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Japon

Adrift in Tokyo

aka 転々 | Japon | 2007 | Un film de Miki Satoshi | Avec Joe Odagiri, Tomokazu Miura, Kyoko Koizumi, Yuriko Yoshitaka, Eri Fuse, Ryo Iwamatsu, Yutaka Matsushige, Ittoku Ishibe

« Avec un paysage si varié, Tokyo est parfaite pour les balades. »

Alors qu’il est abîmé dans la contemplation d’un tube de dentifrice tricolore qu’il vient juste d’acheter, Fumiya (Joe Odagiri), étudiant en droit, reçoit la visite de Fukuhara, créancier expéditif qui s’empresse de lui enfourner une chaussette dans la gorge, le temps de lui expliquer qu’il lui reste 3 jours pour rembourser sa dette de 840 000 yens. Orphelin considérant ses parents adoptifs comme des étrangers, Fumiya se tourne vers ses seules ressources, la chance et le destin, qui ne lui rendent rien : le pachinko ne lui offre pas plus la fortune que la clé de consigne qu’il trouve au cours de ses déambulations, celle-ci ouvrant un casier dans lequel repose un sac rempli de statuettes en plastique... De façon inattendue, c’est Fukuhara lui-même qui offre au débiteur une porte de sortie. Un million de yens de sa propre poche, si le jeune homme accepte de l’accompagner le temps d’une promenade dans Tokyo, pendant un jour, trois, ou autant qu’il faudra, avec pour objectif final le commissariat central de la ville. Car Fukuhara, comme l’apprendra rapidement notre simili-héros, a accidentellement tué sa femme, et souhaite se rendre à la police.

Attaché aux décalages bienveillants et à la bonhommie du non-sens, Miki Satoshi (Turtles Are Surprisingly Fast Swimmers) tempère son excentricité le temps d’un road movie sans voiture, au moteur humain. Sa caméra suit les déambulations de Fumiya et Fukuhara, marchant sur les traces des souvenirs de ce dernier, bien décidée à en créer pour le premier. Car depuis que ses parents l’ont abandonné, Fumiya - superbement expressif et naïf Joe Odagiri - s’est efforcé de rester vierge, de ne pas se laisser imprimer durablement par l’émotion.

Alors qu’il suit son improbable sauveur sur le chemin de sa condamnation volontaire, et qu’il apprend à connaître sa défunte femme – caissière infidèle en quête de cette étincelle de vie, de cette singularité chère aux héros de Satoshi -, Fumiya se voit offrir, sans même s’en rendre compte, une famille, une enfance, une empreinte. De la même façon qu’il emboite le pas du créancier pour l’accompagner dans son dernier voyage, Fumiya le suit dans un jeu de rôles familial, trouvant refuge auprès de la charmante Makiko (Kyoko Koizumi, sublime comme toujours), un temps épouse factice de Fukuhara pour étoffer une célébration de mariage. Makiko s’étant elle-même construit une histoire à partir de ce mensonge – son mari travaillerait à Istanbul – elle demande à Fumiya d’incarner leur enfant pour donner le change à sa nièce hystéro-kawai Fufumi (Yuriko Yoshitaka).

La figure de Fukuhara achève alors de s’affirmer en tant que liant généreux d’historicités certes mensongères, mais qui, in fine, construisent véritablement les membres de son entourage. En offrant à Fumiya de marcher dans ses traces, de faire partie de cette délicate mascarade, il lui offre la vie que l’étudiant n’a jamais eue. Adrift in Tokyo, plus qu’une absurde rigolade, est donc une promenade touchante – ce qui ne l’empêche d’être traversé de quelques fulgurance « Satoshiesques ». Le trio de collègues de Madame Fukuhara, qui s’étonnent de son absence, l’imaginent d’emblée morte en rigolant et ne parviennent jamais à achever leur investigation, est à la fois volontairement en marge du métrage, et relié aux pérégrinations du duo protagoniste par l’omniprésence de l’acteur Ittoku Ishibe, promu porte-bonheur par le réalisateur. La traversée d’un Tokyo aux innombrables facettes offre par ailleurs l’occasion de croiser autant de figures iconoclastes, jamais exagérées toutefois au point de briser la crédibilité de l’édifice.

Porté par un élan funeste que l’on oublierait presque - tant l’auteur-réalisateur fait preuve, au travers de Fukuhura, d’honnêteté et de pudeur -, volontairement lent et tranquille, alternant le bruit d’un carrefour et le silence d’une ruelle, le rire et la nostalgie, Adrift in Tokyo est un condensé très complet d’humanité et de vie. Quelques pas y suffisent à Miki Satoshi, pour nous faire parcourir une très belle distance.

Adrift in Tokyo est sorti en DVD chez Spectrum Films le 25 juin 2013.
Remerciements à Antoine Guérin.

- Article paru le mardi 2 juillet 2013

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