The Great Spook War- The Great Goblin War
- Hobgoblins & the Great Wall
Avec Ryunosuke Kamiki, Hiroshi Aramata, Kiyoshiro Imawano, Masaomi
Kondo, Chiaki Kuriyama, Natsuhiko Kyougoku, Hiroyuki Miyasako, Salmon
Sakeyama, Bunta Sugawara, Mai Takahashi, Naoto Takenaka, Etsushi Toyokawa
Le soufflé Miike est retombé depuis un moment déjà.
Non pas parce que soudain son cinéma s'est vidé, mais parce qu'ayant
le don d'apparaître exactement là où on ne l'attend pas, il est
un réalisateur plus difficile à vendre que disons, Takeshi Kitano.
Il est vrai qu'il est loin le temps du Miike qui s'éclatait pour
le marché de la vidéo dans un registre parfois proche du n'importe
quoi, attirant comme des mouches les amateurs de cinéma différent.
Depuis que Visitor Q (etAudition) l'avait
consacré comme l'un des plus excitants réalisateurs japonais actuels,
les amateurs de Miike avait été confrontés à toutes les facettes
de son cinéma. Récemment, il leur fallait de plus accepter autant
le Miike commercial (Chakushin AriouZebraman)
que le Miike déstabilisant (Gozupuis surtoutIzo,
sorte de coup fatal). Voici donc juste après Izo,
et comme pour mieux prouver sa polyvalence, une nouvelle virée de
Miike dans le cinéma commercial. Pire, le cinéma à destination des
enfants. Mais si tous les réalisateurs abordaient un blockbuster
de manière aussi décomplexée que Miike, probablement serait-on plus
enjoué à aller au cinéma pour voir de tels films.
Yôkai Daisensô, qui revisite
à la façon Miike les deux fameux films de 1968 (Yokai Monsters:
Spook WarfareetThe Hundred Monsters) et plus
exactement le film éponyme (c'est-à-direYokai Monsters),
est un film à la fois extrêmement commercial et une véritable plongée
dans la culture traditionnelle japonaise mâtinée de pop-culture.
Pour revisiter Yôkai Daisensô (yôkai
signifie littéralement monstre), Miike prend un chemin bien
différent et le résultat est à mille lieues de ce que l'on pouvait
attendre d'un remake. A la fois bourré de références à la
culture traditionnelle japonaise: yôkai (en cela il rend
hommage aux films originels qui eux aussi avaient leur comptant
de monstres du folklore japonais), yatai et matsuri pour ne
citer que quelques exemples, c'est en même temps une version japonaise
d'Alice au Pays des Merveilles.
Et bien qu'étant un film destiné aux enfants, Yôkai
Daisensô n'est cependant pas dénué d'une certaine intelligence,
comme pouvait l'être Alice au Pays des Merveilles, en plus
d'être une comédie réussie qui ne prend pas son public pour une
bande d'imbéciles immatures. Et si placer des (petites) références
érotiques autant que violentes dans un film pour enfants pourrait
être vu comme de la provocation facile, Miike est plutôt, finalement,
dans le domaine du réel. La vie, ce ne sont pas que des mignons
hametarou et tout n'est pas rose bonbon. Cette vision plus noire
est peut-être le principal point de rapprochement avec l'univers
d'Alice.
Évidemment, Yôkai Daisensô c'est
aussi la métaphore du passage à l'âge adulte. Katou, le méchant,
est l'incarnation de la machine à broyer qu'est la société adulte.
Il utilise la principale ressource des enfants (leur imaginaire)
ici représentée sous la forme des yôkai qu'eux seuls peuvent
voir. Il pollue allégrement et va même littéralement occuper la
place du gouvernement en se substituant à la mairie de Tokyo. Enfin,
Tadashi a également son alter-ego dans le monde adulte qui lui aussi
a vécu son premier émoi sexuel avec la belle Kawa-hime (Princesse
Rivière).
Niveau ambiance, Yôkai Daisensô
est difficile à décrire. On est à la fois dans la comédie, le yôkai
bien sûr avec un film parfois en forme de défilé de monstres/mode,
le chambara post-apocalyptique sous influence jeux vidéos et mangas
(Azumi, Final FantasyetCasshern) ou
encore le kaiju. Autant dire un bordel monstre qui n'a d'équivalent
que l'incroyable scène de matsuri (festival) rassemblant
des milliers de yôkai du Japon. Une fête qui est aussi une
révolution, une prise de la Bastille inopinée et presque "par hasard",
une sorte aussi d'appel à la révolte en forme de vision (naïve
?) du peuple renversant le tyran pour revendiquer le droit à
la fête. Si Izo avait du 9.11 en lui, alors Yôkai
Daisensô a de l' anti-Bush à profusion. Un Katou-Bush
qui oppresse (vampirise même) le peuple pour une guerre qui
n'intéresse que lui et qui se fout ouvertement du protocole de Kyoto.
Miike donne tout de même une touche enfantine au
film par la présence du kappa (un membre célèbre du bestiaire
folklorique japonais), l'autre vedette du film avec Tadashi
et qui réussit là où le martien débile de Star Wars Épisode 1
échouait lamentablement. Il y a aussi cette adorable bestiole au
croisement entre le Mogwaï et Hamtaro. La pauvre fera les frais
de ce qu'il représente, cette omniprésence gerbante du kawaii (mignon).
A mourir de rire. On le voit également aborder une nouvelle fois
le thème de la famille et des générations avec la présence du grand-père
qui conduit indirectement Tadashi à être impliqué dans cette histoire.
Enfin notons qu'au niveau des effets spéciaux,
on a également à faire à du Miike tout craché. C'est parfois très
réussi et parfois très moyen sans pour autant que l'ensemble en
souffre. Quelque part entre les films originels, le sentai et le
numérique façon jeux vidéos. Bref, Miike signe là un film très commercial
qui est une sorte de Zebraman en plus réussi, une fête de
tous les instants qui souffre à peine de dialogues un peu légers
et aussi, mais ce n'est pas un véritable défaut, de son ancrage
dans la culture japonaise. Yôkai Daisensô, un
Izo pour les enfants ?