Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Hong Kong | Rencontres

Soi Cheang

"Quand je travaillais seul, j’avais l’impression de fonctionner uniquement avec la petite flamme qu’il y a au fond de moi. C’était plus instinctif, moins réfléchi. Avec Johnnie To, j’ai appris qu’il fallait que cela soit bien analysé, mais aussi à me concentrer sur l’essentiel. "

2009 va se terminer en beauté pour le cinéma asiatique avec la sortie d’Accident le 30 décembre. Si je devais établir la liste des meilleurs films des douze derniers mois comme il est de coutume à cette époque de l’année, la dernière réalisation de Soi Cheang en ferait partie. Sous la patronage de Johnnie To, il nous livre un film où l’énergie brute et sauvage de ses précédents a été canalisée. Dans son interview pour Sancho, le réalisateur hongkongais est revenu sur ce changement de cap.

Sancho : J’aimerais connaître l’histoire de votre rencontre avec Johnnie To. Quel a été l’impact de cette collaboration sur votre manière de travailler sur Accident ?

Soi Cheang : Nous nous sommes rencontrés en 2002. A l’époque, j’avais déjà tourné deux films, mais je ne me trouvais pas assez bon. Je voulais apprendre davantage et j’ai travaillé comme assistant réalisateur auprès lui. Peu de temps après j’ai repris mon indépendance. Puis Johnnie To m’a contacté après Dog Bite Dog pour que l’on travaille ensemble.

Quand je travaillais seul, j’avais l’impression de fonctionner uniquement avec la petite flamme qu’il y a au fond de moi. C’était plus instinctif, moins réfléchi. Avec Johnnie To, j’ai appris qu’il fallait que cela soit bien analysé, mais aussi à me concentrer sur l’essentiel.

Etes-vous aussi méticuleux dans la préparation de vos films que le cerveau dans la préparation de ses accidents ?

Il y a de nombreuses ressemblances entre nous parce que j’ai mis beaucoup de moi dans ce personnage. De plus, en raison des contraintes budgétaires et de temps inhérentes au tournage d’un film à Hong Kong, il faut beaucoup de préparation pour ne pas se louper.

Lorsque l’on regarde l’équipe préparer ses coups dans le film, on pense forcément à une équipe de cinéma.

(Rires) C’est tout à fait à vrai. J’ai passé beaucoup de temps avec les scénaristes à réfléchir et à discuter à propos du film. J’ai reproduit ces séances dans la scène de préparation de l’accident.

Justement, vous avez travaillé avec l’équipe créative de la Milkyway [1] et avec votre scénariste habituel. Quel a été votre apport ?

Ce n’est pas vraiment comme cela que cela s’est passé. En fait je travaille toujours avec Szeto Kam-Yuen et l’autre scénariste est son assistant.

Comment avez-vous travaillé avec eux sur l’écriture du scénario ?

Nous réfléchissons beaucoup ensemble. Nous nous sommes rencontrés presque tous les soirs pendant deux ans pour travailler sur les dialogues et les scènes. C’est pour cette raison que la scène de préparation de l’accident est un peu une reproduction de nos séances de travail.

Où allez-vous chercher vos idées ?

Elles proviennent de moi. J’avais très envie de changer de style après avoir réalisé des films très violents. Je voulais faire quelque chose de différent, comme des assassinats ne nécessitant pas d’armes. J’ai pensé aux meurtres maquillés en accident et c’est ce qui a abouti à ce film.

Qu’est ce qui vous attire dans les personnages extrêmes, que l’on trouve dans Accident et vos autres films ?

J’ai simplement beaucoup plus d’imagination pour parler de ce genre de personnage. J’aime aussi pousser les situations à l’extrême pour voir comment les gens réagissent et comment ils peuvent évoluer.

Votre style a changé par rapport à vos précédentes réalisations. Elles étaient impressionnantes par leur énergie brute, alors qu’elle est canalisée dans Accident pour mieux exploser à certains moments. Quelles nouvelles directions souhaitiez-vous prendre ?

