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Le Mystère de la chambre jaune

France | 2002 | Un film de Bruno Podalydès | Avec Denis Podalydès, Pierre Arditi, Sabine Azéma, Claude Rich, Olivier Gourmet

Archétypes, et précurseurs en version française, du roman policier tel qu’on a pu le connaître avec les écrits de Sir Arthur Conan Doyle et d’Agatha Christie au 20ème siècle au Royaume-Uni, les œuvres de Gaston Leroux, publiées à la fin du 19ème, partagent avec celles de Maurice Leblanc toute une partie de l’imaginaire des enfants de ce pays. Et, du coup, des adultes qu’ils sont devenus. Ce n’était donc pas une mince affaire pour Bruno Podalydès que de se lancer dans l’adaptation de la première partie du diptyque le plus célèbre de l’auteur.

D’autant moins facile que cela avait déjà été réalisé : par Emile Chautard en 1912, par Marcel l’Herbier en 1930 (la plus connue des adaptations) et par Henri Aisner en 1938. Mais la gageure a été relevée par un réalisateur qui s’essayait là à un exercice nouveau. En effet, Podalydès était jusque-là connu pour des films plutôt ancrés dans leur époque, même si cela ne lui a jamais interdit, bien au contraire, les digressions poétiques. C’était aussi la première fois qu’il réalisait un film ne se situant pas "de nos jours", comme on dit.

Et le résultat est agréable : certes ce n’est pas un grand film, mais l’ensemble se regarde avec plaisir, surtout pour ceux qui, comme moi, auraient oublié le déroulement de l’affaire, mais qui gardent un bon souvenir de l’ambiance insufflée par Leroux et de la truculence de ses personnages. C’est d’ailleurs l’un des aspects les plus plaisants du film : non content d’avoir respecté la nature des protagonistes, Podalydès a inséré des personnages qui n’existaient pas dans le roman mais qui tombent très juste et facilitent le passage à l’écran.

Bref rappel des faits, pour qui ne se souviendrait plus (ou n’aurait jamais eu connaissance, après tout on n’est pas obligé d’avoir lu Leroux !) de l’histoire. Mathilde Stangerson, la fille du célèbre professeur, a été victime, dans la chambre attenante au laboratoire de son père, où celui-ci était présent au moment des faits, d’une tentative d’assassinat. Mais quand les témoins entrent dans la pièce, Mathilde est seule : son agresseur a disparu, alors que toutes les issues étaient bloquées.

Le crime parfait : sur place, l’inspecteur Frédéric Larsan, échafaude diverses hypothèses, qui l’amènent tout d’abord à soupçonner le fiancé de Mathilde (savoureux Olivier Gourmet, très bon, comme il l’est par exemple chez les frères Dardenne), puis le garde-chasse (invention de Podalydès, il s’agit d’un ancien chef apache recueilli par le professeur Stangerson) sans se désintéresser des concierges. Un méli-mélo sans résultats tangibles, le juge chargé de l’affaire (Claude Rich, magnifique d’incompétence et de gourmandise) ne faisant que suivre le policier sans donner de direction.

Heureusement, Rouletabille est là, et ses méthodes font mouche... Après avoir consciencieusement observé les lieux et les personnes qui y vivent, c’est, à l’image de ses illustres pairs Sherlock Holmes ou Hercule Poirot (nés, notons-le bien, après lui sous la plume de leurs créateurs), en s’éloignant de la scène du crime que le jeune reporter va parvenir à démêler l’écheveau de la Chambre jaune.

Le "whodunnit" fonctionne bien grâce à la réalisation, le cadre est suffisamment coloré pour que l’on se croie au beau milieu d’une bande dessinée, ce que ne contredit pas le jeu de Denis Podalydès, parfait Rouletabille plus proche, pour le coup, de Tintin que des détectives privés : le divertissement est bien là. Et si l’on reste un peu sur sa faim malgré tout, c’est assez normal : les personnages, qui ne demandent qu’à être développés, le seront, espérons-le, dans le deuxième volet du diptyque, en préparation.

C’est qu’il s’agissait en fait, pour Bruno Podalydès, non pas tant de relever le défi que nous soulignions plus haut que de réaliser un rêve d’enfant : voir naître sous ses yeux les personnages qui l’ont fait vibrer dans ses lectures. Sur ce plan, on peut parler de réussite ; en tout cas, j’ai véritablement retrouvé les sentiments qui m’animaient lorsque je lisais les aventures de ce petit reporter fantasque et malin, qui en remontre en jugeotte et en débrouillardise à la plupart de ses aînés. Et l’art du réalisateur (hérité, bien sûr, de celui de l’auteur) est de savoir ménager son suspense, non seulement à l’intérieur du film, mais aussi dans la perspective du second volet... Vivement Le parfum de la dame en noir !

En salles à partir du 11 juin 2003.

- Article paru le samedi 3 mai 2003

signé Lester D. Shapp

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