Antiporno
Sono Sion fait partie des réalisateurs choisis par la Nikkatsu pour relancer sa franchise Roman Porno, série de films lancée en 1971 pour soutenir une fréquentation des cinémas en berne. Au-delà de l’obligation d’un certain nombre de scènes osées pendant le film, le cinéaste disposait d’un espace de liberté. Ce qui a permis la création de plusieurs réussites, comme Chansons paillardes : ah les femmes de Tatsumi Kumashiro ou Osen la maudite de Noboru Tanaka.
Tournant en rond dans son appartement, Kioko, star de la mode et de l’art, humilie son assistante personnelle qui est venue lui présenter l’agenda d’une journée particulièrement chargée. L’arrivée de la rédactrice en chef venue l’interviewer et d’une photographe ne va rien changer. Bien au contraire, sa situation ne fait que s’empirer. Elles sont non seulement barrées, mais elles ont également à cœur de se faire bien voir de la star. Mais ce que nous voyons sur l’écran reflète-t-il la réalité ?
Film foutraque, mais là rien d’étonnant, Antiporno est aussi laborieux et confus. L’hystérie du jeu de l’actrice dans le film et la mise en abime ont mis à mal ma bonne volonté jusqu’au moment où finalement les intentions du cinéaste s’éclaircissent.
Le réalisateur japonais a beau de nouveau faire un film censé caresser le public masculin dans le sens du poil avec son lot de scènes érotiques obligatoires, son message, comme dans Tag, j’insiste, est féministe. Une dimension ici toutefois bien plus évidente. Il s’intègre dans un thème récurrent dans son œuvre, celui de l’assujettissement. Évident au niveau de la relation entre la star et son assistante personnelle, ce thème prend une autre dimension lorsque Sono Sion traite ensuite de la place des femmes dans la société japonaise. Où, comme le dit l’un des personnages, elles sont obligées d’agir comme si elles étaient libres.
Il dénonce aussi l’hypocrisie de la société vis à vis du sexe, que tout le monde pratique - on pourrait même dire tout le temps pour les parents de l’héroïne - mais qui reste considéré comme une pratique honteuse.
Sono Sion s’inscrit dans la tradition politique du pinku eiga. Le film inclut aussi des images d’une manifestation – si je ne m’abuse – contre la politique de remilitarisation du Japon aux alentours de la Diète. Mais l’idée de les intégrer s’explique peut-être tout simplement par le fait que ce bâtiment ressemble à un sein au téton turgescent.
Poursuivant son entreprise de destruction et de sape, il n’épargne pas non plus le monde du porno en fustigeant le comportement des participants. Il y puise pourtant son inspiration pour nous gratifier d’une trouvaille visuelle : un bukkake géant version action painting.
Antiporno a été présenté dans le cadre de la 22e édition de L’Etrange Festival.
Remerciements à Xavier Fayet et à l’équipe du festival.
Photo de la Diète : By Wiiii (Own work) or CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons


