A War Named Desire
A War Named Desire nous présente le périple de Chun (Daniel Chan). Après le décès de sa mère, celui-ci se met en tête de retrouver son grand-frère Charles qu’il n’a jamais connu, et dont il a toujours caché l’existence à sa petite amie Jess. Bien qu’il ait tenté de l’en empêcher, celle-ci l’accompagne tout de même en Thaïlande, près de la frontière avec le Cambodge, dans une ville où le frère disparu est supposé tenir un casino. En cours de route, il explique la raison de son voyage à Jess : quinze ans auparavant, Charles aurait dérobé 50.000 HK$ à leurs parents. Aussi Chun n’est-il pas particulièrement dans de bonnes dispositions, et compte bien se faire dédommager au nom des défunts paternels, pour un montant total de 2 millions de HK$. Arrivé en Thaïlande, il est accueilli par Keith (Sam Lee), un malfrat au service de son frère qui tente de l’empêcher de le déranger. Mais Chun ne veut rien savoir. Une première personne se présente à lui et prétend être Charles, mais il s’agit en réalité de York (Dave Wong Kit), fidèle ami du frangin qui tente encore de repousser Chun. Puisqu’il tient tant à rencontrer son frère cependant, Chun assiste à l’élimination d’un mafieux par York. Dans l’ombre, Charles (Francis Ng) surveille la scène. Bien placé dans les triades locales, ce dernier livre une guerre interne contre un trafic de drogues qu’il ne cautionne pas. Le fils du grand patron de la région compte pourtant bien piéger Charles, et prendre sa place pour pouvoir distribuer de la drogue en toute liberté. Il va se servir de Chun pour mettre son plan a exécution, le faisant accuser de l’assassinat de son propre supérieur. Une situation qui ne va pas faciliter les retrouvailles de Chun et Charles, déja lourdement antagonistes...
Troisième film d’Alan Mak (réalisateur de Nude Fear, film très glauque plombé par une fin maladroite), A War Named Desire est un polar qui n’est pas sans rappeler de nombreuses productions Milkyway, notamment Where a Good Man Goes, mais aussi un certain A Better Tomorrow...
La relation entre Charles et Chun en effet - qui constitue le coeur de l’histoire -, renvoie à celle partagée par Ti Lung et Leslie Cheung dans les deux chefs-d’oeuvre de John Woo. Bien que tout dans la vie les oppose, les personnages interprétés par Francis Ng et Daniel Chan se retrouvent liés l’un à l’autre face à un ennemi commun. Au cours des deux premiers tiers du film, Alan Mak prend le temps de dérouler intelligemment son intrigue, développant chaque personnage avec soin. Le héros supposé, Chun, se retrouve rapidement ramené à un même plan d’égalité que tous les protagonistes/antagonistes du film. En très peu de plans, Alan Mak parvient à donner de l’épaisseur au mafieux impitoyable interprété de façon démentielle par Francis Ng (Bullets Over Summer), ainsi qu’à son sympathique homme de main York. Sam Lee apporte comme toujours une certaine légèreté à l’histoire par le biais de son personnage peureux et traître, finalement tenté de revenir dans le droit chemin. Gigi Leung enfin, trouve un rôle magnifique à contre-emploi dans le personnage de Snow, soeur de York qui entretient avec Charles une proximité et un confort ambigüs.
Si A War Named Desire se pare pendant près de soixante minutes d’allures de drame familial, c’est cependant pour mieux exploser au cours de sa dernière demi-heure. A l’image de nombreux films du duo Johnnie To / Wai Ka-Fai, l’histoire prend en effet une tournure certes attendue mais à l’intensité imprévisible dans son dénouement meurtrier. Alan Mak y fait preuve d’un véritable don pour le suspense et l’action, livrant notamment deux séquences d’anthologie : la compréhension du piège qui a été tendu autour de lui par Charles, monté en parallèle du nouvel an thaï ; et un gunfight en voiture qui renvoie - en mouvement toutefois - à la bestialité du final de Beyond Hypothermia (immense chef-d’oeuvre de Patrick Leung). Ces deux séquences ultra-maîtrisées résument bien toute la complexité du film, dosage parfait de drame et d’action.
A War Named Desire est donc un excellent polar, typiquement hongkongais dans son nihilisme justifié par les liens du sang - aussi ténus soient-ils -, transcendé par l’interprétation de Francis Ng. En écho à la dualité du film, il donne au personnage de Charles une profondeur remarquable, laissant le spectateur parfaitement incapable de juger s’il est bon ou mauvais, monstrueux ou au contraire trop humain. Gigi Leung offre elle aussi son lot de moments surprenants, contribuant à effacer un peu plus la prestation de Daniel Chan, trop terne par rapport au niveau de l’ensemble. C’est là la seule critique que je pourrais formuler face à cette production remarquable écrite par Joe Ma (réalisateur/auteur des derniers Miriam Yeung), qui prouve bien toute l’étendue de son talent de scénariste.
A War Named Desire est disponible en VCD et DVD HK chez Mei Ah.
A quelques exceptions près, la compression du VCD est tout à fait convenable.



