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Hong Kong | Festival du film asiatique de Deauville 2013

As Tears Go By

aka Wong gok ka moon | Hong Kong | 1988 | Un film de Wong Kar Wai | Avec Andy Lau, Maggie Cheung, Jackie Cheung

Un homme et une femme, 17 ans déjà.

Quelques mois après la sortie de 2046 , film somme de ses précédentes réalisations, parler du premier film de Wong Kar Wai s’avère une mission délicate. D’autant plus que ma première vision de ce film, il y a déjà quelques années, ne m’avait pas laissé une impression impérissable. Et pourtant, à la différence des films du hongkongais, le dénouement est heureux. En effet, contrairement à mes souvenirs, As Tears Go By comporte de nombreuses qualités et la patte du maître s’y affirme déjà. Cette nouvelle vision m’a confirmé que depuis le début, chaque film du réalisateur hongkongais sert de laboratoire d’idées pour le suivant.

Œuvre de commande, As Tears Go By s’inscrit dans la vague des polars qui a suivi le succès de A Better Tomorrow. Déjà auteur de plusieurs scénarios, WKW se voit ainsi confier une première réalisation. Polar indubitablement hongkongais avec ses thèmes obligatoires, As Tears Go By intègre aussi une intrigue plus intimiste.

Ah Wah (Andy Lau) accueille chez lui sa cousine venue de la campagne, Maggie Cheung, pour passer des examens médicaux. Petit caïd, il a sous ses ordres un jeune chien fou, Fly (Jackie Cheung), qui a l’art de se mettre dans des situations impossibles. Fly n’est pas seulement un de ses acolytes ; émigrés du même village, les deux hommes sont liés par une amitié très forte. Alors que Fly s’enfonce de plus en plus profondément dans les ennuis, la relation entre Andy Lau et Maggie Cheung se transforme en véritable histoire d’amour. Mais qui de Jackie Cheung ou de Maggie Cheung sera l’heureux élu ?

Comme quoi, chez Wong Kar Wai, tout a toujours tourné autour d’histoire(s) de couple(s). Il ne s’agit d’ailleurs pas de la seule constante de son cinéma déjà présente. Comme un peintre, Wong Kar Wai a apposé sa signature sur ce film. Quoi de plus “wongien” en effet que de filmer une femme de dos montant un escalier, pour terminer sur un plan de ses mollets. Ce plan n’est d’ailleurs pas le seul qui se retrouvera dans ses films suivants. Au-delà des traces de son style, on retrouve dans As Tears Go By un des thèmes centraux de l’œuvre de Wong Kar Wai : l’amour impossible.

La “magic-team”, Chang/Wai/Doyle n’est pas encore réunie, il faudra patienter jusqu’au film suivant Nos Années Sauvages , mais la photographie constitue un des points forts du film. Le travail d’Andrew Lau s’élève à plusieurs coudées au-dessus de celui des productions de l’époque. Le style adopté, dans lequel le néon joue un rôle important, est fortement marqué par l’esthétisme des années 80. On retiendra en particulier la scène du mariage où les silhouettes de Ah Wah et Fly sont surlignées par la lumière rouge émanant des néons de la publicité de l’immeuble. Le spectateur pourra aussi remarquer dans les scènes intimistes l’utilisation des mêmes couleurs “pastels” des Années Sauvages.

As Tears Go By ne comporte pas de “gunfight” à proprement parler, mais les scènes d’actions sont efficaces. Comme dans ses futurs films, celles-ci sont gélifiées par une vitesse de ralenti différente de celle utilisée traditionnellement. Le film pèche cependant par le thème obligé du polar hongkongais de l’époque : celui de l’amitié à la vie à la mort.

As Tears Go By est notamment disponible en DVD zone 2 français édité par CTV International (sortie le 18 août 2005). La copie du film aurait mérité d’être nettoyée afin de faire disparaître les points blancs un peu trop nombreux, en particulier au début du film. Heureusement, la qualité de la photographie du film fait rapidement oublier ces défauts mineurs. On sera en revanche gré à l’éditeur d’avoir fait l’effort de fournir de suppléments sous la forme de deux entretiens. Le premier, Nos Années Triades avec Gérard Delorme, replace le film dans le contexte du cinéma hongkongais de l’époque et le met en perspective avec les autres films de Wong Kar Wai. Le second, WKW 80, avec Fathi Beddiar, revient sur la carrière de Wong Kar Wai en tant que scénariste, et les films qui ont influencé As Tears Go By. Remerciements à Mathilde Fourest et Pierre Bouyer.

- Article paru le dimanche 14 août 2005

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