Il est vrai que ce film représente un très grand changement par rapport aux précédents. Mais en fait, j’ai adapté le style aux besoins du film. Dans Accident, il y a beaucoup de contraintes et de réflexions. Le film est lent et maîtrisé parce que le cerveau fonctionne de cette façon-là. Dans mon prochain film, si le sujet est différent je choisirai un autre rythme. On ne peut pas dire que ce film soit ma nouvelle direction.

Quels sont les thématiques, styles ou genres que vous aimeriez explorer ?

Je n’ai pas encore réfléchi à des projets, mais j’aime tourner des films sur la vie des gens ordinaires.

Dans quel quartier de Hong Kong le film a-t-il été tourné ? Qu’est ce qui a dicté ce choix ?

Accident a été tourné dans les endroits qui m’ont le plus marqué quand je suis arrivé enfant à Hong Kong [2]. C’est le cas de l’immeuble de l’assurance et du tramway.

Il y a des images de l’architecture de Hong Kong qui sont très impressionnantes dans vos films. Je pense notamment à l’immense immeuble bardé de climatiseurs dans Dog Bite Dog.

Je sais ce que je veux, mais c’est aussi parfois le hasard. Dans Dog Bite Dog, je voulais des lieux très délabrés, très sales. Pour une scène, j’ai eu du mal à trouver le décor jusqu’au jour où j’ai trouvé exactement ce que je recherchais. Mais on m’a alors dit que c’était impossible car la démolition était déjà prévue. J’ai demandé qu’elle soit retardée. Quand la scène a été tournée, les engins de démolition étaient déjà là et sont entrés en action dès notre départ.

Comment se déroule concrètement le tournage d’un film dans la ville de Hong Kong alors qu’en France de nombreuses autorisations sont nécessaires ?

C’est beaucoup plus simple à Hong Kong où nous avons beaucoup moins de règles à respecter. On filme au milieu de la population, des piétons... C’est pareil dans le tramway où l’on filme sur place sans rien demander à personne.

Vous adoptez des partis pris tranchés pour photographier vos films. Comment avez-vous abordé la photographie de ce film et comment travaillez-vous avec votre directeur de la photographie habituel ?

Bien sûr, nous faisons une recherche pour savoir où poser la caméra, déterminer les angles et comment créer l’ambiance, mais on se sert de ce qui existe déjà sur place. On va donc filmer d’une façon assez brute. Par contre, j’ai appris à dessiner étant enfant et j’ai une façon de voir qui est peut-être particulière. J’explique ma vision à mon directeur de la photographie pour qu’il puisse la mettre en image.

Dans le dossier de presse, vous expliquez que vous regardez certains films lorsque vous préparez les vôtres. Lesquels avez-vous regardé pour celui-là et quelles sont vos influences en général ?

Cela n’a peut-être rien à voir mais pour ce film j’ai vu beaucoup de films d’Akira Kurosawa. J’aime beaucoup sa façon de décrire ses personnages et sa manière de filmer. A titre personnel, les films qui m’ont plu et marqué sont Alien, City on Fire et Le Lauréat.

Remerciements à Matilde Incerti, Audrey Tazière et Michèle Halberstadt (ARP) pour avoir permis cette interview, ainsi qu’à Mutchi Huynh pour la traduction.
Photos de Soi Cheang : Kizushii.

[1Elle est créditée au générique.

[2Soi Cheang est originaire de Macao.

- Article paru le mardi 29 décembre 2009

signé Kizushii

Japon

Koji Hagiuda

Iran

Bending the Rules

Japon

Confessions

Taiwan

Mahjong

Chine

Shadow

Japon

I Wish - nos voeux secrets

articles récents

Japon

Dernier caprice

Japon

Fleur pâle

Japon

Godzilla Minus One

Japon

Tuer

Japon

L’Innocence

Japon

Récit d’un propriétaire