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Autofocus

USA | 2001 | Un film de Paul Schrader | Avec Greg Kinnear, Willem Dafoe, Rita Wilson, Maria Bello, Ron Leibman, Bruce Solomon

"A day without sex is a day wasted."

Milieu des années 60. Bob Crane (Greg Kinnear) est croyant, père modèle et mari exemplaire. Il a rencontré sa femme Anne (Rita Wilson) au lycée, c’est son "high school sweetheart". Animateur célèbre de radio jazz, il aimerait voir sa carrière prendre le tournant qu’il souhaite, et devenir acteur. Il demande à son agent Lenny (Ron Leibman) de lui trouver un rôle à sa mesure ; Bob va incarner Hogan dans Hogan’s Heroes (Papa Schultz), série comique à succès dont l’histoire se déroule dans un camp nazi de prisonniers pendant la Seconde Guerre Mondiale.

Sur le plateau de tournage, Bob rencontre John Carpenter (interprété par Willem Dafoe, rien à voir avec le cinéaste !), un technicien et représentant en matériel vidéo. Ce dernier va l’inciter à le rejoindre après le travail dans un "strip joint" pour boire un coup et décompresser. Tout d’abord un peu réticent, Bob va peu à peu se laisser entraîner tous les soirs par John dans différents night clubs, et prendre goût au sexe. John l’initie à la pornographie, en couple, en groupe, plus on est de fous... le tout enregistré sur bande magnétique, matériel révolutionnaire de l’époque. Bob trompe sa femme allègrement, avec une (des) femme(s) différente(s) tous les soirs.

Il rencontre pendant le tournage une actrice, Patricia (Maria Bello), dont il tombe amoureux. Sa femme, lasse d’essuyer ses frasques, demande le divorce, et permet l’union de Bob et Patricia. Bob pense trouver en elle la partenaire idéale qu’il a toujours cherchée, la femme qui l’aime pour ce qu’il est et qui l’accepte tel quel. Mais Bob s’enfonce dans l’engrenage dans lequel il s’est laissé prendre, constamment entraîné par John son corrupteur, en quête de nouvelles sensations sexuelles. Le marriage idyllique de Bob et Patricia prend fin en même temps que la série, et une longue descente aux enfers commence pour le héros, devenu complètement accro au sexe. La devise de Bob et John devient : "Un jour sans sexe est un jour perdu". Finalement ce sont eux qui vont tout perdre.

Cette histoire biographique réalisée par Paul Schrader (Hardcore, American Gigolo, Affliction) nous montre une Amérique puritaine et paradoxalement creuse, au lendemain de la guerre. Les spectateurs de Hogan’s Heroes se rassurent de pouvoir rire de cette série, grâce au nouveau concept des rires préenregistrés. Car finalement, peut-on vraiment sourire devant l’horreur de la guerre ? Schrader nous expose ce paradoxe, où il n’est pas gênant de rire du nazisme tant qu’on l’enrobe d’humour, mais où l’hédonisme est interdit, le sexe est sale, le pratiquer est inconvenu, et l’exprimer est bâni.

L’histoire de l’acteur Bob Crane est somme toute assez classique : la fragilité d’un homme face au succès, qui tombe dans l’excès. La façade de la famille unie et équilibrée s’effondre avec l’introspection (l’autofocus !) de Bob, qui réalise qu’il ne pourra jamais être heureux, toujours en quête d’un idéal sans jamais pouvoir l’atteindre. L’enquête sur la fin tragique dont il a été victime, battu à mort dans son sommeil, n’a pas abouti, même si John Carpenter est fortement suspecté d’avoir commis le meurtre. Mais aux yeux de l’Amérique, Bob Crane est mort d’une overdose de sexe, comme si Dieu l’avait puni d’avoir autant pêché et piétiné les "valeurs morales".

L’histoire est malheureusement très mal menée, on s’ennuie au bout de 20 minutes de film. Si le début est prometteur, on tombe vite dans une platitude à faire peur (ça rime !). Je pensais voir un autre Larry Flint, je pensais que le film me bousculerait un peu, qu’il me choquerait un minimum. Finalement, loin de posséder une telle force, il n’est pas suffisamment subtil pour nous faire ressentir la détresse de Bob Crane. On a juste l’impression que les deux compères ne font que baiser, il n’y a pas d’autre mot. Normal me direz-vous, pour des accros du sexe ! Mais quel dommage de n’y mettre aucune finesse ! Il n’y a pas la moindre petite chose qui me fait croire que je suis un être doté d’intelligence, capable de comprendre le sort de Bob et de John, puisque la sexualité des deux hommes, où devrais-je dire primates, nous est retranscrite de façon bestiale.

Les acteurs sont de plus très creux, visiblement choisis uniquement pour leur ressemblance avec les "originaux". Greg Kinnear est trop transparent et peu convaincant, j’ai beaucoup de mal à l’imaginer en bête sexuelle après l’avoir vu en homosexuel plus qu’effemminé dans As Good as it Gets. Depuis à mes yeux, cette image lui colle à la peau. Willem Dafoe est décevant, les rôles de méchants lui collent mieux à la peau (il est limite mieux dans Spiderman, c’est pour dire). Il n’est pas crédible une seule seconde, ni en dieu du sexe (non mais sans rire), ni dans le rôle du meilleur ami.

Deux choses notables cependant : tout le matériel vidéo montré à l’écran est d’origine, caméras, projecteurs, bandes magnétiques, VTR (les premiers magnétoscopes), tout a été retrouvé par l’intermédiaire du web. Sacré clin d’oeil, sacré coup de vieux ! C’est assez drôle d’assister aux débuts de la cassette vidéo et du magnétoscope (même si c’est pour faire l’apologie des films porno amateurs), quant on connaît les avancées technologiques actuelles.

Et puis la musique d’Angelo Badalamenti (Blue Velvet, Lost Highway, Mulholland Drive, L’adversaire)... toujours aussi extraordinaire !!! Un mélange de musique jazz et de synthétiseurs. Grâce à lui, la toute fin du film arrive tant bien que mal à prendre une autre dimension. On se retrouve d’un seul coup, inconsciemment plongé dans une sorte de malaise qui rappelle trop bien Lost Highway et Mulholland Drive. Malheureusement pour trop peu de temps, car la force de la musique de Badalamenti n’est pas suffisamment exploitée dans le film pour recréer le sentiment de désespoir épouvé par Bob Crane.

Autofocus est un petit film qui aurait peut-être pu être grand. Dommage.

Autofocus est sorti sur les écrans français le 16 avril 2003.

- Article paru le vendredi 18 avril 2003

signé Sadako

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