Sancho does Asia, cinémas d'Asie et d'ailleurs
Corée du Sud | Festival du film asiatique de Deauville 2004

A Good Lawyer’s Wife

aka Une femme coréenne | Corée du Sud | 2003 | Un film de Im Sang-Soo (Im Sang-Su) | Avec Moon Sori (Moon So-Ri), Hwang Jungmin, Yun Yeo-Jung, Kim In-Mun, Bong Taek-Yu, Baek Jung-Rim, Jang Jun-Young

"C’est l’histoire de ma vie, celle de ma femme, celle de ma famille, celle de mes amis" - Im Sang-Soo

Youngjak est un avocat qui s’occupe d’affaires criminelles. Sa femme Hojung est une danseuse classique qui élève pratiquement seule son fils adoptif, Sooin... Très accaparé par son travail, Youngjak est infidèle, de la façon la plus scandaleusement naturelle qui soit. Il trompe sa femme avec une jeune mannequin se prénommant Yeon. Mais cette honorable libido ne suffit pas/plus à sa femme. Hojung n’est plus satisfaite, elle ne prend plus son pied, elle est convaincue d’avoir perdu son point G. Ses journées sont partagées entre ses cours de danse, l’éducation de son fils, les brimades de sa belle-mère, l’abandon moral de son mari et l’agonie de son beau-père qui continue pourtant à boire comme une après-midi pluvieuse et venteuse sur Deauville. Rajoutons bien évidemment à cela, le fait qu’elle ne grimpe plus au rideau, bref en résumé, sa frustration physique et morale est à son comble.

C’est alors qu’elle remarque son jeune voisin de 17 ans, l’épiant par la fenêtre. Vociférant des paroles castratrices envers le jeune transi d’amour, elle se laisse finalement séduire et c’est maintenant elle qui le suit jusqu’à une salle de cinéma, qui deviendra, plus tard, le théâtre de leurs ébats sous l’œil voyeur du projectionniste.

De son côté, Youngjak apprend que sa maîtresse est enceinte. Dès lors il désire passer plus de temps en sa compagnie et l’emmène quelques jours à la campagne. Sur le chemin du retour, Youngjak tamponne un scooter conduit par un homme en état d’ivresse et roulant à contre sens. L’ivrogne se retrouve propulsé dans le fossé, mais s’en sort qu’avec des lésions superficielles. Tout de suite, les facultés d’improvisation que possède Youngjak, du fait de son expérience d’avocat, prennent vite le dessus. Il glisse un billet à l’inspecteur présent sur les lieux, s’assure de sa discrétion et témoigne qu’il n’y a eu aucune collision. D’ailleurs il est même prêt à ne pas porter plainte à condition que le tout soit étouffé et qu’aucun rapport n’indique la présence de Yeon sur les lieux. A partir de ce moment tout s’emballe dans la vie de Youngjak. Hojung le trompe officiellement, sa mère convole en seconde noce avec un ancien amant qui lui a redonné goût au sexe et donc à la vie, et pour finir sa précieuse maîtresse le trompe à son tour...

"Lorsque mon père a craché du sang, sur mon visage et sur ma chemise je n’ai pensé qu’à une seule chose... ...arracher la blouse de l’infirmière et lui faire l’amour !!"

A entendre le réalisateur de A Good Lawyer’s Wife, Im Sang-Soo, son film ne se réduirait qu’à l’histoire d’un couple qui se trompe sexuellement, l’un l’autre (ah modestie quand tu nous tiens !!) - il est en fait bien plus que cela. Le film relate l’histoire d’un couple, qui se noyant dans le mensonge et la duperie, se rend compte que leur vie commune n’est en rien celle qu’ils aimeraient avoir, ni même qu’ils auraient désiré avoir. Ils se sont trompés de vie, au sens premier du terme. Pourtant leur bonheur apparent n’en est pas moins relatif, surtout si l’on admet, malgré ce qui aurait dû être un ciment éternel et sacré entre eux - et là je veux parler de leur fils - que leur couple aurait dû éclater bien avant les tragiques évènements.

Mais A Good Lawyer’s Wife parle aussi de la famille au sens minimaliste du terme : l’enfant, les parents, les grands parents. A l’inverse d’un Visitor Q qui traitait d’une famille qui éclate pour mieux se reconstruire, A Good Lawyer’s Wife lui, est un film sur l’éclatement d’une famille, ou plutôt son implosion, et dont la destruction est depuis longtemps entamée et inrrémédiable : le couple au bord la rupture, le grand-père agonisant à hôpital, la mère en pleine révolution sexuelle... En fait il n’y a guère que Sooin pour souder cette famille, qui n’en est déjà plus une et qui d’ores et déjà est condamnée, quoiqu’il advienne, à se désintégrer. C’est un film à plusieurs vitesses dont les personnages, les membres de la famille possèdent leur propre univers et donc leurs propres lois.

Il y a tout d’abord le grand-père, Changkeun. Fumeur et buveur invétéré, il se fiche de sa propre santé, et de celle de son entourage. Mais surtout il ne se rend pas compte de l’attention qu’est obligée de lui porter Hojung, sa belle-fille, à la place de Youngjak, son fils. L’homme est acariâtre, buté, et ne pense qu’à une seule chose : vivre pleinement les derniers jours de sa vie, s’enfumant le corps et s’ennivrant les organes internes comme il l’a toujours fait. Par ailleurs, il devient clair en l’observant attentivement, qu’il n’a jamais vraiment participé à une quelconque vie de famille passée.

