Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Hong Kong

Naked Weapon

Hong Kong | 2002 | Un film de Tony Ching Siu-Tung | Avec Maggie Q, Anya Wu, Daniel Wu, Jewel Lee, Cheng Pei Pei, Almen Wong, Andrew Lin

Ce n’est certes pas la première fois, mais aujourd’hui voyez-vous, je me retrouve un peu embêté. Je vous ai déjà fait le coup du "pas facile d’être rédacteur sur SdA" au détour d’un article sur Whasango, et ça me gènerait beaucoup d’avoir à vous le resservir aujourd’hui. Il y a quelques jours, à l’occasion d’un article nostalgique sur le My Name is Cat de Clarence Ford avec Almen Wong, je mentionnais ma passion pour les "female with guns", mon amour sans limites pour Chingmy Yau et les v-cinema japonais, tels que transcendés par Kumiko Takeda dans l’excellent Zero Woman, troisième du nom. Tous ça, vous allez me dire, commence à virer à l’obsession, tant certaines thématiques se retrouvent au fil de mes articles. La sénilité me guêterait-elle déjà ? Je crois plutôt que c’est mon enthousiasme immodéré pour de trop nombreuses formes de divertissements cinématographiques, pour les zombies, pour hitomi, pour les Katakuri et pour la vie en général qui m’amène à être une fois de plus acculé, dos au mur et pourtant toujours plus heureux.
Je sais bien que certains me trouvent trop bon public, et pourtant je n’y peux rien. Au fil des découvertes, des séances incessantes qui recouvrent tous les genres imaginables, du gore au mélo en passant par tous les filons du cinéma d’exploitation, le polar, la comédie "basique" et tout le reste, mon enthousiasme, plutôt que de se retrouver totalement saturé, ne cesse d’augmenter. Si je suis si heureux aujourd’hui, c’est parce que je suis désormais certain que je n’atteindrais jamais ma limite d’absorption visuelle et sensorielle, que ma passion ne s’éteindra jamais. Car aujourd’hui, j’ai eu l’immense honneur de visionner Naked Weapon, preuve s’il en est qu’il y a des gens qui semblent être là uniquement pour donner corps à mes envies.

Sur le papier, Naked Weapon nous était plus ou moins vendu comme la suite de Naked Killer. Pas besoin de vous le répéter car vous le savez déjà : Chingmy Yau, Simon "Je suis le De Niro HK" Yam, Carrie Ng, un mélange racoleur de gunfights, de femmes dénudées, de vomi et de vulgarité... j’aime Naked Killer, d’un amour aveugle. Pour tout ce qu’il représente d’essentiel à ceux qui goûtent à tous les plaisirs de la vie.
Rattaché au projet, un certain "Tony Ching" en tant que réalisateur. Ce Tony, c’est Ching Siu-Tung, chorégraphe fou derrière les combats de Duel to the Death, Dragon Inn, Moon Warriors, ou encore les démonstrations sportives de Shaolin Soccer ; lui-même réalisateur des trois Chinese Ghost Story, de Swordsman II, de Terracotta Warrior. Si tout le monde a aujourd’hui - Matrix oblige - le nom de Yuen Woo-Ping à la bouche, mon coeur a toujours plutôt penché du côté de Ching Siu-Tung, et récemment de Donnie Yen. Car, à la force de Blade II et de Shurayuki Hime (Princess Blade), Donnie a su s’imposer à mes yeux comme le meilleur chorégraphe de l’année 2002.

Plus discret ces derniers temps, Ching Siu-Tung est néanmoins bien décidé à reprendre la première place, comme l’atteste la dernière bande-annonce de Hero - sans doute le film asiatique le plus attendu de l’année -, mais aussi le film d’exploitation redoutable qui nous intéresse aujourd’hui. Car, non content de remettre le "female with guns" au goût du jour, Naked Weapon enterre non seulement tous ses prédécesseurs, aussi illustres soient-ils, mais aussi la majorité des films d’action contemporains. C’est très simple en réalité : aux côtés de Blade II et Whasango, Naked Weapon est le film qui complète le podium de l’année 2002, d’une façon complètement inattendue. Un film jouissif, certes, je m’y attendais bien - mais qui aurait pu imaginer un tel monument ? Même pas moi, je vous l’assure...

