6ixtynin9
L’influence de réalisateurs comme Tarantino ou Guy Ritchie, déjà très marquée en occident, existe aussi dans les pays asiatiques. Aujourd’hui, l’heureux influencé se nomme Pen-Ek Ratanaruang, il est thaïlandais, et son film se nomme 6ixtynin9. Une fable noir, à mi-chemin entre le film d’auteur et le film commercial, qui offre son rôle principal à la belle Lalita Panyopas, top model thaï très connue en tant qu’actrice de séries télé...
Lalita Panyopas incarne donc Tum, une jeune femme qui travaille dans une société financière à Bangkok. Dans les premières minutes du film, Tum perd son boulot, avec deux autres employées comme elle tirées au sort : le patron, pas foncièrement méchant mais réaliste quant à la situation économique de son pays, refuse de choisir 3 filles en particulier, préférant laisser le destin gérer l’affaire. Un destin qui prendra désormais la vie de Tum sous son contrôle...
En effet, le lendemain la demoiselle trouve une caisse de nouilles "Mama" abandonnée sur le pas de sa porte, après avoir entendu quelqu’un taper trois fois chez elle - l’appartement n°6 de son étage ; lequel numéro, n’étant tenu que par un seul clou, se retourne régulièrement pour se transformer en 9 (caractéristique qui explique le titre du film). Dans la boite de nouilles, Tum trouve un million de bahts en petites coupures. Bien sûr, deux truands toquent à nouveau rapidement à sa porte pour récupérer leur argent, laissé là alors qu’ils devaient le livrer au véritable n°9. Avant que Tum ait pu analyser la situation, les deux truands sont morts de ses mains. C’est alors le début d’une accumulation incontrôlée de cadavres dans l’appartement de la jeune femme...
6ixtynin9 est une histoire de méprise comme les deux réalisateurs cités en introduction de cet article les aiment tant, avec son lot de gangsters hauts en couleurs et de dialogues percutants. Ici, Ratanaruang privilégie toutefois la mise en scène aux échanges de bons mots incessants, comme en témoigne les moments plus plus drôles du film (le gangster sourd-muet au téléphone, la méprise d’une femme persuadée que Tum est en train de se livrer à des exploits sexuels... avec son mari policier !). Et pour cause : Tum ne parle pas beaucoup ; elle agit, tentant de saisir l’opportunité qui égaye ce lendemain de renvoi (la jeune fille en étant déjà arrivée à penser au suicide).
L’actrice Lalita Panyopas incarne parfaitement cette héroïne improvisée, capable de nous faire rire avec une simple mimique en réponse aux gestes très explicites de sa voisine (qui mime avec classe son activité sexuelle), ou alors de nous faire partager l’effroi de la compréhension tardive de ses actes (la scène onirique du découpage de la jambe du jeune policier). Face à elle, les seconds rôles se multiplient pour notre plus grand plaisir, du voisin constamment défoncé au mafieux fan de John Woo, qui tire sur des flics déjà morts en effectuant moult pirouettes inutiles...
L’intérêt de 6ixtynin9, c’est que Pen-Ek Ratanaruang se moque de toutes les figures de la société thaïlandaise moderne : truands, financiers, flics, commerçants... Tout le monde est traité à la même enseigne, avec la même ironie meurtrière. Le rythme du film est très posé plus que véritablement lent ; si - en premier réflexe - on aurait aimé voir le tout avancer un peu plus vite, force est d’accepter que cette fausse lenteur convient parfaitement à l’évolution du personnage de Tum.
Qui plus est, Ratanaruang nous démontre qu’il vaut souvient mieux maîtriser un film simple que se perdre dans un film trop ambitieux. Sa prudence narrative lui permet de nous offrir quelques très belles séquences (comme le duel meurtrier dans la chambre de Tum qui se finit dans un nuage de plumes), de contrôler le montage de bout en bout, et d’arriver serein à la conclusion ironique de son histoire. Au final, il parvient donc à faire de 6ixtynin9 un petit film habile et très réussi, qui a de plus le mérite de nous faire découvrir l’excellente Lalita Panyopas.
6ixtynin9 est disponible en VCD HK (sous-titré en anglais et en mandarin) chez Edko Video Ltd. La copie est plein cadre mais assez belle.


