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Hors-Asie

Maléfique

France | 2002 | Un film de Eric Valette | Avec Gérald Laroche, Clovis Cornillac, Dimitri Rataud, Philippe Laudenbach, Didier Benureau, Geoffrey Carey

Maléfique est la quatrième production du label Bee Movies, initié par Olivier Delbosc et Marc Missonnier. Après l’accueil relativement froid réservé aux Jeu d’enfants de Laurent Tuel, Requiem d’Hervé Renoh et Bloody Mallory de Julien Magnat, Maléfique bénéficiait avant sa sortie d’une réputation avantageuse, due à son succès au dernier Festival de Gérardmer où il a reçu le Prix du Jury. Une lueur d’espoir pour ce projet qui vise à remettre en selle le film de genre français, et qui se heurte au manque d’objectivité évident des critiques et spectateurs de l’hexagone...

Une cellule sordide. Deux hommes gisent sur le sol, l’un d’eux visiblement encore en vie tandis que l’autre a le ventre ouvert. Un troisième se penche au-dessus de ce dernier, trempe ses doigts dans la plaie sanguinolente. Puis il s’approche du mur et termine d’y dessiner une incantation inconnue, prononce une phrase magique. Rien ne se passe. Une correction s’impose... Générique.

Une cellule sordide. Un transsexuel plutôt balèze s’apprête à sectionner une phalange de l’un de ses deux codétenus, mort de rire et rapidement assommé de douleur. Le but de cette absurde manipulation ? Ledit Marcus se charge d’offrir à son ami Pâquerette les séjours à l’infirmerie qu’il aime tant, ses vacances auprès du médecin-chef. En jetant la phalange sectionnée par l’unique ouverture de la cellule, Marcus déclare que Pâquerette, contrairement à lui, "s’évade par petits bouts"... Un quatrième larron, Carrère, rejoint cette fine équipe après avoir momentanément fait ses adieux à sa femme et à son fils au parloir. Gigolo ? Maquereau ? Non, "Chef d’entreprise". "Ca se voit à sa fierté". Ce sont de nombreux raccourcis économiques qui ont conduit l’entrepreneur dans cette cellule, une quête de confort à ne pas confondre avec celle, plus louable du bonheur. Marcus le transsexuel "pas terminé" qui s’entraîne à longueur de journée pour escalader le mur de la prison avec Pâquerette sur le dos, Pâquerette élevé au milieu de cochons (littéralement) qui bouffe tout ce qui lui passe sous la main (même une montre), Lassalle l’ancien prof devenu fou à cause de ses lectures... Carrère apprend à connaître ce microcosme pernicieusement barré, tranquillement - jusqu’au jour où il découvre, derrière une pierre à côté de son lit, le journal d’un ancien prisonnier dénommé Danvers. Le manuscrit remonte aux années 20 et semble renfermer de nombreuses formules magiques, dont l’une permettrait aux quatre hommes de s’échapper...

Dès que le spectateur met les pieds dans la cellule partagée par Marcus et consorts, Maléfique s’impose comme un film "rafraîchissant" dans le panorama français actuel. Si je me permets toutefois de mettre ce qualificatif entre guillemets, c’est parce que cette fraîcheur provient d’un malaise, du sordide anecdotique de la situation. L’attitude de Carrère lorsqu’il rejoint cet univers déjanté est un reflet rétroactif de la notre face au film d’Eric Valette : Carrère s’assied au milieu de ce petit monde et le contemple, sans interagir avec ses habitants - du moins dans un premier temps - comme pour tenter de préserver son incrédulité, doublée d’une supériorité illusoire. Sa curiosité comme la notre, reprend cependant rapidement le dessus - surtout après l’arrivée du livre de Danvers, tueur en série du début du siècle avide de placentas frais...

Prenant comme unité de lieu unique cette cellule repoussante, Maléfique s’impose rapidement comme un ersatz de Cube, mâtiné d’Hellraiser. On pense au film de Vincenzo Natali dans l’efficacité de l’économie de moyens, dans le fait que le film tire justement la force de son ambiance d’une faiblesse potentielle (son budget restreint) ; mais aussi dans la tentative d’évasion par le biais de l’appréhension d’une logique inconnue (la magie noire et ses représentations cabalistiques). Le cahier de Danvers par ailleurs, journal protéiforme et vivant, rappelle la création cubique d’un certain Philip Lemarchand - à savoir cet effrayant puzzle à six faces, dont les nombreuses configurations sont autant de tortures possibles, clef potentielle d’une connaissance souvent très chèrement payée, auprès des Cénobites de Hellraiser...

Plus qu’une simple copie reformulée cependant, Maléfique parvient à s’imposer comme un film foncièrement original. Ainsi Eric Valette donne-t-il à son premier long-métrage une texture bien particulière, mélangeant intelligemment le confinement de l’univers carcéral, propice au développement d’une certaine folie, avec une conception purement fantastique de l’horreur. Maléfique joue donc sur plusieurs registres de la terreur, de l’enfermement à la torture, développant pour chacun de ses personnages un enfer qui lui est propre - et qui finalement, traduit certainement de façon fidèle quoique imagée, l’état psychologique d’un prisonnier confronté trop longtemps et exclusivement à ses propres démons.

Maléfique est donc une authentique réussite du film de genre français, bien filmée et bien interprétée (étonnant Gérard Laroche). Eric Valette parvient à donner une dynamique réelle à ce cauchemar surnaturel, et Maléfique jouit d’une inertie suffisante pour faire grandir notre peur jusque dans ses derniers instants. On regrettera néanmoins une dernière scène trop explicite et décalée, presque second-degré, qui aurait plus facilement trouvé sa place dans un épisode de Twilight Zone ou autres Tales from the Darkside. Mais c’est un choix aisément pardonnable au vu de la qualité et de l’efficacité indéniables de l’ensemble. Merci à Eric Valette et Bee Movies pour ce nouvel essai français, "maléfiquement" transformé !

Maléfique est sorti sur les écrans français le 7 mai 2003... alors on se remue svp !

- Article paru le mardi 13 mai 2003

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