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Hors-Asie

Atomik Circus, le retour de James Bataille

France | 2004 | Un film de Didier & Thierry Poiraud | Avec Benoît Poelvoorde, Vanessa Paradis, Jason Flemyng, Venantino Venantini, Marie Milca, Jean-Pierre Marielle, Dominique Bettenfeld

J’ai beau aimer découvrir un film dans le confort maitrisé de mon salon, il y a des choses qui n’arrivent qu’en salles. Une immersion telle qu’une heure et demie vous paraissent quelques minutes, que vos convives - qu’ils soient 30, 100 ou même plus - disparaissent dés la lumière éteinte, que vous avez mal aux joues à la fin de la projection tellement vous avez passé de temps à sourire et rire, sans vous préoccuper de la présence de quelqu’un à vos côtés. Un cadeau tellement jouissif que le sourire ne vous quitte pas tout au long du trajet qui vous ramène chez vous. Pas que je ne me prenne pas régulièrement des claques au cinéma - bien au contraire - mais ça faisait vraiment longtemps que la flamme du plaisir inclassable, total, bon enfant, craspec, surprenant, merveilleux, sensuel - et de surcroit français ! - n’avait pas été attisée chez moi. Alors avant toute chose ce que je voudrais dire c’est : "Merci messieurs Poiraud". J’aurais pu rester chez moi à gober les mouches, mais j’ai bien fait d’aller voir Atomik Circus à la place.

Atomik Circus, c’est un peu l’histoire de James Bataille, mais surtout celle de Concia. Concia, princesse à la voix de velours, d’autant plus remarquable qu’elle est isolée chez les rednecks de Skotlett, un bourg très Southern Comfort mais en version bénigne, dirigé par l’éxhubérance gueularde de son père Bosco. Skotlett, ses tarés, son festival de la tarte à la vache et son micro-crochet ("c’est comme un crochet, mais en tout petit"). Un beau jour, James, un peu british et cascadeur, débarque à Skotlett pour ouvrir le fameux festival d’une cascade en moto, tombe amoureux de Concia qui le lui rend bien, et foire son saut qui se termine en explosion. Bosco qui redoutait l’idylle, s’empresse de faire accuser l’étranger de terrorisme et l’envoie en prison pour 133 ans. C’est alors qu’un nouveau festival se prépare au Sam Paradiso Bar, qu’Alan Chiasse - producteur officiant chez Chiasse Records - se perd dans la cambrousse et découvre la beauté inscoupçonnable ("Botticelli chez les bouseux") de Concia, et que des extraterrestres débarquent à Skotlett avec l’intention de "sucer la gueule" à toutes les tronches du coin, que James s’évade pour retrouver sa belle. Car on n’est bien qu’au près de la femme qu’on aime... "ou alors dans une prison pour femmes" !

Atomik Circus, c’est l’adaptation d’une bédé qui, contrairement aux comics qui fleurissent en ce moment sur grand écran, possède la particularité de n’avoir jamais vu le jour. Un projet cher aux nantais Poiraud, qui s’imposent pour ce premier passage sur grand écran, en équivalent gentiment trash des espagnols Javier et Guillermo Fesser (El milagro de P. Tinto, La Gran Aventura de Mortadelo y Filemon), en parents proche d’Alex de la Iglesia (sur Accion Mutante) et en filiation volontairement bridée de notre Jan Kounen national (période Vibroboy et Dobermann). Un sens de la narration inné, une capacité à tirer le meilleur parti d’un budget, une passion pour l’image en mouvement perpétuel, un amour des dialogues et des personnages hauts en couleurs... Atomik Circus est un cirque certes, mais pas celui de Pinder, plutôt un héritage de celui de Tod Browning, teinté de consanguinité et d’isolement (deux parents proches a priori). En haut de son affiche brille une étoile, Concia, concentré de gentilesse, de joie de vivre et de talent, incarnée par une Vanessa Paradis parfaitement juste, que ce soit dans ses rapports polis aux autres ou dans ses magnifiques prestations musicales, moments d’égarements sensuels et généreux.

Pour polir l’éclat de Vanessa Paradis, les frères Poiraud l’ont entourée d’acteurs magistraux, en tête desquels Marielle (dans un rôle écrit pour Jean Yann) et Poelvoorde trônent évidemment, même si l’Abbé aka Dominique Bettenfeld ("tu auras affaire à cheval !") n’est pas loin derrière, avec pourtant peu de temps de présence à l’écran. Tous ensemble, ils enterrinent la démarche bienvenue des frères Poiraud, qui ne révolutionnent rien mais apportent un peu de franchise à un cinéma national d’autant plus prétentieux qu’il est né du film de genre, et s’est construit sur l’art du dialogue, de la série B et de l’exploitation bon enfant. Les frangins bétonnent un scénario simpliste qui file à cent à l’heure sans user d’artifices, adaptent les tremblements de leurs caméras aux scènes gore aussi bien qu’aux intermèdes buccoliques, ou au slow endiablé de Concia au terme duquel Chiasse passe du côté des "suceurs de gueules".

Beaucoup voient dans Atomik Circus un coup de pied au derrière du cinéma français, du fait de la difficulté de mener à bien ce type de projet filmique dans l’hexagone. Je crois qu’il faut surtout y voir une déclaration d’amour au cinéma bis authentique, aux serials et à la musique, indépendamment de toute affirmation ou manifeste cinématographique. Car Atomik Circus n’existe pas "par rapport" à quoi que ce soit, il se contente d’être lui-même. Un poème iconoclaste, drôle et dépaysant, délire génial et classique instantané.

Atomik Circus est sorti sur les écrans français le 21 juillet 2004.

- Article paru le mardi 10 août 2004

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