A Lamb in Despair
L’idée de départ de A Lamb in Despair n’est pourtant pas mauvaise... Ted Wu s’en revient des USA à Hong Kong, soupçonné de 25 meurtres pour lesquels la justice américaine n’a pas réussi à le condamner. Il ne fait pourtant aucun doute que l’homme est coupable. Tout dans son comportement traduit un certain dérangement ; aussi lorsque, travaillant comme laveur de voitures, il rencontre une apprentie-assistante sociale (jouée par Karen Tong) qui se met en tête de devenir son amie, commence-t-on à craindre pour le matricule de la bienheureuse... Et nous ne sommes pas les seuls : Charles (Anthony Wong) est lui aussi persuadé de la culpabilité de Wu. Il connaît bien son cas qu’il déteste, tout comme ceux de tous les violeurs, meurtriers ou non, depuis que les actes atroces de son propre père envers sa sœur ont conduit celle-ci au suicide. Charles est journaliste dans une feuille de choux à ragots, et décide de pousser Ted à bout en l’accusant en première page, utilisant notamment son ancienne petite amie, une animatrice radio incarnée par la belle Sherming Yiu. Sa théorie ? Puisque le système judiciaire semble impuissant contre Wu, il faut le pousser au crime pour pouvoir l’arrêter et protéger la population. En gros, une mort ce n’est pas trop grave, du moment qu’il n’y en aura plus d’autres derrière. Mouais.
Voilà une stratégie qui peut à l’extrême limite être envisageable en temps de guerre, mais qui est ici proprement ahurissante. De toute façon ça ne marche pas vraiment ; Wu sort effectivement de ses gonds, sa schyzophrénie refaisant rapidement surface, et se « procure » une jeune prostituée chinoise qu’il transforme en jouet. A quatre pattes ou dans une cage, la victime, nue, se plie aux volontés de son tortionnaire, allant jusqu’à tuer pour lui, une famille complète (eh oui, un Cat III qui se respecte comporte toujours un meurtre d’enfant). Tout le monde est de plus en plus convaincu de la véritable nature de Wu, pourtant personne ne parvient à l’arrêter...
Quand on y regarde bien, c’est d’ailleurs normal : Tony Leung, le réalisateur de ce navet sans saveur ni épices, est bien trop occupé à être malhonnête et démago pour s’occuper de son antihéros. Hésitant comme c’est souvent le cas dans les Category III, entre le film d’exploitation pur, bête, méchant et jouissif, et la grande leçon d’humanité, Leung se noie en effet dans des discours abberants sur la nature du bien et du mal. Ainsi cette parabole incompréhensible énoncée par une Sherming Yiu inspirée, comparant le piratage - et ses effets positifs, puisqu’il met à disposition de tous des biens autrement trop chers (sans commentaires) - à... et bien elle-même ne sait plus, mais elle parvient tout de même à en tirer une conclusion étonnante, sur la zone grise dans laquelle vit l’humanité, le mal devenant un mal nécessaire et par là-même une partie du bien, tant que nous sommes convaincu qu’il l’est. Vous n’avez rien compris ? C’est normal. A Lamb in Despair ressemble à une espèce de monologue de schyzophrène, hésitant entre son penchant voyeuriste (le « jouet » de Wu, la scène - courte et fabuleuse - où le meurtier joue vigoureusement du tam-tam sur les fesses de celui-ci, le meurtre de la famille... bref les seules scènes digne de la classification du film) et une morale délirante et laborieuse, sur le caractère de victime du meurtrier. Car oui, Ted Wu était battu par sa mère, qui le brûlait avec des cigarettes et lui jetait -attention ! - des pétards allumés dans le caleçon ! Bref, l’agneau égaré du titre, c’est bien Ted. Ca se tient mais c’est honteux, car celui-ci est présenté d’abord comme un génie du crime, puis comme un demeuré manipulé par sa propre folie.
Face à lui, l’improbable journaliste incarné avec laxisme par Anthony Wong est comparé à un assassin, sa plume retournant des millions de personnes contre une seule, avant d’être transformé en héros... A Lamb in Despair a ainsi constamment le cul entre deux chaises et on le regarde de la même façon, mal assis, déçu de ne pas être face à un véritable Cat III et incapable de percer sa réthorique contradictoire. Et ce jusqu’à la conclusion, nous encourageant via le gros plan d’un enfant aux yeux suppliants, à offrir à la jeunesse du monde un univers propice à son développement. Le terrain vague du Category III vous l’aurez compris, sert vraiment d’excuse à tout et n’importe quoi !
A Lamb in Despair est disponible (quoique peut-être épuisé) en VCD et DVD HK, chez Universe.



