Au Carrefour

Comédie romantique et sociale à Shanghai.

Comédie romantique, sociale, mais également patriotique, Au Carrefour est une vraie réussite.

Sans être une comédie triste, les premières images du film montrent un jeune diplômé sans travail sur le point de se suicider, qui est sauvé par ses amis. Des quatre amis, le "suicidé" va repartir à la campagne chez ses parents, un autre va rejoindre les troupes communistes, alors que les deux derniers préfèrent demeurer à Shanghai afin de chercher du travail.

Zhao Dan, alors dans un de ses premiers rôles au cinéma, occupe le centre de ce récit. L’acteur deviendra ensuite une des grandes stars du cinéma chinois. Il est habituellement comparé à Jean Marais en France en raison de sa célébrité et de ses nombreux rôles de jeune premier. Son personnage nommé Zhao finit par trouver un travail de correcteur dans un journal, avant de devenir un journaliste qui dénonce les conditions de travail des ouvrières de l’industrie. Il tombe également amoureux d’une jeune femme, Yang, qu’il croise à la descente du tramway qui circule au carrefour près de leur logement. Il s’avère en effet que Yang est ouvrière et habite la pièce contigue à celle de Zhao.

Les épisodes comiques demeurent fortement influencés par le cinéma muet. Un des meilleurs gags, qui se veut également dénonciation des problèmes de logements, court presque sur la totalité du film. Les deux tourtereaux habitent sans le savoir dans des pièces adjacentes, seulement séparées par une cloison en bois qui s’arrête avant d’atteindre le plafond. Une situation propice à des quiproquo, alors que les deux locataires s’installent dans une véritable guerre de tranchée. Un gag qui finira en apothéose lorsque Zhao s’aperçoit de sa bévue et ne sait plus où cacher sa honte, un véritable moment d’anthologie.

Selon les spécialistes, ce film de Shen Xiling a été influencé par les comédies de Lubitsch, ainsi que celles réalisées par Ozu au Japon au début des années 30, ce dernier ayant déjà subi l’influence du berlinois. On notera au passage que Shen Xiling a étudié les beaux-arts au Japon, et que les films de Lubtisch des années 20 étaient visibles à l’époque en Chine.

La réussite d’Au Carrefour tient à l’équilibre que le réalisateur parvient à maintenir entre l’humour, la dénonciation sociale, la romance et l’appel final à la résistance contre l’occupant japonais. Un cocktail qui semble de prime abord bien improbable. Comme de nombreux films de cette époque à Shanghai, ce long métrage est ancré dans la réalité, mais se permet également quelques épisodes plus légers, et même une incursion carrément onirique.

Un appel à la lutte qui intervient quelques mois avant la chute de la Mecque du cinéma chinois. En effet, le 13 août 1937, année de réalisation de ce film, les troupes du Mikado occuperont Shanghai. Une occupation qui sera le signal du départ d’une partie importante de l’industrie cinématographique de la ville vers Hong Kong, mais également Hankou.

Malheureusement, Shen Xiling n’aura que peu d’occasions de concrétiser les promesses contenues dans Au Carrefour, les événements historiques et son destin ne le permettront pas. Il n’aura la possibilité de réaliser qu’un autre film, Fils et filles de Chine en 1939, avant de décéder du typhus un an plus tard.

NB : Un remake New X-road a été réalisé en 2001 par la fille de Bai Yang, avec le fils de Zhao Dan dans un des rôle principaux !