dans une parenthèse. Aparté modeste et subtil, comme en témoigne le traitement de la maladie de la mère, Hatsukoi n’est pas un mélodrame ou une comédie à l’eau de rose. A l’image des cerisiers en fleur qui ponctuent le film, c’est le tableau d’un instant sublimé : celui où la vie, avec tous ses bonheurs et ses malheurs, aidée par une adolescente empruntant les traits de la merveilleuse Rena Tanaka, muse récurrente du cinéma japonais contemporain, reprend son envol après des années de surplace.

Hatsukoi est disponible en DVD zone 2 NTSC au Japon chez Kadokawa / Bandai Video. Non seulement la copie est de très bonne qualité, mais elle est en plus accompagnée de sous-titres anglais.

- Article paru le vendredi 5 août 2005

signé Akatomy

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