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Japon

Yomigaeri

aka Resurrection | Japon | 2002 | Un film d’Akihiko Shiota | D’après le roman de Shinji Kajio | Avec Tsuyoshi Kusanagi, Yuko Takeuchi, Yuriko Ishida, Kou Shibasaki, Shô Aikawa, Keiichi Yamamoto, Misaki Ito, Kunie Tanaka

"Que feriez-vous si une personne chère à vos yeux se réincarnait ?"

Jeune réalisateur prometteur et ancien scénariste pour Kiyoshi Kurosawa, Akihiko Shioda, remarqué pour A Harmful Insect (2001) et Gips (l’un des six films de la série Love Cinema) se lance dans l’adaptation d’un roman populaire de Shinji Kajio, prenant cette fois une direction résolument commerciale au travers d’un Jdorama (équivalent des mélodrames pour midinettes) aux accents fantastiques et mystérieux.

Dans la ville paisible d’Aso (région de Kumamoto), un enfant disparu pendant la guerre réapparaît inexplicablement auprès de sa mère, sans même avoir vieilli d’un pouce. L’inspecteur Heita Kawada, natif de la région, est chargé d’enquêter sur ce mystère. Il y retrouve une amie d’enfance Aoi Tachibana, dont le petit ami est mort il y a plusieurs années. Celle-ci, tout d’abord incrédule face à ces évènements, ne parvient pas à faire le deuil de son amour, et commence à espérer son retour. Alors que de nouvelles réapparitions se succèdent - un écolier suicidé, un mari décédé, une mère disparue -, le mystère s’épaissit et les relations entre Hetai et Aoi se compliquent. Alors qu’on découvre un gigantesque cratère dans la forêt alentours, une analyse du sol révèle un étrange magnétisme dans la zone. Serait-ce la cause de ces mystérieuses résurrections, les réapparitions ayant toutes été constatées à proximité du cratère ? Au cours de ses recherches, Heita apprend alors un terrible secret sur Aoi qui va bouleverser leur rencontre.

A l’image des lucioles qui signalent les résurrections accompagnées d’une mélopée de synthétiseurs, on est plus proche du Ghost de Jerry Zucker que des films de fantômes japonais. En dépit de l’invraisemblance du scénario - des résurrections par dizaines situées à proximité d’un village -, le réalisateur choisit un traitement réaliste du récit. Le début étant prétexte au développement de l’enquête menée par Heita, croyant bon de veiller à ne pas alerter les médias sur le phénomène qui ne cesse de s’amplifier. Shiota se concentre sur des personnages aux passés douloureux, accentuant d’autant le caractère mélodramatique des retrouvailles. Certaines sont clichés, comme le jeune étudiant suicidé à cause de brimades, d’autres pathétiques, à l’image de la jeune mère sourd-muette dont la fille est devenue enseignante pour sourds-muets. Outre le climat mystérieux largement entretenu pendant la première heure, il règne une tristesse mélancolique qui semble habiter les personnages sur lesquels s’attarde Shiota, et qui ne savent comment se réjouir, déstabilisés par ces retrouvailles.

Peu à peu, Shiota se désintéresse de la cause réelle du mystère des réapparitions, pour décrire la vie et l’histoire de ces personnes qui retrouvent l’être cher, les confrontant à leur passé pour leur faire saisir la nécessité d’une vie présente sans regrets. Quand le passé rejoint le présent, c’est tantôt source de joies (les deux frères orphelins qui se retrouvent) mais aussi de tristesse (la femme abandonnée par son mari avec sa jeune fille). Shiota nous montre que si c’est l’amour de l’être disparu qui le fait revenir (même si ce n’est qu’un instant), cet amour doit servir l’espoir d’une vie présente comblée et tournée vers l’avenir.

Filmant les rencontres avec délicatesse et sensibilité, Yomigaeri est servi par un casting de qualité. Tsuyoshi Kusanagi en inspecteur Heita (vu dans Messengers, Séance et plus récemment The Hotel Venus), star du Boys Band SMAP, fait admirer une sensibilité toute féminine dans son interprétation de l’amoureux transi. Quand à Yuko Takeuchi (Ring) elle est délicieusement naturelle et touchante dans la scène finale en Tachibana Aoi. Le toujours actif Kunie Tanaka, père de la jeune enseignante pour sourds-muets, et le mari ressuscité interprété par un discret et tout en retenue Shô Aikawa complètent l’équipe.

Mais plus que les stars maison, c’est l’ombre de l’actrice et futur star de la Jpop Rui (aka Kou Shibasaki [1]) qui plane sur le film. Depuis la scène d’ouverture où l’on ne reconnaît que sa main tatouée caressant le piano aux côté de son mari revenu de l’au-delà, jusque dans le final du film qui semble avoir été écrit dans le but mettre en avant ses talents de chanteuse, insoupçonnés jusqu’alors. Le film vire d’ailleurs au mini-concert de Rui, avec pas moins de trois titres interprétés, sur fond de montage alterné avec la course-poursuite de Heita pour retrouver sa bien aimée Aoi. Le concert que donne Rui à Aso qui n’est qu’un prétexte au rendez-vous donné par Heita, et devient le point d’orgue du film dont le propos initial est du même coup dilué. Il faut dire que la BO est composée pour l’essentiel des chansons de Rui (le thème Tsuki no shizuku devenant l’un des hits Jpop de l’année 2003) et qu’outre ses qualités vocale elle y est tout simplement resplendissante.

Vous l’aurez compris le propos du film, pourtant plus profond qu’il n’y parait, verse dans la romance mélancolique au cours d’un concert pour midinettes. L’intensité du spectacle étant renforcée par le lieux même du concert nocturne, en pleine nature, et la cohorte de voitures serpentant le long des routes qui souligne la religieuse adoration des japonais pour leurs idoles. Le final tragique se concluant par un optimisme délivrant son habituel message : il faut vivre et ne rien regretter !

Malgré quelques longueurs et un survol superficiel du propos initial, Yomigaeri reste attachant par la qualité de ses acteurs et le côté délicieusement fleur bleue de cette tragédie romantique typiquement japonaise, si éloignée de nos modèles dramatiques ; signe de la spécificité d’une mélancolie japonaise ou mono no aware, apte à s’émouvoir des choses les plus simples de la vie. Préparez vos mouchoirs...

Existe en DVD (HK) chez Universe Laser (NTSC - Zone 3) et en DVD (Japon) chez TBS (NTSC - Zone 2)

Ces deux versions contiennent des sous-titres anglais optionnels.

La BO du film est disponible en CD chez Universal Music Japon.

Site Officiel de Kou Shibasaki en japonais : http://www.stardust.co.jp/rooms/kou
Site Non Officiel en anglais : http://kou-shibasaki.nihon-zone.com
Site Officiel de Takeuchi Yuko en japonais : http://www.stardust.co.jp/rooms/yuko
Pour les fans de Jdorama (en anglais) : http://www.jdorama.com

[1Kou Shibasaki, remarquée dans le rôle de Soma Mitsuko du Battle Royale de K. Fukasaku, est aujourd’hui l’une des actrices de TV les plus populaires du Japon et une chanteuse reconnue. Tarantino l’avait même choisie pour le rôle de Yuki Yubari dans Kill Bill, que ses nombreux engagements ne lui permirent pas d’accepter.

- Article paru le lundi 11 octobre 2004

signé Dimitri Ianni

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