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Jay and Silent Bob Strike Back

USA | 2001 | Un film de Kevin Smith | Avec Jason Mewes, Kevin Smith, Ben Affleck, Brian O’Halloran, Jason Lee, Shannon Elizabeth, Eliza Dushku, Ali Larter, Jennifer Schwalbach Smith, Seann William Scott, Dan Etheridge, Carrie Fisher, Mark Hamill, Matt Damon, Chris Rock

En ce moment même sur grand-écran, les spectateurs français ont enfin la chance de pouvoir découvrir le magnifique Versus de Ryuhei Kitamura. S’il paraît évident que ce n’est pas un film destiné à plaire à tout le monde, et particulièrement aux exclusifs de Derrick et des téléfilms de RTL9 et TMC, une chose est néanmoins tout aussi évidente : pour ces gens de notre génération qui ont grandi avec Sam Raimi, pendant la grande époque des slashers à tout va et la fin de celle des films de zombies, tout en bavant sur les œuvres de jeunesse de Peter "le seigneur de l’anal" Jackson, avant de découvrir l’amitié masculine dynamitée par John Woo, Versus n’est rien de moins qu’un film rêvé, fantasmé, caressé, imaginé... et aujourd’hui réalisé. Le film de potes à voir avec des potes, l’éclate avec brio, la baston avec classe, le craspec avec talent... Bref, tout ce qu’il faut pour donner du goût à un chef-d’œuvre fun et sans le sou. Le film qu’on aurait aimé faire, et que l’on aurait presque pu faire. Parmi les gens de notre génération, mais aussi de celle juste avant, il y a quelques personnes qui ont partagé ce rêve avec nous. Parmi ceux-là, seules quelques âmes courageuses sont allées jusqu’au bout du rêve (non, pas Kevin Costner). Et, au sein de cette poignée d’heureux élus (auto-proclamés serait plus juste) où se balade l’équipe génitrice de Versus, il y a un roi. Mesdames et messieurs, j’ai nommé : Kevin Smith.

Kevin Smith, vous l’avez d’abord connu pour Clerks, "sleeper" phénoménal en noir & blanc qui allait devenir la Bible d’un univers librement récurent en même temps que le film "culte" de toute une génération de glandeurs. Suivront Mallrats, Chasing Amy et enfin Dogma ; tous reliés par une série de personnages et/ou d’interprètes. Le Culte Kevin Smith fonctionne sur une bonne dose d’humour potache, d’autoréférence insolente, de réflexions sur l’univers Star Wars, et les copinages de l’auteur/ réalisateur/ génie de la contre-culture avec le tout Hollywood. Ce Culte donc, en est un pour deux raisons.

La première, bien sûr, c’est que tous les films de sieur Smith déchirent, purement et simplement. Clerks et Mallrats sont incroyablement drôles, Chasing Amy est sans aucun doute le film le plus juste sur les relations homme/femme (mais aussi femme/femme et homme/homme, en fait), et Dogma est le film le plus pertinent sur la religion à être jamais sorti des machines à fric hollywoodiennes.

La seconde, c’est que ce gros branleur de Silent Bob a réussi à donner forme à son univers, à obtenir la liberté de faire jouer ses amis dans les films qu’il veut, avec le scénario qu’il a écrit avec d’autres potes. Jason Mewes et Jason Lee étaient-il acteurs avant tous ces chefs-d’oeuvres ? Que nenni. D’ailleurs, le jeune Mewes ne se dévoile quasiment que pour la caméra de son pote hétéro... Jusqu’ici, Smith avait toujours eu la "décence" de ne pas mettre son propre personnage au premier plan d’un film ; il manquait par conséquent une enjambée supplémentaire pour que le bout du rêve soit réellement atteint. Qu’à cela ne tienne ! Cette enjambée franchie, nous nous retrouvons donc avec Jay and Silent Bob Strike Back entre les mains. Comme le titre l’indique, les héros du film ne sont autres que les dénominateurs communs de tout le travail accompli par l’équipe de View Askew jusque là. It’s hunting season !

