A Day on the Planet
Un couple - Maki et Nakazawa - aux côtés duquel gravite une abonnée aux déception amoureuses - Kate - se rend à Kyoto pour la pendaison de crémaillère d’un ami de Nakazawa, Masamichi. Kate s’est arrangée pour que soit présent le nouvel objet de son affection, un jeune homme timide et incapable de dire non à qui ou quoi que ce soit. En parallèle, une baleine s’échoue sur une plage non loin de là, sous les yeux d’une jeune femme solitaire et triste ; tandis qu’un homme, coincé entre deux immeubles, attend patiemment l’autorisation d’un propriétaire pour qu’on puisse l’extraire de cette prison d’infortune. Une équipe de journalistes, elle, navigue entre le malheureux et la baleine, pendant que, d’un oeil distrait et quelque peu emêché, les amis de Masamichi suivent le tout aux informations. C’est ce que l’on appelle un film choral ; point de pluie de grenouilles cathartique au programme néanmoins, puisqu’en bon ancien assistant de Shunji Iwai, le réalisateur Isao Yukisada s’attache à filmer simplement, comme l’indique le titre du film, une journée sur notre planète.
Avant de connaître le succès populaire avec Crying Out Love in the Center of the World, Yukisada se penche donc, par le biais d’une adaptation, sur un tumulte délicat d’individualités pour dresser un portrait généreux de ses concitoyens, entre optimisme et constat implicite d’incommunicabilité, ou plus simplement de communication inadaptée. Ainsi Maki, chérie de Nakazawa qui l’abreuve sans cesse de compliments, mais dont elle se rend compte au contact des autres, qu’elle ne connaît que peu de choses - alors que, paradoxalement, ces amis par procurations, inconnus jusqu’alors, semblent savoir beaucoup de choses d’elle. Kate, qui exprime beaucoup trop et de façon trop imagée, et omet de dire l’essentiel. Nakazawa, qui ne prend pas le temps de s’attarder sur ce qui lui semble important, persuadé qu’il y aura toujours plus important après, et qui garde le tout sous silence, comme si cela n’en valait dès lors pas la peine. Le garçon timide et beau gosse, tellement désireux d’être gentil avec tout le monde qui ne parvient pas à être plus gentil avec sa petite amie qu’avec les autres. Ou plus simplement cette jeune femme, discrète mais essentielle dans le film, dont on devine que sa rencontre - forcément silencieuse, mais au moins enrichie de contact - avec la baleine échouée l’aura convaincue de ne pas prendre une décision dramatique dans sa vie.
Il serait facile de cataloguer A Day on the Planet comme un simple film mode sur le gabarit, très en vogue, des destins croisés. Mais le tableau humain de Isao Yukisada est à la fois plus et moins que ça. Plus, dans le sens où il n’est jamais emphatique ou facile, versé dans une improbable et passionnante conjonction cataclysmique. Moins, parce qu’il est forcément banal dans sa justesse humaine, parce qu’il n’a justement pas de cataclysme à mettre en scène, préférant laisser le seul enjeu de vie et de mort du film, qui se joue sur la plage, en quasi transparence. A Day on the Planet, plutôt que de converger avec force vers un zénith émotionnel, évite de transcender cet instant focal qui est son objectif explicite, où demain devient aujourd’hui.
C’est ce dernier point pourtant, qui consolide l’édifice a priori agréablement futile du métrage, au travers d’une image simple. Celle-ci nous rappelle que, si la plupart des gens parviennent tôt ou tard à communiquer (la quasi totalité des géométries du film se consolident en effet), certaines restent inéxorablement humainement seules. Iconoclaste artifice cinématographique, la baleine échouée, figure à la fois éloignée et proche de l’homme, est toutefois un lieu d’optimisme certain, légèrement onirique, qui renvoie à chacun la possibilité d’un contact et d’une communication autres. Avec la planète, justement. Et termine de rendre cette journée, non pas inoubliable, mais agréable (ne serait-ce que pour la présence de Rena Tanaka), pertinente et savamment mesurée.
A Day on the Planet est disponible en DVD japonais sous-titré anglais.



