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Japon

Hommes, porcs et loups

aka Okami to Buta to Ningen - Wolves, Pigs and Men - Le Salaire du crime | Japon | 1964 | Un film de Kinji Fukasaku | Avec Ken Takakura, Rentarô Mikuni, Kinya Kitaôji, Sanae Nakahara, Noburo Ando

Kinji, le noir et blanc, les sixties et Ken...

Ichiro, Jiro et Sabu sont frères. Malgré ce lien familial, Ichiro et Jiro cherchent, par tous les moyens, à devenir riches et puissants, et surtout à quitter le bidonville où ils résident avec leur jeune frère et leur mère. Violents et sans pitié, ils ne tardent pas à se forger une sacrée réputation et commence à faire de l’ombre au gang local. L’inévitable arrive et, à la suite d’une rixe meutrière, Jiro est envoyé en prison tandis qu’Ichiro est engagé par ce même clan. Quelque temps plus tard, Jiro sort de prison, et apprend le décès de sa mère, de la bouche de son jeune frère Sabu. Chassé des obsèques par Sabu, Jiro n’a plus qu’une idée en tête : dérober 40 millions de yens au gang qui l’a fait enfermer. Pour ce faire, il réunit sa petite amie, une de ses connaissances, sans grande envergure, son petit frère Sabu et sa bande d’amis. Après le succès du hold-up, tout ce petit monde se retrouvent dans un vieil hangar, au milieu d’un terrain vague. Sabu se rend tout de suite compte qu’il y a beaucoup plus d’argent que prévu. Soupçonneux, il cache l’argent et attend le reste du groupe. Dès lors, une guerre psychologique s’installe entre les plus jeunes (Sabu et sa bande) et les plus vieux (Jiro, sa petite amie et la petite frappe qui les accompagne). De son côté, Ichiro doit cacher l’identité des voleurs à son patron, et cherche à régler cette affaire sans trop de vagues et surtout sans verser le sang de ses frères...

Autant vous mettre tout de suite dans la confidence, ce film de Kinji Fukasaku de 1964, est ce que l’on peut appeler une "bombe" cinématographique. Okami to Buta to Ningen est une fois de plus une réussite sur tous les points : acteurs, scénario/ situations, noir et blanc alourdissant l’atmosphère. Passant allègrement du polar au film d’action et encore une fois au huis-clos (l’une des narrations les plus compliquées à mettre en scène), Fukasaku nous prouve (comme si on avait encore besoin de preuves !!) qu’il est un génie. En effet au bout de 15 petites minutes, le décor est planté : un vieil hangar en tôle au milieu d’un terrain vague.

Intéressons nous quelque peu au titre du film. En France, Okami to Buta to Ningen s’est vu affublé du titre Hommes, Porcs et Loups. Chose étrange, on a inversé l’ordre des mots. Une petite amélioration du côté de l’étranger, aux Etats-Unis, Okami to Buta to Ningen est connu sous le titre Wolves, Pigs and Mens. Une nouvelle fois on a pris des libertés et l’original est devenu Loups, Porcs et Hommes. Notez bien l’apparition dans les deux cas d’une virgule et la disparition de la conjonction de coordination "et". Non je ne suis pas (encore) fou. "TO" signifie "ET" en japonais ; ainsi la traduction littérale aurait dû être Loups ET Porcs ET Hommes ou plutôt dans un langage plus correct Loups PUIS Porcs PUIS Hommes. Tout ceci pour en arriver là. En fait, Fukasaku souhaite insufflé l’idée d’évolution dans le caractère des personnages. Ils passent ainsi, tous sans exception, du stade de loups/appât du gain, à celui de porcs/violeurs, tortionnaires, pour enfin redevenir des hommes combattant côte à côte, ces hommes d’honneur si chers à Kinji Fukasaku. D’où l’importance d’une bonne translation en diagonale d’un titre étranger. Même si je reste conscient que le titre Hommes, Porcs et Loups est assez accrocheur ; un peu comme Mon curé chez les thaïlandaises ou On se calme et on boit frais à St-Tropez de Max Pecas.

Mais revenons à nos moutons, pardon à nos loups. Car Okami... est le premier film dans lequel Fukasaku emploi la narration par plans figés avec textes explicatifs. Mais Okami... est aussi la première réelle plongée de Kinji dans l’univers yakuzien. Et c’est sans doute la seule fois où il parviendra , avec autant de force, à magnifier le yakuza dans toute ses diverses formes. D’abord le chien fou, interprété par Ken Takakura, prêt à tout pour prendre sa revanche sur ceux qu’il l’ont envoyé en prison. Au passage, sachez qu’avec l’aide de Bunta Sugawara, Fukasaku dynamitera le mythe (qu’il a lui même inventé) du yakuza solitaire avec son sublime Gendai yakuza : hitokiri Yota (Yota le pourfendeur/ 1972/ voir article). Il y a ensuite le yakuza soumis à son parrain incarné par Rentarô Mikuni, qui n’arrivera pas à raisonner ses jeunes frères et n’osera pas se battre à leur côté avec honneur, récoltant ainsi toute la véhémence des habitants du terrain vague. Et enfin et surtout, le jeune yakuza apprenti et petite frappe, joué par Kinya Kitaôji, dont la jeunesse n’est en rien synonyme d’immaturité, puisqu’il sera à la fois l’exhortant et l’exaltant.

En toile de fond, Fukasaku se sert d’un véritable lien biologique, unissant les trois héros : ils sont frères et pourtant ne sont jamais présents ensemble dans un même plan. Frères de sang, issus de la même mère, provenant du même bidonville et désirant en sortir à tous prix, ayant la même haine/rage au ventre et possédant un destin similaire. Ils sont tous trois des frères-loups, des frères-porcs et des frères-hommes. Tous trois animés des mêmes désirs, évoluant du stade de loup à celui de porc jusqu’à celui d’homme, sans pour autant qu’il y ait abandon du stade précédent. Sabu, Ichiro et Jiro sont les trois à la fois, comme s’ils ne formaient qu’un seul être-vivant, qu’un seul homme. Car après tout l’homme est un loup pour l’homme.

A noter que le film était précédé d’un petit documentaire, ou plutôt d’une interview de Monsieur Fukasaku en personne, réalisé dans le cadre de la rétrospective qu’il lui fut consacrée aux Etas-Unis. Interview attribuée, d’ailleurs à Quentin Tarantino, pour une raison encore obscure. Tarantino dont l’intervention est aussi intéressante que les suppléments sur le DVD des Visiteurs.

- Article paru le mercredi 20 mars 2002

signé Takeuchi

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