Face à lui se trouve la grand-mère, Byunghan, qui devient finalement la seule personne faisant montre de compréhension envers sa belle-fille, ou peut être essaye-t-elle seulement de partager le bonheur dans lequel elle évolue maintenant qu’elle a cédé à cette tardive idylle. Elle aussi n’entretient pour ainsi dire aucun rapport avec son fils. Les rares discussions ne se passent qu’entre elle et sa bru. Même lors des adieux à l’aéroport, pas la moindre émotion n’est palpable entre elle et son fils, puisque l’unique échange sentimental a lieu avec Hojung. Finalement le père et la mère de Youngjak délaissent leur fils, presque au profit de leur belle-fille, sans pour autant la traiter comme un membre de la famille à part entière. Malgré tout cela, Youngjak ne réagit toujours pas ; résigné et quasiment atteint de mutisme, il se laisse porter par les évènements, à croire que la léthargie le gagne de minute en minute. Ce qui nous laisse penser que son métier d’avocat correspond plus à une fuite en avant, la tête baissée, qu’à un véritable travail. Cet investissement aveugle dans ce travail est le seul moyen qu’il a trouvé pour ne pas vivre en permanence aux côtés de sa femme et de son fils, Sooin.

Sooin est un enfant adopté, il ne parle d’ailleurs que de ça avec sa mère et n’a pour ainsi dire aucun échange verbal ou affectif avec son père durant le film. Comme preuve flagrante Im Sang-Soo nous procure la scène où Sooin s’endort entre ses parents. Youngjak fait semblant de dormir profondément, tandis qu’Hojung serre dans ses bras son fils. D’un premier abord, tout porte à croire que Sooin est le véritable ciment du couple - il est encore fréquent aujourd’hui de voir des couples restés ensemble dans le seul but de ne pas désorienter leur enfant, et de voir ces mêmes couples se séparer lorsque leur enfant est adolescent. Pourtant à en conclure par la démonstration du réalisateur, le seul personnage qui soude tous les protagonistes, membres ou non de la famille, est celui d’Hojung, cette fameuse femme d’avocat.

En effet, Hojung est une mère exemplaire, une épouse abusée avec consentement, une belle-fille dévouée et subordonnée. Mais voilà, Hojung est isolée au milieu de tous ces situations, elle est mise à mal dans un conflit de sentiments : l’envie de rouler à vélo jusqu’au bout du monde, en fermant les yeux, de se perdre à nouveau dans un orgasme sans fin. Pourtant à en juger par le comportement d’Hojung, elle ne se venge pas de l’infidélité de son mari, n’expérimente pas non plus de nouveaux horizons (sinon elle aurait choisi un amant plus âgé et sans doute plus prédisposé à la satisfaire), elle a juste besoin de cette liaison pour ré-orienter sa vie.

Tout ceci forme un bloc solide, parfois cruel voire violent. Et pourtant - pourtant il y a un optimisme envoûtant qui y règne ou peut-être est-ce juste un calme apaisant qui nous fait oublier la tempête semée, non pas lors de ce malencontreux accident de la route, mais bien plus en amont aux confins des relations des hommes et des femmes, d’Hojung et Youngjak. Car il faut savoir qu’Hojung ne possède pas de famille, quelqu’un avec qui elle aurait un réel lien de sang, et c’est justement en cela que réside cet optimisme, ce souffle enthousiaste.

A Good Lawyer’s Wife parle de tout ça et de bien plus de choses encore, que je n’ai sans doute pas pu/su capter en une fois. Sous ses dehors de drame érotique, A Good Lawyer’s Wife est un film qui touche à un endroit de la personne humaine encore trop rarement explorer par les cinéastes (à part peut être Kim Ki-Duk), et dont l’un des buts est de nous convaincre que d’un drame affreux peut surgir, parfois, l’apaisement du bonheur.

Diffusé dans le cadre du 6è festival du film asiatique de Deauville, A Good Lawyer’s Wife existe en DVD dans une double edition coréenne, éditée par Starmax.

1erDVD :
Le film est présenté en copie anamorphique et cinémascope 2.35:1 avec deux pistes en langue originale, l’une en 5.1 et l’autre en surround. A ceci s’ajoutent des commentaires audio du réalisateur et du chef opérateur, ainsi que des acteurs principaux : Moon So-Ri, Hwang Jung-Min et Bong Taek-Yu (le jeune de 17 ans). Le film est bien heureusement sous-titré en anglais et en coréen.

2èmeDVD :
Alors au programme un court making of, quelques images du Festival de Venise, des interviews à foison, les scènes coupées habituelles, des bandes annonces, un clip video (bien que le sujet du film ne s’y prête absolument pas), un récapitulatif des personnages, mais aussi des filmographies des acteurs et de l’équipe technique.
De plus nous avons le droit au storyboard correspondant au choix de mise en scène d’Im Sang-Soo, et une galerie de photo ainsi que des notes de productions viennent enrichir cette déjà très belle édition. Et en ultime bonus un petit document sur le sexe en Corée. Ah oui ce DVD contient également un livret de photos...

- Article paru le vendredi 19 mars 2004

signé Takeuchi

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