De par le monde, une quarantaine de petites filles, toutes agées d’environ 13 ans, disparaissent. Toutes ont la particularité d’être excellentes en arts-martiaux, ou des sportives hors-pair. Parmi celles-ci, les jeunes Charlene et Katt. L’agent Jack Chen (Daniel Wu) ne le sait pas encore, mais sa poursuite d’une tueuse au service d’une certaine Madame M est liée à ces disparitions...
Les gamines se retrouvent toutes en effet dans le camp d’entraînement de Madame M, sur une île déserte à 300 kilomètres de la première terre habitée. C’est sur ce terrain insulaire qu’elles vont commencer un entraînement de six ans visant à faire d’elles des tueuses impitoyables, des armes totales. Certaines tentent de s’enfuir mais leur élimination brutale dissuade rapidement Charlene et Katt de s’enfuir. Au cours de six ans d’enrôlement forcé, les deux jeunes femmes vont se serrer les coudes...

Au terme de cet entraînement, Naked Weapon vire momentanément à la Battle Royale, Madame M (Almen Wong) forçant quelque peu le processus de sélection naturelle au sein de ses charmantes recrues internationales. Normalement, seule l’une d’entre elles doit survivre ; pourtant M enfreint sa propre règle en conservant non seulement Charlene (Maggie Q) et Katt (Anya Wu), mais aussi Jing (Jewel Lee) à ses côtés. Il est temps pour les "Naked Weapons" d’entamer leur service - un contrat de cinq ans au bout duquel elles pourront retrouver leur liberté - si tant est qu’elles soient toujours en vie...

A vrai dire, je ne sais même pas par où commencer pour tenter de vous transmettre la joie ressentie à la vision des 90 et quelques minutes de Naked Weapon... Devrais-je commencer par encenser Maggie Q et son amie Anya, ou alors m’attaquer derechef aux chorégraphies, ou vous décrire l’exposition incroyable et commenter l’équilibre formidable du cahier des charges mille fois tenu de Ching Siu-Tung ? Difficile de trouver un équilibre pour mon article en tout cas... mais pourtant Ching a bien réussi, lui, à doser un film qui aurait pu se contenter d’être simplement efficace et racoleur...
Commençons par là alors. Naked Weapon se divise effectivement en trois parties aux proportions sensiblement égales. La première, qui rappelle quelque peu le début mythique du Soldier de Paul Anderson, résume six années d’entraînement à la GI Jane, qui se terminent par une obligation pour toutes les demoiselles prisonnières de s’entretuer. Plutôt violente, cette introduction est en elle-même une merveille de condensé de cinéma d’exploitation : Maggie Q et Anya qui courent sur la plage, qui font leurs exercices sous formes de concours discrets de t-shirts mouillés, et déjà les premiers affrontement qui se dessinent avec l’entraînement en contre-jour de Jewel Lee, incroyable artiste martiale jusqu’alors inconnue du grand public... Et puis le combat "en cage" arrive, et avec lui le grand retour de Ching Siu-Tung.

Grâce à une méthode habile de sélection qui oppose successivement Maggie Q à une, puis deux, puis trois et enfin quatre combattantes, Ching passe en revue toutes les figures de style qui ont fait sa réputation ; et ce non seulement au niveau de la réalisation (les travellings latéraux qui rappellent la descente de dune de Dragon Inn, les mouvements circulaires, les ralentis "intégrés" aux déplacements) mais aussi au niveau de la diversité des méthodes de combat et des armes retenues, de la machette à la hallebarde en passant bien sûr par le combat à mains nues. En une demi-heure, Ching Siu-Tung transcende déjà toutes nos attentes : Naked Weapon ne sera pas qu’un simple divertissement dirigé vers les lecteurs de FHM.

