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Hors-Asie

Machines of Love and Hate

USA | 2003 | Un film de Joseph F. Parda | Avec David Runco, Tina Krause, Eileen Daly, Roland Johnson, Milton Haynes, Devon Mikolas

Visitor Jean-Charles.

Une soirée comme une autre chez les Marks : Alexander se plaint d’être en fauteuil roulant pendant que sa femme Cynthia, excédée, lui jette de la vaisselle au visage en hurlant. Leur fille Erica, n’en pouvant plus, monte dans sa voiture pour se changer les idées. Plein gaz au milieu de la nuit, elle percute un homme mystérieux qui, quelques minutes auparavant, faisait du stop, amnésique et un masque à gaz à la main, pour atteindre une destination inconnue de lui-même. Erica ramène Jean-Charles – c’est le nom de l’accidenté – chez ses parents pour soigner sa blessure superficielle. L’occasion pour Cynthia d’entrevoir la fin de sa répression sexuelle ? Pour Erica de se découvrir femme ? Pour Alexander en tout cas, de développer un mépris encore plus grand pour son épouse et sa fille. Atteint d’étranges visions, Jean-Charles se laisse progressivement contaminer par l’ambiance malsaine de la maisonnée, persuadé que les réponses à son errance – qui est-il ? Que cherche-t-il ? - sont proches...

Sur l’autel de la linéarité.

Machines of Love and Hate est le dernier film en date de Joseph Parda, cinéaste américain (très) indépendant, et l’on pourrait pourtant croire qu’il s’agit du premier, voire d’un film d’études. N’allez pas croire que j’attaque le film en disant cela ; c’est juste que sa singularité paraît démesurément consciente, son étrangeté presque fabriquée. Weirdness for the sake of weird ? Oui et non ; car la structure hallucinée du film prend son sens en cours de route. Et ce que l’on peut accorder à Parda, c’est que nous n’avons jamais envie de quitter ce chemin, car dans sa différence sans le sou, Machines of Love and Hate parvient à nous happer, parfois même à nous fasciner.

Ce n’est pourtant pas grâce à son acteur principal : David Runco, l’interprète de Jean-Charles, est théâtral à souhait, et semble avoir du mal à incarner l’entité réflexive que Parda lui a confiée. Ses échanges, construits comme autant de puzzles, frôlent régulièrement le ridicule cryptique. Heureusement face à lui, le reste du cast assure, théâtral aussi mais tout de même plus en phase avec le ton du projet. Roland Johnson (Alexander) est assez dérangeant, et Eileen Daly (Cynthia) est comme toujours excellente, en plus d’être magnifique. Tina Krause - qui arrive encore du haut de ses presque quarante ans, à jouer les adolescentes ! - est plus timorée qu’à l’habitude, mais s’en sort sans mention particulière – si ce n’est que le masque à gaz sied à merveille à sa nudité.

Alors d’où vient, en dehors des attributs d’Eileen Daly, la fascination provoquée par Machines of Love and Hate ? Le parcours identitaire onirique de Jean-Charles s’articule autour d’un jeu de motifs – d’où l’impression d’œuvre universitaire, peut-être – qui passe près de l’insupportable mais devient hypnotisant. Au cœur du film notamment, le réveil de Jean-Charles sans cesse réinterprété, autour d’un tronc commun répété à plus de trois reprises. L’enchaînement redondant dérange, d’autant qu’il est traversé d’une folie incompréhensible et arythmique, mais constitue rétroactivement la pierre angulaire de ce projet singulier. La fin en forme de twist, dans son approche presque naïve du blasphème et du surnaturel, détonnerait avec le sérieux affirmé de l’ensemble si elle ne justifiait pas cette structure manipulée, forcée sur le spectateur comme elle l’est, dans l’histoire, sur des protagonistes qui ne sont jamais vraiment eux-même – pas même dans la plus charnelle intimité.

Sous ses imperfections qui rebuteront aisément le grand public, Machines of Love and Hate cache un cœur sombre et malsain qui parvient à susciter l’intérêt. Parda ne se laisse jamais abattre par son manque de moyens et sa maîtrise certaine du montage parvient à noyauter le quotidien des Marks d’une étrangeté passionnante – et ce même au-delà de la vision du film. Dans son travail de mise en forme, le réalisateur lorgne timidement du côté des vieux Argento : sa caméra, qui s’auto-proclame explicite et donc vérité, est un rouage pertinent de manipulation. Et le personnage d’Alexander, qu’il convient d’interpréter en permanence en dehors du cadre de l’image, est l’incarnation de cette machine narrative volontairement grippée, d’amour et de haine.

Machines of Love and Hate est disponible en DVD zone 1, sans sous-titre. Transfert convenable mais non-anamorphique, et bonus respectables (parmi lesquels un moyen métrage du réalisateur).

- Article paru le dimanche 5 octobre 2008

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