An Elephant Sitting Still
Quatre individus dans une ville chinoise anonyme. Victime d’un harcèlement, un lycéen se rebiffe et blesse son agresseur. Le grand frère de ce dernier part à la recherche du lycéen pour lui faire un sort. La petite gouape vient lui aussi d’être récemment le témoin et l’acteur indirect d’un drame. Un retraité, dont la famille veut se débarrasser en l’expédiant en maison de retraite, est entrainé contre son gré dans cette affaire. La petite amie du lycéen voit pour sa part sa liaison avec le directeur adjoint du lycée rendue publique via les réseaux sociaux. Ces évènements vont pousser ces chinois ordinaire à partir pour la ville de Manzhouli, où paraît-il, un éléphant de cirque reste assis toute la journée, immobile...
L’histoire de cet éléphant immobile a captivé l’attention de ces quatre individus : ils admirent surement son caractère imperturbable, imperméable à son environnement.
D’un point de vue plastique, cette première réalisation est une belle réussite. Le cinéaste Hu Bo s’infiltre dans la vie de ses personnages grâce à une mise en scène très fluide : de longs plans séquences et travellings les suivent, les cernent... Leurs trajectoires d’abord séparées vont se croiser pour enfin s’unir. La caméra autant que le récit leur sert de lien : Hu Bo met ainsi en scène leur destin commun.
Les personnages sortis de son esprit sont pris en étau entre leur famille et la société. "Vous irez là où vous devez être (…) La plupart d’entre vous devriez finir vendeur à la sauvette", prédit le directeur adjoint du lycée. Comme si le destin du lycéen était écrit d’avance. Représentant d’une institution, il est le porte-voix de la société. Ces quatre individus vivent une double aliénation, car leurs proches ne leur accordent aucune considération.
Cette pression sociale devient si intolérable qu’elle pousse les personnages à la violence, contre les autres, mais aussi contre eux. A Touch of sin de Jia Zhang-ke vient forcément à l’esprit.
La violence fait irruption et le spectateur est aussi surpris par elle que le personnage qui y est confronté. Mais elle est laissée hors-champ, aussi spectaculaire soit-elle, le metteur en scène se concentre sur les troubles qu’elle provoque chez l’individu concerné, nous touchant d’autant plus.
L’accent mis sur le ressenti des personnages est une constante : le metteur en scène privilégie une très faible profondeur de champ pendant toute la durée du film. Un second personnage si proche soit-il du premier commence à se dissoudre dans l’arrière-plan via le flou.
An Elephant Sitting Still baigne dans le spleen, mais finit sur une lueur d’espoir. Dans la très belle ultime scène, les phares du bus trouent la nuit environnante, découpant les silhouettes d’une famille reconstituée, possibilité d’humanité.
An Elephant Sitting Still est sorti dans un combo Blu-ray/DVD le 4 juin chez Capricci. Outre le texte de la nouvelle du cinéaste dont le film est tiré, l’édition comprend également son premier court métrage.
Remerciements à l’éditeur.





