Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Tadjikistan | Festival des 3 Continents 2009

L’Emigrant

Tadjikistan / URSS | 1934 | Un film de Kamil Yarmatov | Avec Kamil Yarmatov, Sofia Tuibaeva, Zhuzhunov-Nezhdanov

Le cinéma est pour nous, de tous les arts, le plus important. [1]

Un citoyen soviétique émigré revient dans son pays et se fait passer pour le nouvel éducateur politique du kolkhoze L’Étoile rouge qu’il a assassiné. Il a pour mission de saboter la performance de la coopérative agricole afin de déconsidérer le nouveau système mis en place par le gouvernement. Pour parvenir à ses fins, il s’en prend à Kamil ; le meilleur élément du kolkhoze qui s’interroge sur le bien fondé des changements intervenus après la prise de pouvoir par les soviétiques. Il a ainsi été furieux de constater que sa femme est venue le visage découvert voir la course de chevaux qu’il a remportée. Les résultats de certains sabotages et le décès de son père, qui lui conseille de partir dans un pays où l’islam est sacré sur son lit de mort, vont le convaincre d’émigrer. Initialement bien accueilli, il va rapidement découvrir le revers de la médaille de ce pays, soi-disant de cocagne.

Il s’agit bien sûr d’un film de propagande. Son objectif est de dénoncer les ennemis du peuple : les mollahs et les riches. Ils sont décrits comme s’opposant à la modernisation de la société dans le seul but de conserver des avantages obtenus au détriment du bien être du peuple. Cet aspect du film pourra sembler évident et caricatural au spectateur sophistiqué actuel ou supposé tel. Ce qui n’était pas le cas du spectateur centrasiatique de l’époque. Mais une fois pris en compte cette particularité, on ne peut que saluer la qualité de la première réalisation de Kamil Yarmatov. Un metteur en scène considéré comme le père fondateur du cinéma tadjik, selon la spécialiste qui organisée cette programmation lors de la dernière édition du Festival des 3 Continents.

La qualité du montage est l’une des grandes forces du cinéma soviétique, sans même parler d’Eisenstein. Les deux scènes de course à cheval sont époustouflantes et n’ont rien à envier à celles que l’on pourrait filmer aujourd’hui. La vigueur du montage donne un souffle à ces courses : plans latéraux montrant en continu la course de chevaux, plan subjectif, gros plans du cavalier...

Le film recèle également quelques perles. Comme ce plan subreptice de fils électriques lorsque l’un des rares éléments de modernisme du film apparaît à l’écran : la voiture utilisée lors de la fête. Je n’ai pas pu m’empêcher de faire le lien avec à ce fameux slogan : Le communisme, c’est les soviets plus l’électricité. Dans le même ordre d’idée, lors de l’émigration de Kamil, on aperçoit au second plan un occidental habillé la première fois en civil et la seconde en uniforme britannique. Histoire de montrer que l’impérialisme occidental se cache derrière l’esclavage de la tradition.

L’Asie centrale a été au dix-neuvième siècle au centre d’un affrontement pour son contrôle entre les empires britannique et russe. Ce que les premiers ont appelé le Grand Jeu et les seconds le Tournoi des Ombres. L’arrivée au pouvoir des bolcheviques a ravivé cette opposition.

La projection d’un film muet ne serait pas un succès sans un accompagnement musical réussi. Et sur ce plan-là, les spectateurs de la soirée ont été particulièrement gâtés. L’ensemble constitué pour l’occasion comprenait trois musiciens de trois régions différentes d’Asie centrale montrées dans les trois films muets présentés au festival des Trois Continents. Le premier, Ikbol Zavkibekov, est originaire du Tadjikistan, le second du Khorassan et le troisième d’Ouzbékistan.

L’action de L’émigrant se déroulant au Tadjikistan, Ikbol Zavkibekov était le musicien principal lors de cette projection. Musicien traditionnel, il nous a gratifié d’une composition particulièrement pêchue sans avoir besoin des autres membre du groupe de pop-rock auquel il appartient également. Un instrument à deux cordes lui a été suffisant.

Même s’il s’agit d’une fiction, L’émigrant donne aussi un aperçu de la vie en Asie centrale avant les grands bouleversements imposés par les communistes. Les scènes dans le pays des croyants ont sans doute été filmées à Samarcande ou à Boukhara à l’époque ; le réalisateur prenant la précaution de laisser les éléments les plus spécifiques hors du cadre. Sans mettre ma main au feu, je pencherai sur le Registan et le marché jouxtant la mosquée Bibi Khanoum.

L’émigrant a été projeté dans le cadre d’une programmation intitulée simplement Asie centrale, en ciné-concert, lors de la 31ème édition du Festival des 3 Continents (Nantes).

[1Lénine

- Article paru le jeudi 10 décembre 2009

signé Kizushii

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