La seconde partie se recentre autour du personnage de Charlene, et de l’exercice de ses nouvelles fonctions. Revenue dans le monde "réel", elle y rencontre Daniel Wu mais retrouve aussi sa mère (Cheng Pei-Pei !!!), et permet ainsi au film de s’attarder un peu plus - sans jamais en abuser au détriment du rythme - sur l’établissement de relations humaines, nécessaires au développement de son personnage. Les combats sont ici encore nombreux, mais Ching n’oublie pas non plus de satisfaire les attentes de son public en matière de chagasse...

Le terme "chagasse" peut paraître péjoratif à notre lectorat féminin mais je vous assure qu’il n’en est rien. Au contraire même, j’éprouve un immense respect pour ses femmes qui sont justement... tellement femmes. Et autant dire que Maggie Q, en tant que chagasse, se pose là. C’est un peu la Reine en fait, et il est fort possible qu’elle réussisse à raviver une flamme légèrement éteinte depuis le départ de Chingmy Yau des écrans. Car Maggie est très belle, elle joue plutôt bien, se déplace à merveille, et surtout assure vraiment dans toutes les scènes d’action, ne paraissant jamais ridicule - au contraire - face à Jewel Lee (authentique championne en arts martiaux). En fait, Maggie Q incarne parfaitement l’idéal de la femme d’action moderne, mignonne et brutale à la fois. A ses côtés Anya Wu, moins présente toutefois, est loin d’être en reste, et leur couple un tantinet lesbien (quoi de plus normal dans une production Wong Jing ?) fonctionne à merveille.

La troisième et dernière partie enfin, oppose Charlene à Ryuji, yakuza arrivé là un peu par hasard mais qui va permettre à Ching Siu-Tung de claquer définitivement son public avec un affrontement démentiel, au cours duquel il n’hésite même pas à abîmer le joli minois de son héroïne. Je ne vous gacherais pas le plaisir, il me suffit de vous dire que ce genre de séquences donne envie de se lever et d’applaudir, un peu comme la conclusion barbare de Shurayuki Hime. Autant dire que je ne me suis pas privé...

Naked Weapon - vous l’aurez compris -, est donc le film d’action/exploitation ultime, un monument totalement décomplexé qui se donne les moyens de satisfaire chacune des attentes du spectateur, tout en restant dans le cadre d’un film "montrable", sans les excès propres à la classification en Cat III (ou presque) - à laquelle il a d’ailleurs échappé. Ching Siu-Tung offre à Maggie Q une vitrine en or, et nous assaille de moments de bravoure et de fantasmes satisfaits, et le résultat est proprement démentiel !
Comme souvent dans ce genre d’articles, il ne me reste plus - si vous m’avez suivi jusque là - qu’à remercier le réalisateur/chorégraphe de ce trésor, et souhaiter que Maggie Q nous revienne au plus vite dans une prestation du même accabit. Tout en sachant bien sûr qu’un tel équilibre, qu’une telle satisfaction à tous les niveaux sont précieux justement parce qu’ils resteront rares, le fruit d’une alchimie parfaite et assumée. Si seulement nos pays pouvaient s’investir avec autant d’enthousiasme dans des projets de cette envergure, et assumer les mêmes plaisirs absoluments universels, les gens feraient certainement moins la gueule le matin dans les transports en commun !

Naked Weapon est disponible en DVD HK chez Mega Star.
La copie anamorphique est magnifique, et peut s’accompagner au choix d’anglais en 5.1 ou DTS (langue d’origine) ou de 5.1 en chinois.
Au niveau des suppléments, on regrette que le making-of soit trop promotionnel ; mais au moins presque tout le monde parle anglais (sauf Ching Siu-Tung et Jewel Lee), et on peut passer quelques instants supplémentaires en compagnie de Maggie Q.
Aussi présents, le teaser et le trailer du film en 5.1.
Un boulot appréciable pour un prix dérisoire - comme le film : on en redemande !

- Article paru le dimanche 22 décembre 2002

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