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Hong Kong

Initial D

Hong Kong | 2005 | Un film de Andrew Lau Wai-Keung et Alan Mak Siu-Fai | Avec Jay Chou, Edison Chen, Anne Suzuki, Anthony Wong Chau-Sang, Chapman To Man-Chat, Shawn Yu Man-Lok, Jordan Chan Siu-Chun, Kenny Bee

Le dernier opus du tandem Andrew Lau / Alan Mak, responsable de l’immense succès d’Infernal Affairs, est l’adaptation d’une série de manga - déjà déclinée en séries animées et jeux vidéo - ultrapopulaire en Asie, Initial D de Shuichi Shigeno. Amateurs de tuning et de courses automobiles la connaissent très certainement mieux que moi. Cette version cinéma, qui devait un temps être réalisée par Tsui Hark avant que celui-ci ne s’écarte du projet, est pour ma part ma première incursion dans cet univers tournant autour du « downhill racing », véritable phénomène au Japon.

Initial D conte l’histoire de Takumi Fujiwara (Jay Chou), dieu involontaire de la conduite en drifting le long du Mont Akina, qui a acquis son talent dès l’âge de treize ans, au volant de la Toyota Trueno AE86 de son père, en tant que livreur de tofu. Plus désabusé que véritablement nonchalant, Takumi n’est pourtant pas à première vue, le héros d’Initial D, le film. Ses premiers protagonistes sont en effet Ryosuke Takahashi (Edison Chen) et Takeshi Nakazato (Shawn Yu). Désireux d’affronter un Ryosuke que l’on devine pilote légendaire, Takeshi doit cependant faire ses preuves avant d’être digne d’un tel affrontement. Les deux hommes se lancent alors un défi : parcourir le Japon du nord au sud en affrontant les champions locaux, avant d’enfin se rencontrer sur le bitûme. Alors que Takeshi défie Itsuki (Chapman To), ami de Takumi et prétendu as de la route, il se fait battre par une AE86, bien que sa propre voiture soit beaucoup plus puissante. Ce n’est qu’à ce moment qu’entrent en scène, peu à peu, Takumi et sa voiture soit-disant surclassée, dont on découvrira qu’elle a fait l’objet des améliorations de son père Bunta (Anthony Wong), légende autmobile du coin qui a depuis longtemps laissé la course derrière lui. Le nouvel objectif de Ryosuke devient alors d’affronter Takumi - et il n’est pas le seul : des pilotes professionnels arrivent même sur le mont Takuma, pour tenter de releguer l’antiquité de la famille Fujiwara au garage...

Il faut bien avouer que le point de départ d’Initial D est bien plus séduisant que celui de The Legend of Speed, douteux succès automobile déjà signé Andrew Lau, et autre The Fast and the Furious. D’une certaine façon moins hype, Initial D ne se concentre pas en effet sur un esprit de compétition et d’humiliation de l’autre, mais bien sur une volonté sportive qui n’est pas sans rappeler celle que dissimulent les tournois du fabuleux Ping Pong de Fumihiko Sori : car derrière ses velléités compétitives apparentes, le personnage de Ryosuke est en effet vecteur d’un véritable esprit sportif - le désir d’affronter un adversaire à sa taille voire supérieur, à même de procurer des sensations renouvelées et un authentique plaisir de « jeu ». L’idée d’introduire cette possibilité au travers d’un personnage en dehors du circuit m’as-tu-vu de la compétition downhill est excellente, puisqu’elle reprend un schéma d’outsider classique mais bien plus passionnant qu’un duel de frimeurs. Un schéma renforcée par l’autre héroïne du film - la très simple et belle AE86 -, voiture "bas de gamme" qui est traitée, intelligemment, comme un personnage à part entière (voir pour s’en convaincre la scène de la mort de son moteur).

Il est certain en effet, que Takumi n’est pas un frimeur. Tout le contraire même : il semble à peine s’amuser à conduire, comme si c’était trop facile pour lui. Au fur et à mesure qu’il devient plus rapide, le monde semble ralentir autour de lui, et il est presque blasé de ses temps au chrono. C’est l’un des points tangents d’Initial D : au lieu d’être simplement nonchalant, le personnage incarné par Jay Chou, star de la chanson effectuant ici ses premiers pas devant la caméra, court le risque de devenir antipathique. D’autant que sa relation trop mielleuse avec la jeune Natsuki (Anne Suzuki), dans son dénouement, laisse apparaître un caractère difficile, peu enclin à la compréhension de son prochain.

Andrew Lau et Alan Mak cependant, tout en restant certainement fidèle au matériau d’origine - la romance fait en effet très japonaise, très manga dans l’esprit - déjouent habilement le piège du mélodrame sur fond de courses automobiles. Les courses, pourtant répétitives puisque se déroulant toujours au même endroit, sont très bien mises en scènes, pas forcément spectaculaires mais intéressantes dans leur description des manipulations de conduite (changements de vitesses, jeu de pédales, etc.). Le résultat, forcément un peu tendance (à l’image de la réalisation accélérée/arrêtée du tandem de metteurs en scène), est néanmoins captivant, et l’on se plait à suivre la trajectoire de ce héros qui s’ignore, au fur et à mesure que les héros supposés disparaissent dans ses rétroviseurs.

L’une des autres forces d’Initial D repose sur le traitement de ses personnages secondaires. Comme dans Infernal Affairs, ceux-ci ne sont aucunement laissés pour compte et bénéficient d’une grande attention, au premier rang desquels l’hilarant paternel incarné par Anthony Wong, ivrogne patenté et simpliste, et pourtant fort sympathique. La simplicité d’Initial D est d’ailleurs sans doute ce qui en fait une réussite, à l’image du personnage discret et pourtant si important qu’endosse Edison Chen. Loin peut-être, de l’immense blockbuster tant attendu par les spectateurs, mais qui possède de véritables qualités cinématographiques et narratives, à même d’en faire un bon film, tout simplement. Nous sommes bien loin de l’empire Infernal Affairs a priori, mais Initial D figure quand même dans la liste des réussites HK de l’année, enthousiasmant et certainement à même d’initier une saga que l’on espère de qualité constante.

Initial D, en tant que phénomène commercial, est disponible à HK dans une floppée d’éditions plus ou moins collectors. Celle de base, déclinée sur deux galettes, nous présente le film dans une copie un peu décevante, à la définition inégale. Le son est cependant excellent, et les sous-titres anglais de qualité.

- Article paru le jeudi 1er septembre 2005

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