Jay and Silent Bob, les enfants du Quick Stop (comme on le découvre au cours de ce flashback exceptionnel qui ouvre le film), se retrouvent avec une injonction à rester loin de leur lieu de squat (unique et) préféré. Démunis, il partent rendre visite à leur pote Jason Lee, vendeur dans un magasin de comics, qui s’étonne de les voir glandouiller, avant de faire la remarque que, avec tout le pognon qu’ils ont empoché, les deux losers peuvent bien faire ce qu’ils veulent, après tout. Comment ça du pognon ? C’est alors que nos deux héros, Jay et "Lunchbox", apprennent que, suite au succès de l’adaptation ciné des X-Men, les Studios se sont rués sur les droits de tous les comics existants. Bluntman & Chronic, comic inspiré de Jay et Silent Bob et dessiné par Ben Affleck, n’a pas échappé à ce nouveau pillage en règle. Le tournage du film commence le vendredi de la même semaine, c’est-à-dire à peine trois jours après cette nouvelle désastreuse ! Jay et "Tubby Bitch" se mettent donc en route pour la Californie, pas tant pour récupérer leur part du gâteau que pour empêcher le film d’être tourné. Car ce qui les emmerde plus que tout, c’est que d’autres branleurs passent leur temps à les insulter par personnages fictifs interposés sur l’ "internet", cet outil merveilleux que Ben Affleck leur fait découvrir, et qui sert à "échanger de la pornographie avec les gens du monde entier"...

En cours de route, Jay et le "Fat Fuck" rencontrent Justice (Shannon Elizabeth, la fille qui n’existe pas d’American Pie) et ses amies (parmi lesquelles Eliza Dushku et Ali Larter, ni plus ni moins), qui les prennent en stop et leur demandent un petit service. Service qui va rendre la mission punitive du loser le plus grossier de la terre et de son gros ami - silencieux par conviction uniquement - un peu plus compliquée...

Incroyablement bueno ! Ultra chef-d’œuvre ! Les mots me manquent pour qualifier Jay and Silent Bob Strike Back... Ce qui est certain, c’est que Kevin Smith a repoussé ici l’auto-citation dans ses derniers retranchements... Jugez plutôt.

Ben Affleck joue un personnage (celui de Chasing Amy mais pas de Mallrats) qui se moque de Ben Affleck, le vrai. Jason Lee joue deux personnages dans le film : celui de Mallrats (Brodie) mais aussi celui de Chasing Amy (Banky Edwards). Ben Affleck joue aussi le vrai Ben Affleck, aux côtés de Matt Damon avec qui il tourne l’incroyable Good Will Hunting 2 : Hunting Season, toujours sous la direction de Gus Van Sant (rien que pour cette séquence, le film mérite déjà plusieurs Oscars, je vous l’assure). Smith évoque explicitement ses propres films, défie Lucas de lui faire un procès pour abus de l’utilisation de la license Star Wars qu’il n’a pas (merci à Carrie Fisher et surtout à Mark Hamill pour leurs contributions merveilleuses), reprend des dialogues de Mallrats, exploite encore son beau petit Mooby (cf. Dogma) à toutes les sauces, fait revenir Shannon Doherty d’entre les morts, pousse Jason Biggs (le héros de American Pie) et Dawson à l’auto-flagellation...

Au passage, tout le monde en prend pour son grade, le record du nombre de "fuck" dans un film est sûrement battu, les blockbusters américains mis en boîte mille fois tout en étant exploités jusqu’à la moëlle (Charlie’s Angels, par exemple)... Bref les rouages de cette monumentale farce perso, entre amis, sont aussi éhontés que parfaitement huilés, et permettent à Kevin Smith de nous offrir l’expression d’une liberté aussi rare qu’incompréhensible, à une échelle qui n’avait encore jamais été ne serait-ce que tentée...

Peut-être que Kevin Smith a atteint, avec ce Jay and Silent Bob Strike Back, une nouvelle limite, et qu’il va devoir prouver désormais qu’il est capable de faire des "vrais films" (ça, c’est ce que dirait un vrai critique, je crois). Et puis peut-être pas. Peut-être qu’il va continuer à décliner cet univers multiforme à l’infini, en gardant juste ce qu’il faut de cohérence pour jouer avec toutes ses icônes, pour le plus grand bonheur des éternels branleurs que nous sommes. Parce que Kevin Smith, c’est un peu notre porte-drapeau à tous ! Merci mille fois à ce gros bonhomme auto-suffisant de se complaire à sa propre mise en scène ! Je vous laisse pour aujourd’hui, là il faut vraiment que j’aille m’essuyer !

Jay and Silent Bob Strike Back sortira en salles dans le courant de l’année 2002, mais est d’ores et déjà disponible en zone 1 chez Dimension, dans une superbe édition double DVD truffés de suppléments. A vos revendeurs internet ! (Oui, ça sert aussi à ça !)

- Article paru le dimanche 3 mars 2002

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