A Family
Une fois encore un film coréen que l’on se prépare à montrer en France, nous livre une histoire bien sombre. Messieurs les distributeurs, n’oubliez pas qu’ils réalisent aussi des films bien plus légers.
Après un séjour en prison de trois ans, Jeong-eun n’a qu’un désir, revoir son frère avant de s’acheter un salon de coiffure en province. Mais auparavant, elle doit régler des comptes avec son passé. Sa mère étant décédée lors de son emprisonnement, son frère a été élevé seul par son père. Celui-ci ne s’est pas montré un mari exemplaire, loin de là, et Jeong-eun n’est pas prête à se laisser faire. Leur affection pour leur fils/frère est le dernier lien qui fait d’eux une famille. Elle doit également régler ses affaires avec ses anciens complices. L’un d’entre-eux est devenu un caïd et est prêt à tout pour mettre la main sur un magot disparu.
Lee Jung-chul a préféré adopter une mise en scène sans esbrouffe et a concentré son attention sur ses personnages. Le réalisateur a occulté leur passé afin de mieux se concentrer sur leur évolution. Les rares informations ne sont convoquées que pour mieux éclairer leurs actions et comportements présents. On ne saura ainsi jamais de quel larcin provient l’argent, ou qui est au coeur de l’affrontement entre Jeong-eun et la mafia.
Sous le poids des coups du sort qui accablent la famille, A Family aurait pu basculer dans le mélodrame larmoyant. Il en réchappe car le réalisateur et scénariste, Lee Jung-chul, est parvenu à trouver le juste équilibre entre malheur et émotion. Et cela est dû pour beaucoup aux personnages auxquels sa plume a donné vie.
Lee Jung-chul va nous montrer comment le père et la fille vont fendre leur armure et reformer même pour un temps une vraie famille. Figure classique, la famille renaîtra véritablement à travers l’affrontement avec un ennemi extérieur, ici la mafia. Mais auparavant, seule l’intercession d’un ami intime permettra aux deux carapaces de se fissurer et à ces deux personnes de communiquer. Le père et la fille sont bien trop fiers pour faire le premier pas en pleine lumière.
Dotés d’un fort tempérament, ils ne s’apitoient pas sur eux-mêmes. Jeong-eun ne s’en laisse compter par personne, qu’ils soient ses anciens amis mafiosi, ou son père. Et en cela, elle est bien sa fille. Lui non plus n’est pas prêt à montrer sa faiblesse. La figure du père domine le film. Le spectateur est amené à découvrir son vrai visage en même temps que sa fille. Faute de lui parler, cette dernière en est restée à l’image négative du père violent. La révélation de ses tourments et de leur origine, mais également de sa faiblesse actuelle constitueront alors un choc. Le réalisateur ouvrira la porte à l’émotion, sans toutefois lâcher les vannes en grand.
La famille est parfois considérée comme un lieu d’oppression, ou un élément tellement naturel que l’on y porte peu d’attention. Et ce n’est souvent que trop tard que l’on s’aperçoit de son importance. Il ne reste plus alors qu’à regretter le temps qui n’a pas été passé ensemble. Le manque de communication et les occasions manquées qu’il provoque sont au centre de ce film.
Lire aussi l’interview du réalisateur, Lee Jung-chul.
A Family a été présenté au cours du 7ème Festival du film asiatique de Deauville, dans la catégorie Panorama.



