Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Japon

Le couvent de la bête sacrée

aka Seiju Gakuen - School of the Holy Beast - Convent of the Sacred Beast | Japon | 1974 | Un film de Norifumi Suzuki | Avec Yumi Takigawa, Fumio Watanabe, Emiko Yamauchi, Yayoi Watanabe

Yumi Takigawa incarne Mayumi, une jeune femme qui rentre dans un couvent pour enquêter sur le décès de sa mère, et percer le secret derrière l’identité de son père. Sitôt arrivée, Mayumi perturbe l’ordre établi avec une attitude frisant l’hérésie ; si certaines nonnes profitent de l’occasion pour se libérer d’une charge blasphématoire, d’autres ne l’entendent pas de cette façon. Aussi cette perturbation s’accompagne-t-elle d’une campagne de délation, visant à remettre des sœurs lesbiennes ou voleuses dans le chemin du Seigneur. Mais le Cardinal lui-même use de méthodes de châtiment peu communes, et la chair est faible devant la tentation. Quels secrets cache donc ce couvent corrompu ?

Il n’est pas étonnant que Jean-Pierre Dionnet ait choisi de sortir Le couvent de la bête sacrée en même temps que le désormais mythique Elle s’appelait Scorpion. Le film de Norifumi Suzuki (la série des Torakku Yarô, Beautiful Girl Hunter) partage en effet avec le chef-d’œuvre de Shunya Ito, cette qualité exceptionnelle de réalisation qui transcende les frontières du simple cinéma d’exploitation (ici, le film de nonnes) pour rentrer avec force dans le panthéon du cinéma mondial. Un exploit que seuls les japonais ont réellement réussi à accomplir, que ce soit avec bon nombre de roman porno de la Nikkatsu, ou avec des monuments de violence stylisée tel Les menottes rouges de Yukio Noda. Dans le cas qui nous intéresse aujourd’hui, Norifumi Suzuki use d’un scope magnifique pour étaler fétichisme et tortures raffinées.

Car oui, Le couvent de la bête sacrée, s’il s’agit bien d’un redoutable poème blasphématoire, reste une œuvre aussi belle que pervertie. La superbe Yumi Takigawa incarne parfaitement cette dualité ; son visage, d’extrêmement pur quand il est souligné par une coiffe blanche, devient plus féminin et insolent quand Mayumi laisse retomber ses cheveux sur ses épaules. Souvent au cœur des tortures du film, Yumi Takigawa leur donne une poésie, superbe et douloureuse à la fois. La scène de flagellation à la rose, mise en scène à l’aide d’un ralenti sensuel, résume bien toute la charge érotique, sadomasochiste, du Couvent de la bête sacrée.

Si Yumi Takigawa est pour beaucoup dans l’attrait de ce film érotique remarquable, qui emprunte aux westerns une trame classique de vengeance par filiation, la réalisation de Norifumi Suzuki en est l’autre point fort, indéniablement. Dés les premières images du générique (superbe résumé des dernières journées de "liberté" de Mayumi), au cours duquel Suzuki cadre notamment son actrice à l’horizontale pour profiter de l’étendue de son image, Le couvent de la bête sacrée s’impose comme un authentique travail de metteur en scène. Décadrages, sublimes compositions symétriques et jeux de perspectives sont le lot du film, et multiplient le plaisir délictueux du spectateur face à cette œuvre délicieusement hérétique. Une pendaison par ailleurs superbe, préfigure avec force ressemblance son équivalent méthodique du Suspiria de Dario Argento. Une autre scène mémorable du film, voit deux nonnes consumer leur amour interdit. Tandis que l’une d’elle pratique un cunnilingus sur sa partenaire, un jeu de montage vient expliciter la scène de façon évidente et osée (une langue s’affaire entre deux doigts), pour éviter de tomber dans la pornographie. Un artifice étonnant, qui affirme bien l’intelligence de la mise en scène de Suzuki. Le réalisateur satisfait ainsi les nombreuses attentes érotiques de ses spectateurs sans jamais tomber dans la vulgarité.

C’est d’ailleurs certainement ce dernier point qui fait du Couvent de la bête sacrée une œuvre à part dans ce sous-genre aujourd’hui délaissé (à l’exception du récent et nettement plus explicite Sacred Flesh de Nigel Wingrove) qu’est le film de nonnes : un esthétisme à toute épreuve qui garantit que le film de Norifumi Suzuki soit considéré non pas comme un vulgaire étalage de chairs et de supplices pervers à réserver à quelques excentriques, mais comme un vrai film de Cinéma pour le plaisir (coupable, évidemment !) de tous.

Le couvent de la bête sacrée est disponible en DVD zone 2 PAL dans la collection Cinéma de Quartier (pas vu).

- Article paru le lundi 2 juin 2003

signé Akatomy

Corée du Sud

Reversal of Fortune

Thaïlande

Ghost Game

Hong Kong

Twin Dragons

Japon

Gun Crazy Episode 3 : The Big Gundown

Corée du Sud

This is Law

Japon

Cowboy Bebop : Tengoku no Tobira

articles récents

Japon

Hiruko the Goblin

Japon

Les Sœurs Munakata

Thaïlande

Last Life in the Universe

Japon

Dernier caprice

Japon

Fleur pâle

Japon

Godzilla Minus One