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Japon

The Razor : Sword of Justice

aka Goyôkiba - Goyoki | Japon | 1972 | Un film de Kenji Misumi | Avec Shintarô Katsu, Yukiji Asaoka, Mari Atsumi, Ko Nishimura, Kamatari Fujiwara, Akira Yamauchi, Kooji Kobayashi

En matière de films de sabres japonais, peu de noms sont aussi prestigieux que celui de Kenji Misumi (1921-1975). L’homme a en effet réalisé non seulement la majeure partie de la légendaire série des Kozure Ôkami avec Tomisaburo Wakayama (Lone Wolf and Cub - Baby Cart /1972-1974), mais aussi plusieurs épisodes des aventures de Zatôichi et de Nemuri Kyoshiro (Sleepy Eyes of Death - 12 films au total de 1963 à 1969), ainsi que la mythique trilogie des Daibosatsu Toge (1959-1961) avec Raizô Ichikawa dans le rôle de Ryunosuke Tsukue - plus connue chez nous sous le nom du Passage du Grand Bouddha.
Réalisateur de tous les extrêmes, oscillant entre le classissisme "immobile" et le manga ultra-violent, Misumi s’est à plusieurs reprises attaqué à l’univers du scénariste Kazuo Koike (Crying Freeman, Lady Snowblood, Baby Cart) - comme c’est le cas avec ce premier opus des péripéties de Hanzo "The Razor" Itami, The Razor : Sword of Justice (les deux autres films de la trilogie - The Snare et Who’s Got the Gold ? - seront réalisés respectivement par Yasuzo Masumura et Yoshio Inoue, en 1973 et 1974).

Encore aujourd’hui, il est légitime de déclarer que The Razor : Sword of Justice est une véritable curiosité cinématographique. Imaginez ce que ce devait être, en 1972, pour des yeux occidentaux ! Suis-je bête : vous ne pouvez pas, puisque je ne vous ai encore rien dit sur le film, et son personnage principal...
D’une certaine façon, Sword of Justice est un hentai policier en costumes, un croisement funky, gore et masochiste entre le film de sabre et le pinku eiga. Vous êtes intrigués, n’est-ce pas ? Si je vous dis qu’en plus, sur la pochette du LaserDisc édité en son temps aux USA par Animeigo, on peut lire que la vision du film - riche en ultra-violence et situations sexuelles explicites - risque de provoquer un sentiment d’ "inadéquation masculine", votre curiosité est-elle suffisamment attisée ?

Hanzo Itami est un policier de l’époque Edo. Aussi efficace qu’insolent, l’homme ne cesse de s’opposer à ses supérieurs - comme l’atteste cette scène d’ouverture qui le montre refuser, pour la quatrième année consécutive, de signer le serment inhérent à sa position au service du maintien de l’ordre, sous prétexte que de hauts fonctionnaires policiers touchent des pots de vins, et qu’il ne veut pas s’en retrouver indirectement tributaire. Hanzo est aussi un masochiste, adepte des tortures les plus épouvantables. Enchaînant les supplices auto-infligés, il se défend de vouloir connaître cet instant où la douleur devient plaisir, afin de mener des interrogatoires plus efficaces.
Ces interrogatoires justement, parlons-en... En dehors de ses aptitudes au combat, Hanzo possède un autre atout "de taille" : son sexe démesuré. Un membre qu’il muscle à coups de baton et de va-et-vient dans un sac de riz. L’ "outil" travaillé fait ses preuves lorsque Hanzo doit interroger Omino, la maîtresse de son supérieur Onishi, suspectée d’être la compagne d’un redoutable criminel - Kanbei - visiblement en liberté alors qu’il aurait dû être emprisonné. Sous l’emprise du sexe de Hanzo, cette femme (Yukiji Asaoka) - mystérieuse car épilée au niveau de l’entre-jambes ! - est prête à tout lui avouer, si seulement il veut bien ne pas arrêter d’abuser d’elle ! Une technique avouez-le, fort redoutable.
Hanzo se servira donc de ses divers pouvoirs d’influence et de déduction, pour mettre à jour la corruption de son patron. Au détour de cette enquête, un secret du Shogunat pourrait bien lui offrir la promotion dont il rêve... même si la méthode employée sera quelque peu inorthodoxe !

Kenji Misumi ne cessera donc jamais de nous surprendre, même si c’est a posteriori... C’est ça aussi, la beauté du cinéma : plus de trente ans après sa sortie, un film comme Goyôkiba peut encore nous laisser parfaitement ébahis.
Que ce soit au niveau du travail sur le son, la réalisation ou le montage, Sword of Justice atteint des sommets d’inventivité et d’efficacité. Que dire par exemple de ce raccourci scénarastique, utilisé à trois reprises je crois au cours du film, qui voit Hanzo se déplacer sur/devant une carte d’Edo (l’ancien nom de Tokyo), pointant du doigt lorsqu’il est arrivé à destination ? Que dire encore de la première scène d’ "amour" entre Shintarô Katsu et la troublante Yukiji Asaoka (la voix de Matsuko dans le Hohokekyo Tonari no Yamada-kun de Isao Takahata, rien que ça !), qui anticipe les plans de pénétration vue de l’intérieur de Urotsukidoji, deuxième du nom ? Comment aborder enfin cette torture exceptionnelle intervenant dans le dernier tiers du film, au cours de laquelle Hanzo inflige à la magnifique Mari Atsumi (Gamera vs. Viras) le supplice du pal version toupie, en l’enfermant dans un filet relié au plafond par une corde ?

C’est très simple en fait : difficile de décrire les multiples trouvailles de ce premier Razor sans crier au génie. Depuis les premières images du film - split-screen torturé accompagné de musique funky -, à l’incroyable chanson de fin (qui nous résume les ambitions du grand policier qu’est Hanzo Itami, alors que l’homme se dresse immobile sur une carte d’Edo, comme supérieur à l’ensemble de la population), Sword of Justice apparaît sous de multiples parures (tour à tour classique, résolument gore, démesurément sexuel) sans jamais se défaire de celle des plus grand chef-d’oeuvres barrés du cinéma moderne. Car Goyôkiba a beau dater du début des années 70, on y retrouve cent fois plus d’idées de montage et de narration (la fin déroutante et pourtant très proche dans l’esprit des épilogues de certains mangas scénarisés par Koike, par exemple) que dans bon nombre de films contemporains. En plus, c’est Shintarô Katsu - Zatôichi himself - qui interprète celui qu’Animeigo surnommait "le bras le plus long de la loi"... que demande le peuple, alors ? Je sais : d’en savoir plus sur les deux autres épisodes, très certainement ! ;-)

Sword of Justice était autrefois disponible en VHS et LaserDisc dans la collection Samurai Cinema éditée par Animeigo.

- Article paru le mercredi 8 janvier 2003

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