A Fighter’s Blues
Après treize ans d’incarcération, Tiger Mong Fu (Andy Lau - je crois que les présentations ne sont pas nécessaires) sort de prison. Champion de kickboxing hong-kongais déchu à la suite d’un match qui s’est malheureusement terminé hors du ring, il part à la recherche de la femme qui l’aimait plus qu’il ne savait l’aimer en retour, Pim (Intira Jaroenpura), pour apprendre non seulement que celle-ci est décédée cinq ans auparavant, mais qu’il est le père de Ploy, une jeune fille de quatorze ans qui vit en Thaïlande - le pays natal de Pim. Alors que les conditions de son emprisonnement demeurent mystérieuses, Mong Fu va tenter de gagner la confiance de Ploy, adolescente tumultueuse, non sans tomber amoureux de Sister Mioko (Takako Tokiwa), la responsable de cet étrange orphelinat qui tient aussi lieu de cimetière d’avions.
En pays ennemi, le destin de Mong Fu va basculer au cours d’un match de boxe mettant en scène le petit ami de sa fille, qui va faire resurgir les terribles démons d’un passé inavouable, que la profession est loin d’avoir oublié. Pour Tiger, cela va être l’occasion de se racheter aux yeux d’un pays qu’il a meurtri, d’un sport qu’il a insulté, d’une femme qu’il a déçue, d’une fille qu’il a involontairement abandonnée - mais aussi et surtout à ses propres yeux...
A Fighter’s Blues est la dernière réalisation en date d’un metteur en scène injustement décrié pour son travail sur les pourtant excellents Black Mask et What Price Survival, Daniel Lee. Dés les premières images du film, d’ailleurs, on reconnaît la patte du réalisateur : travail sur le noir et blanc, les images fixes et l’éclatement de la narration, le tout dans le but d’enrichir le flot du métrage et surtout la densité des personnages qu’il développe. Le suspense autour de la peine de prison de Mong Fu est très bien géré par une série de flash-back habilement disséminés, déclenchés par les interactions du héros avec son entourage pour ne pas perturber le rythme de l’histoire.
Le film démarre lentement sur une exposition un peu longue des personnages qui vont graviter autour de Tiger, au cours d’une rédemption annoncée comme impossible : il y a d’abord la frivole Sœur Mioko, qui porte les ordres de façon peu conventionnelle mais possède en elle une bonté d’âme sans commune mesure ; vient ensuite Ploy, qui tente désespérément de se raccrocher à l’image héroïque mais incomplète que sa mère lui a laissée de Tiger.
A Fighter’s Blues démarre réellement une fois le secret d’Andy Lau révélé - celui-ci marque le début d’un chemin de croix éprouvant, à la limite de l’absurde. Et plus que dans le drame qui couvre plus de la moitié du film, c’est au cours du combat qui oppose Tiger au champion thaïlandais que Daniel Lee se montre véritablement à l’aise, filmant avec une humanité bouleversante l’affrontement suicidaire d’un homme de quarante ans mu par une conviction sans faille face à un véritable tueur de 26 ans. C’est au cours de ce combat interminable que A Fighter’s Blues dévoile, tout comme le personnage d’Andy Lau, sa véritable identité : ce n’est pas un film sur la boxe, ni même sur le sport en général, mais plutôt sur le devoir d’un homme de pouvoir se respecter lui-même, coûte que coûte. C’est en cela que Mong Fu gagne réellement ses gallons de combattant hors pair - et en rien d’autre.
Même si A Fighter’s Blues est loin d’être aussi bon que l’insurpassable Somebody Up There Likes Me (auquel il ressemble tout de même beaucoup), il fait preuve d’une maturité qui, si elle n’évite pas certaines naïvetés, joue au moins la carte de la franchise avec une assurance efficace. Et Daniel Lee de garder, à mes yeux du moins, une place à part dans le paysage cinématographique HK actuel : celle d’un artisan qui préfère se regarder en face que sacrifier son oeuvre sur l’autel du box-office. De là à voir une certaine projection du réalisateur en son personnage, il n’y a qu’un pas.
A Fighter’s Blues est disponible en DVD HK chez Mei-Ah. La copie est correcte, mais le disque souffre d’une bande-son cantonnaise mal synchronisée. Le 5.1 est lourd mais pas forcément effectif, les sous-titres mauvais, et le film a été chapitré par un sourd-aveugle. La piste vidéo n’a même pas été time-codée. Au niveau des suppléments : nada. Pas même le trailer du film. La honte, quoi...


