999-9999
Chiang-mai, nord de la Thaïlande, 6h du matin. L’écho d’un clocher parcourt un campus encore désert. Quelques papiers, certainement abandonnés par des étudiants trop pressés, volent au vent. Dans un bassin, un oiseau mort, que l’on devine gonflé par les gaz de décomposition, remonte à la surface. Une employée (nous l’appelerons Mme Phrakapathinbong-Antalaganakorn), s’apprête à hisser glorieusement les couleurs du royaume lorsqu’elle aperçoit un collier, brillant parmi les feuilles mortes. Réjouie de cette chance matinale, c’est avec entrain qu’elle tire sur le câble. Le contact d’un liquide étrange sur son front lui fait lever les yeux. A 30 mètres du sol, le corps d’une jeune fille, empalé sur le mât, démontre avec insolence que les tribus cannibales amazoniennes n’ont pas le monopole de la technique. Le spectateur averti comprend alors que seule une force surnaturelle a pu projeter la malheureuse à une telle altitude. Intuition confirmée par l’apparition d’une bande son inquiètante accompagnant l’élargissement du cadre. Au premier plan, pend maintenant le combiné décroché d’un téléphone public. Fondu. Générique.
Je sens alors remonter en moi cette vieille sensation familière, trop rarement éprouvée depuis la reconversion de Ruggero Deodato dans le film de barbares consanguins. Umberto, Lucio, Lamberto, où êtes-vous maintenant ? Les images, les sons, les sensations se bousculent dans ma mémoire."Tu sens ça ? Est-ce que tu sens ça ? Du pus, fils. J’adore l’odeur du pus au petit matin".
Bon, autant le dire tout de suite, cette introduction s’avère aussi trompeuse (quoique plus alléchante) que celle de l’hilarant Body Jumper. Malgré quelques bonnes scènes gore, la suite s’écarte complètement des ambiances malsaines et démoniaques et abandonne la riche dualité chance-fatalité, pour se diriger allègrement vers le grand n’importe quoi.
L’action reprend à l’Ecole Internationale de Phuket, au sud de la Thaïlande, où un groupe de petits malins (les Dare Devils) piratent le réseau de télévision interne et dévoilent le contenu pornographique du placard du directeur. Ce coup d’éclat leur vaut d’être instantanément déclarés élèves les plus cool du lycée. C’est donc tout naturellement qu’il se mettent à enquêter sur une nouvelle rumeur : le numéro 999-9999 permettrait, lorsqu’on le compose après minuit, d’obtenir tout ce que l’on veut ! Rainbow (Sririta Jensen), une nouvelle venue, les met cependant en garde : la jeune victime de Chiang-mai avait téléphoné au 999 juste avant de mourir... N’écoutant que leur curiosité, ils appellent l’un après l’autre et voient leurs voeux se réaliser (présenter une émission sur la chaîne musicale, intégrer le programme spatial nippo-thailandais...). Mais l’entité maléfique tapie à l’autre bout de la ligne possède non seulement l’option "affichage du numéro", mais aussi le "rappel automatique du correspondant" et ils sont bientôt menacés par une grosse voix inquiètante.
Pas mal de Phone, beaucoup de Destination finale, un zeste de Wishmaster (le maître des quiches), voila pour le scénario. Des personnages stéréotypés, comme Jun (Julachak Jakrapong) le beau gosse, ou Moo-priew, le petit gros débile. Deux acteurs principaux plus poseurs que Colin Farrell (lui aussi bien emmerdé avec son téléphone en ce moment), un rythme un peu mou, bref un bon vieux slasher des familles, qui ne respecte même pas le tarif syndical d’une mort toute les 10 minutes. Côté effets spéciaux, un mélange de maquillages traditionnels et de numérique bien cheap. Quelques bonnes scènes quand même comme ce découpage de face en apesanteur, ou l’attaque des lames de rasoir sous-marines, mais qui n’arrivent pas à masquer l’indigence du scénario.
Du pur cinéma d’exploitation, donc, pas original pour un baht. Reste l’intérêt principal du film : son titre (on n’a pas vu mieux depuis 990714.com), que vous pouvez vous amusez à citer le plus de fois possible et en intégralité dans une conversation. Pour info, en thaï ça se prononce : "Kao - Kao - Kao, Kao - Kao - Kao - Kao".
999-9999 est disponible en DVD thaï, sous-titré en anglais.

