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Japon | Pour adultes

Identity

Japon | 2004 | Un film de Tetsuaki Matsue | Avec Hiromi Aikawa, Kim Il-song (Jitta Hanaoka), Anna

Hamajim (ou HMJM) est une compagnie spécialisée dans les films pornographiques, ou Adult Video, comme on les appelle au Japon. Loin de moi l’idée d’écrire la critique d’un film porno, d’autant qu’il faudrait avant tout en trouver un qui soit digne d’intérêt. Car si certains pornos occidentaux peuvent présenter un intérêt artistique ou historique, ce n’est pas le cas du porno japonais, qui se distingue surtout par sa variété et son côté parfois extrême. Néanmoins, je tiens à vous présenter un film produit par Hamajim pour son label Non Fiction, qui comme son nom l’indique, est composée de films de non-fiction, à savoir des documentaires. Il ne s’agit pas non plus de ces films porno voyeuristes où l’accent est mis sur un réalisme souvent de façade. Identity est un véritable documentaire. C’est aussi un vrai film porno.

Ce mariage détonnant et déroutant fait d’Identity un film résolument à part, que ce soit dans le genre documentaire ou porno. Evidemment, on peut penser qu’Identity est un documentaire qui franchit les barrières de la décence, tout en se décrédibilisant en tant que documentaire, en montrant ce qu’aucun réalisateur n’oserait montrer. On peut ainsi imaginer un documentaire sur la prostitution qui passerait une partie de son temps à filmer les passes de prostituées. Gageons que ce genre de documentaire signerait par là même sa crédibilité d’un arrêt de mort. Identity a toutes les chances d’horrifier bon nombre de personnes qui poseront la question de la justification de scènes pornographiques dans un documentaire dont le sujet est à mille lieues du pornographique.

En effet, car on y arrive enfin, le(s) sujet(s) d’Identity sont les coréens résidents au Japon. Ces coréens sont au Japon depuis plusieurs générations et souvent ne connaissent ni le coréen ni même la Corée. Pourtant, ils restent étiquetés coréens dans une société japonaise réputée pour sa difficulté à intégrer des éléments étrangers. Au cours de ce documentaire de deux heures, le réalisateur Tetsuaki Matsue, lui-même un coréen troisième génération et qui a auparavant réalisé le documentaire Annyong Kimchi, va à la rencontre d’une autre coréenne et d’une chinoise vivants au Japon. La première heure est consacrée à Hiromi, coréenne de troisième génération âgée de 20 ans qui n’aime pas le kimchi (c’est dire !) et n’a jamais vu la Corée. La seconde partie est consacrée à une jeune chinoise de 24 ans arrivée au Japon depuis à peine un an et demi, mais ayant appris le japonais auparavant, et à son ami coréen de seconde génération, âgé de 39 ans. Que vient donc faire le porno là-dedans, me direz-vous. En fait, les deux femmes sont des actrices de films AV et si le sujet ne porte absolument pas sur leur métier, plusieurs scènes pornographiques viennent interrompre le documentaire.

Identity ne cherche pas à prétendre être un documentaire mais il n’est pas évident non plus qu’il s’agisse avant tout d’un film pornographique. Le choix du réalisateur qui n’est pas du milieu, de ne pas faire du bête remplissage entre les scènes de sexe, au demeurant en quantité limitée, font d’Identity un film pornographique passionnant. Du porno pour intellos ou de l’intello pour pornographes, difficile de trancher. Le mieux est peut-être d’apprécier Identity comme étant un peu des deux.

Tourné à la DV, Identity comporte donc deux parties distinctes (Episode 1 : Nice to Meet You, I’m a Korean Resident in Japan et Episode 2 : No Matter What People Say, I do What I Want to Do). La première partie (elle-même divisée en plusieurs sous parties intitulées, par exemple, ’Family’), qui suit Hiromi, voit cette dernière revenir sur les lieux de son enfance, à Kyoto, Osaka et ailleurs. Emprunt d’une certaine nostalgie, on découvre peu à peu une Hiromi qui se dit coréenne mais que rien ne rattache à la Corée. Plus que le spectateur, c’est Hiromi qui semble au cours même du documentaire découvrir sa propre identité, finalement le véritable sujet du film, comme indiqué par son titre. Le tournage s’étend sur plusieurs jours, donnant au spectateur le temps de découvrir Hiromi avec même une longue scène de nuit et sous la pluie, filmant la rue à partir de la voiture, occasion pour le spectateur de faire une petite pause et réfléchir au sujet.

La seconde partie porte autant sur Anna la chinoise que sur Jitta le coréen. Le tournage ne s’étend cette fois que sur une journée et le documentaire établit un contact moins profond avec ses sujets, mais va tout aussi loin dans la recherche de l’identité de ces étrangers installés au Japon. Les questions sont plus nombreuses et le sexe plus présent, notamment par le fait que les deux sujets du documentaire sont acteurs pornos tandis que précédemment, Hiromi avait pour partenaire un acteur japonais.

Tout au long du documentaire, Tatsuki Matsue fait le choix de la simplicité, d’une approche spontanée sans forcer sur les questions, en les amenant naturellement. Si quelques chiffres sont donnés au début du film, complétés ensuite régulièrement par des informations complémentaires s’affichant à l’écran, Identity n’a rien de scolaire ou d’académique. C’est avant tout un film qui va à la rencontre de personnes et tente de comprendre leur situation sans juger. Certainement que Tatsuki Matsue tente de se forger sa propre identité en la confrontant ainsi à d’autres personnes dans des situations similaires. Identity n’apporte pas non plus de réponses. Il se contente de dévoiler, paradoxalement avec une subtilité insoupçonnable compte tenu des scènes pornographiques, les états d’âme de personnes ni tout à fait japonaises ni vraiment coréennes (ou chinoises).

Evidemment, un documentaire comme Identity ne passera pas à 20h30 un soir, même sur Arte. Ce serait pourtant rater quelque chose. Et l’amputer de ses scènes pornos serait probablement le dénaturer. Reste à ceux allergiques au porno de sauter les scènes pornos (facile avec le chapitrage du DVD). Pour les autres, voilà une bonne excuse de visionner du porno japonais sans se sentir coupable.

Hamajim a produit d’autres films dans sa collection Non Fiction. J’avoue être cependant plus sceptique sur ces autres films. Mais cela reste à voir et Identity m’a rendu curieux ! Quant à Tetsuaki Matsue j’ai entendu dire qu’il a décidé de continuer dans la voie du porno...

Identity est disponible en DVD au Japon.

- Article paru le mardi 7 septembre 2004

signé Zeni

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