Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Corée du Sud

Intimate

aka Lover | 2005 | Corée du Sud | Un film de Kim Tae-Eun | Avec Seong Hyeon-A, Jo Dong-Hyeok, Lee Chang-Yong, Hyeon Gyeong-Su, Han Ji-Won, Park So-Jeong

Boy meets Girl...

Lui était gérant d’une entreprise qui vient de faire faillite, passe sa dernière journée en Corée avant de partir pour l’Afrique commencer une nouvelle vie. C’est dans un ascenceur qu’il la rencontre, Elle, et tenter de l’inviter à boire à verre. La femme se débine mais le recroise par hasard, quelques heures plus tard. Il continue de la draguer, jusqu’à ce qu’elle cède et s’offre à lui. Elle se présente comme s’appelant Fille, lui sous le nom de Garçon ; ils se décident à passer la journée ensemble, amoureux sans lendemain, partageant l’intimité de la chair mais acceptant d’éviter les questions trop personnelles, et l’on découvre qu’elle est en train de trahir un homme, qu’elle s’apprête à épouser si l’on en croit les premières images du film...

Intimate fait partie de ces histoires dont les coréens semblent friands, d’amour adultère. Loin d’être racoleur en dépit d’être très physique, le film de Kim Tae-eun porte bien son nom en ce qu’il s’attache à mettre en image une intimité charnelle authentique et simple. Alors que dans beaucoup de films cette authenticité passe par une approche quasi documentaire, elle est ici très travaillée d’un point de vue cinématographique. La première scène d’amour, dans une pièce vide et d’une blancheur immaculée, fait la part belle aux corps des acteurs, vecteurs d’une émotion réelle, fébrile, et notamment aux courbes peu prononcées et pourtant très belles de la Fille. Son profil élancé, ses jambes presque fragiles, se détachent d’autant mieux des murs blancs. Cette Fille en proie au désir éphémère est incarnée avec talent par Seong Hyon-ha, héroïne du très méchant Cello et déjà dénudée dans The Scarlett Letter aux côtés de Han Seok-gyu, femme superbe qui exprime ses doutes comme ses désirs comme si la caméra n’était pas là : à savoir avec autant de liberté que de retenue. La première est celle, hésitante puis acceptée, de son personnage ; tandis que la seconde est celle de l’actrice, parfaitement crédible dans ces scènes qui naviguent entre l’érotisme et l’exposition d’une évidence humaine, avec la prise en considération de notions hygiéniques (je n’en dirais pas plus) relativement rares sur nos écrans.

Intimate donc, bien que l’on pourrait le qualifier de drame amoureux à tendance érotique, est à mille lieux du cinéma surréaliste (et de piètre qualité) d’Adrian Lyne. Ici, le sexe est le prolongement de l’émotion, voire sa seule véritable expression puisque l’émotion ne peut, ne doit être prononcée par le personnage féminin - du moins dans un premier temps. Car la relation que partagent ce Garçon et cette Fille, s’affirme rapidement comme un condensé de toutes les relations hommes-femmes, avec son lot de sexe, de découverte, de déceptions, de ruptures et de retrouvailles, et surtout de doute... De réconfort charnel, le Garçon devient en effet pour la Fille un vecteur de doute, ce sentiment pernicieux qui se plaît à détruire les mensonges, dont beaucoup se convainquent pour accepter les frustrations de leur quotidien. Car avec la découverte / confirmation de l’union prochain de la Fille, apparaît l’autre facette du film, constat douloureux et pessimiste sur cet engagement que constitue le mariage. Ici, il est vécu comme un enfer par chacun des personnages ; alors que chaque être impliqué semble conscient du malheur grandissant de l’autre, aucun ne peut se résoudre à s’en extraire, persuadé de ne pouvoir de toute façon, obtenir mieux de la vie : d’où sa nature de véritable enfer. Le doute prend alors, de façon très brutale (verbalement parlant) les traits d’une triste certitude, qui plus est partagée. Ce couple « réel » au cœur d’Intimate, est un couple cynique, résigné, simple façade de vie commune, avant tout sociale... moderne me direz-vous ?

Pas si sûr : la modernité résiderait plutôt, à mes yeux, dans la personnalité à la fois agaçante et charmante du Garçon - Jo Dong-hyeok étant à la fois insupportable car trop sûr de lui au début du film, puis remarquablement juste dans sa naïveté. Lui qui, mettant en scène une union factice, comprend mieux qu’Elle que les véritables promesses d’amour sont tues, que les déclarations publiques ne sont que decorum et que ce ne sont pas des formalités administratives qui unissent deux êtres, mais bien cette émotion, exprimée dans la sueur, qui est née lors de leur premier contact. Alors qu’Elle se résout à accepter sa condition de femme d’un autre, se créant le souvenir d’un amour idéal, éternellement possible et non corrompu, Lui semble vouloir lui faire comprendre que pour vivre avec quelqu’un capable de vous rendre heureux, il faut accepter de le laisser vous rendre heureux ; mais c’est justement ce qu’elle refuse, symboliquement, lorsqu’elle décline son invitation à rester à ses côtés parce qu’il a fait montre d’attention à son égard. Au vu d’Intimate, drame traditionnel qui bénéficie d’une réalisation, d’une photographie et d’une interprétation de grande qualité, on déduit aisément que trop peu de gens semblent accepter cette évidence aujourd’hui, préférant s’imposer bon nombre de frustrations amoureuses. Celles-là même qui, d’une certaine façon, donnent aux yeux des martyrs sociaux et volontaires toute sa valeur au rêve d’un amour impossible, éternel et éphémère à la fois.

Intimate est disponible en DVD coréen, sous-titré en anglais, chez l’éditeur Phatom.

- Article paru le dimanche 31 décembre 2006

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