Alone
Le soir de son anniversaire, partagé avec Wee, son homme, et ses amis coréens, Pim reçoit un coup de fil de Thaïlande : sa mère est à l’hôpital, diminuée suite à une crise cardiaque. Pour la première fois depuis des années, Pim est obligée de quitter son exil à Séoul, pour retourner vers ses racines. Un souvenir douloureux puisqu’il évoque celui de sa défunte sœur jumelle, siamoise qui n’a pas survécue à leur opération de séparation. C’est ce traumatisme qui avait provoqué le départ de Pim ; aussi lorsque la survivante franchit le pas de la demeure familiale, c’est avec une certaine appréhension, rapidement justifiée par de virulentes hallucinations d’une terrifiante Ploy...
Si peu de gens à mon avis, seraient capables de citer leurs noms et encore moins de les épeler, Banjong Pisanthanakun et Parkpoom Wongpoom sont pourtant des réalisateurs mondialement connus. Propulsés sur le devant de la scène horrifique internationale en 2004 avec Shutter (que je n’ai toujours pas vu), le duo remet le couvert rayon trouille à l’occasion d’ Alone, film d’angoisse pas foncièrement original mais ayant pour lui un contexte singulier, puisque des sœurs siamoises sont l’objet de son affection.
Clairement ancré dans le sillage de l’incroyable Tale of Two Sisters de Kim Jee-woon, Alone mêle comme lui les Yûrei traditionnels aux spectres, plus tortueux, de l’enfance et de la culpabilité. Il navigue ainsi entre le quotidien très rapidement halluciné de Pim (charmante Marsha Wattanapanich, visiblement chanteuse pop célèbre en son pays) et le récit mélancolique de son enfance si particulière auprès de sa sœur. Si le premier est le terrain d’une horreur guérilla - intégralement cinématographique puisque reposant sur des effets un peu trop conscients, bien que compétents, de montage -, le second est nettement plus intéressant. Forcément ambigu - l’homme n’est pas connu pour exceller dans son rapport à la différence - ce récit est teinté d’une poésie certaine, les metteurs en scène filmant habilement cette double vie, toute en affection et liens fraternels, physique et émotionnels. L’évocation de leur singularité est simplement belle, presque délicate, depuis l’image des vêtements adaptés par leur mère à la découverte de leurs accessoires, dont le double miroir est un condensé évident, abîme de duplicité.
C’est principalement par la surface de miroirs justement, que Pim connaît les agressions de sa sœur, qu’elles soient fantasmées ou non. Si certaines sont très convaincantes, lorgnant presque du côté de Ju-on, d’autres le sont moins, et le rythme frénétique de leur succession, pourtant sans le moindre objectif, finit par ancrer le présent de narration dans un train-train d’épouvante psycho-coupable cousu de fil blanc. En brisant mentalement leur héroïne, Pisanthanakun et Wongpoom passent tellement de temps à montrer et tenter de faire peur, qu’ils en oublient de véritablement raconter. On comprend alors que le film s’accroche trop à sa résolution annoncée - l’incontournable twist -, et c’est d’autant plus dommage qu’une fois le pas franchi, on se rend compte qu’Alone n’a plus rien à raconter. Le dernier quart-d’heure du film est ainsi passablement inutile, si l’on excepte une dernière image mémorable car incroyablement kitsch, qui nous renvoie à une conception très eighties de la (non-)conclusion.
Alone aurait presque pu finalement, ne se concentrer que sur l’histoire de Pim et Ploy enfants, sur la douleur qui naît de l’arrivée forcément destructrice de Wee dans leur intimité forcée. Etant donnée la maîtrise de ces scènes dans le film, Pisanthanakun et Wongpoom auraient ainsi évité de tomber dans la routine de la culpabilité incarnée qui commence à ternir le blason de l’horreur asiatique, trop mécanique et auto-suffisante pour susciter un véritable intérêt.
Alone est disponible en DVD et VCD HK, sous-titré en anglais, chez Asia Video. L’édition VCD, en plus d’être très abordable, est très propre.


