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Chine | Festival du film asiatique de Deauville 2008

Héros de Guerre

aka The Assembly - 集结号 | Chine | 2007 | Un film de Feng Xiaogang | Avec Zhang Hanyu, Yuan Wenkang, Tang Yan, Wang Baoqiang, Li Naiwen, Ren Quan, Fu Feng, Hu Jun, Liao Fan, Deng Chao, Tian Hairong

Nous sommes en 1948, au terme de la Guerre Civile Chinoise, et le capitaine Gu Zidi – le vieux Gu comme le surnomment ses camarades – mène les hommes de la neuvième compagnie du 139ème régiment de l’Armée Populaire sur le front de Huaihai. L’affrontement avec le Kuomintang est violent, et le bataillon perd le plus gros de son effectif avant de remporter la victoire. Dernière perte humaine de cet éclat destructeur, l’instructeur politique de Gu. Enragé, le capitaine refuse la capitulation de l’adversaire et tente d’inciter ses soldats à abattre les nationalistes. Dans les rangs, l’hésitation s’installe un instant – un prisonnier est tout de même exécuté - mais le respect des règles militaires finit par l’emporter sur la colère.
Gu bien entendu, est puni pour cet affront. A la tête des 46 survivants de son bataillon et en compagnie d’un instructeur qu’il a lui-même choisi – un jeune enseignant condamné pour couardise – il est envoyé en première ligne, sous-armé et en forte infériorité numérique, défendre la rive sud de la rivière Wen jusqu’à ce que le clairon de la retraite soit sonné [1]. Et ce même si chacun de ses hommes doit périr pour défendre la position stratégique...

Dernier film en date de Fen Xiaogang, réalisateur de The Banquet et A World Without Thieves, Héros de Guerre est un film hybride, qui s’intéresse autant à l’instant de guerre qu’à son après. Succès commercial en Chine et à l’international, le film débarque chez nous directement en DVD ; on se dit pourtant à sa vision, que ce tableau atypique de l’homme au cœur et au-delà de la violence hiérarchisée, aurait bien mérité une sortie en salles.

Les premières images de Héros de Guerre nous permettent de confirmer l’héritage rétinien du Soldat Ryan, autrement plus prégnant que celui de La Ligne Rouge de Terence Malick : l’affrontement militaire tel que perçu par Xiaogang, est une expérience physique complexe, fugace et immédiate, « à la Spielberg ». Cette immédiateté physique, le réalisateur la retranscrit avec un retour de force variable, en fonction de l’intensité de l’échange, de balles et d’explosifs. Il l’enrichit de plus d’un réalisme ahurissant, les corps déchiquetés se vidant en un instant, l’homme (tré)passant à l’état de cadavre en un clin d’œil. Au cœur de cette violence cinématographique, qui use de tous les artifices techniques modernes pour tenter de s’affirmer réaliste, Héros de Guerre dessine déjà l’une de ses singularités : son héros, le vieux Gu, tient tête à l’instructeur politique du régiment. Un moment de liberté d’expression, paradoxal, atténué par la rage du capitaine après le décès du symbole communiste quelques instants plus tard. La perte de l’incarnation de l’idéologie semble valoir plus que tous les hommes décédés jusque là ; pourtant le respect de cette idéologie, entraîne à nouveau Gu dans une réaction ambigüe, à l’encontre des règles dictées par le parti. Et là encore, face à l’ordre du capitaine de tuer les prisonniers, la réaction des soldats – certains pour, d’autres contre – laisse planer le paradoxe de la liberté d’expression, et d’opposition, au sein de l’armée communiste. L’enchaînement, s’il est en réalité tout sauf subversif, permet de donner à l’humain, et à son libre arbitre au moment de presser la gâchette, de se jeter devant les balles de l’ennemi ou de fuir face au combat, une place essentielle au sein d’un conflit qui privilégie l’anonymat.

Les hommes font la guerre, mais la guerre ne fait pas les hommes.

Ce qui est important dans Héros de Guerre toutefois, c’est que le désaccord, maintes fois exprimé, n’est jamais incarné. Au-delà des préparatifs du combat, le sacrifice pour la patrie et l’idéologie devient seule stratégie, et permet à Gu, dans son obstination sur le front de la rivière Wen, d’affirmer sa nature héroïque, alors que tous ses hommes sont décédés sous le feu ennemi. L’uniforme rangé toutefois, que reste-t-il de l’exploit ? C’est là le véritable sujet du drame guerrier de Feng Xiaogang. Une fois les guerres achevées, le réalisateur se penche sur une bureaucratie, administrative et de l’esprit, qui plombe la reconnaissance du sacrifice héroïque du régiment de Gu. Seul survivant et donc forcément individu, le capitaine est mis en doute, pris pour un fou, ses hommes simplement déclarés disparus sous prétexte que leurs corps sont introuvables. En Chine, un récit de guerre ne peut-être celui d’un homme, il doit être celui d’une nation. Et Gu lui-même, remet en cause la valeur de sa survie à l’aune de son échec à faire reconnaître les hommes qui ont combattu à ses côtés, en dépit de leur dernière volonté, compréhensible, de fuir un combat suicidaire.

Héros de Guerre est parcouru d’une critique à l’encontre non pas du système communiste, mais de ceux – soldats, bureaucrates ou autres - qui ont méprisé les exploits et le sacrifice des hommes qui ont participé à des combats armés, quel que soit leur contexte – comme le symbolise l’outrage fait à Gu, d’expliquer que les casques de ses camarades servent désormais de pots de chambre. Au delà de ce message cohérent, Feng Xiagang omet de choisir un camp politique, sans pour autant nuir à son film. Car ce faisant, il lui permet de s’affirmer comme une réussite, humaine autant que technique, plus à même de plaire à tous les publics, chinois ou non. Le titre français du film tout de même, est une contradiction dans les termes : en temps de guerre, finalement, et même au-delà comme le prouve la quête de reconnaissance de Gu, il n’y a que des victimes. L’acteur Zhang Hanyu, son interprète, porte merveilleusement cette réalité sur ses épaules.

Auréolé du grand prix Action Asia lors de la dernière édition du Festival du film asiatique de Deauville, Héros de Guerre est disponible en DVD zone 2 français depuis le 1er octobre, sous la bannière de CTV International,accompagné d’un disque de suppléments. Le pressage de cette édition est tout simplement superbe. (Remerciements à Tristan Tramoni.)

[1C’est ce coup de clairon qu’exprime le titre anglais du film, The Assembly.

- Article paru le lundi 6 octobre 2008

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