Azumi
On l’aura attendu cet Azumi ! Ayant atteint une certaine reconnaissance depuis Versus, Ryuhei Kitamura était cependant attendu au tournant. On attendait en effet de lui quelque chose d’un peu différent que ses éternels zombies ou zombies éternels (Aragami notamment avait fortement déçu). Or ce dernier, visiblement au fait des critiques faites au vide abyssal de ses scénarios, a décidé de lancer deux projets qui sont deux adaptations de manga. Le premier est Azumi et le second Alive. Azumi, le manga de Yu Koyama, s’inspire assez nettement des mangas cultes du genre qui ont donné naissance à des perles du cinéma japonais, à l’image de la série des Baby Cart et les deux Lady Snowblood. Et reconnaissons-le, Azumi le film fait de même. Cependant, grâce aux moyens modernes et car beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis, les influences sont plus larges. De The Matrix au cinéma de HK en passant naturellement par le cinéma japonais (le chambara), pour n’évoquer que les influences purement cinématographiques, Azumi offre une sorte de condensé d’à peu près tout ce qui se fait et s’est fait dans le genre.
Azumi (Aya Ueto, au physique très manga) est une jeune fille orpheline recueillie par un vétéran (Yoshio Harada) des guerres de clans qui ont déchiré, et déchirent encore, le Japon médiéval. Dans un lieu isolé de tout, ce dernier enseigne les meilleures techniques de combat à Azumi et à neuf autres garçons. Quelques années s’écoulent et il est temps pour les dix compagnons d’accomplir leur première mission, ainsi que le leur annonce le maître. Impatients de découvrir enfin le monde et de mettre en pratique ce qu’ils ont appris pendant toutes ces longues années, ils sont sous le choc lorsqu’ils entendent le contenu de leur première mission. Ils doivent en effet se réunir par binômes avant que le Maître leur annonce que chacun d’entre eux doit tuer son partenaire... Plus que cinq, ils partent accomplir leur véritable première mission : assassiner un puissant chef de clan.
Azumi ne fait pas spécialement dans la complexité. D’une linéarité exemplaire, on a parfois plus l’impression d’avoir à faire à un jeu vidéo peu inventif qu’à un film. Les méchants, chaque fois un peu plus forts et un peu plus fous, se succèdent jusqu’à ce qu’Azumi, l’héroïne, en vienne à affronter le "big boss" et élimine le cerveau maléfique (le trop rare Naoto Takenaka). Pas très nouveau donc, pas plus que ne l’est le manga originel.
L’inspiration est clairement du côté de la série des Baby Cart. On y retrouve la linéarité, les méchants divers, variés et très typés ainsi qu’un goût prononcé pour le gore, mais l’idée de vengeance est moins présente. Azumi agit comme une tueuse en mission, ce qui la rend moins charismatique que son alter ego masculin, le loup solitaire. On s’attache plus difficilement à elle, ses motivations étant moins claires si ce n’est une obéissance aveugle à son maître/père. Peut-être un peu à cause de cela, elle n’est d’ailleurs pas une véritable héroïne solitaire puisqu’elle est accompagnée de son maître et de quatre autres compagnons d’arme. L’esprit de groupe prime, et c’est d’ailleurs lorsque Azumi s’écarte un peu du groupe et s’essaie à la féminité que les choses tournent très mal. Le film n’est d’ailleurs pas tendre avec les femmes. Azumi montre une absence totale de féminité, et l’autre personnage de femme d’une certaine importance ne semble être là que pour représenter l’idée qu’une femme qui n’utilise pas la violence pour survivre, et donc qui opterait pour la masculinité, est vouée à la souffrance.
Mais s’il est une parenté évidente avec notamment Baby Cart, c’est bien dans toutes ces gueules de méchants. Du combattant-singe qui pousse des cris suraigus lorsqu’il est frappé (un personnage qui semble très inspiré par les comics américains) à cet étrange amoureux des carnages tout de blanc vêtu et toujours une rose à la main (interprété par Joe Odagiri que l’on a pu voir dans Akarui Mirai / A Bright Future de Kyoshi Kurosawa), Azumi comporte une belle galerie de personnages bien allumés, digne d’un manga. Pour notre plus grand plaisir.
Au niveau style, on est plus partagé. Si Ryuhei Kitamura est certes en grande forme technique, il le semble beaucoup moins au niveau de l’originalité des styles. Difficile de ne pas rapprocher un seul combat d’une scène d’un autre film, japonais ou autre. Baby Cart apporte l’influence gore et les personnages des méchants, The Matrix apporte ses ralentis (insupportables à mon goût car ils tuent le concept de rapidité, ce qu’il y a de plus impressionnant dans les combats de sabre japonais qui se doivent d’être vifs et courts), Tigre & Dragon (pour ne citer que le plus récent) ses combattants aux folles acrobaties aériennes ou encore The Blade pour la violence de ses combats et les habitants de la ville morte, très proches de l’esthétisme des nomades/brigands du film de Tsui Hark. Bref, on est loin d’être aussi surpris par la maîtrise technique et l’originalité que l’on avait pu l’être à la vision de Versus. On a parfois un peu l’impression de voir une compilation des meilleures scènes tirées d’autres films.
Mais ne boudons pas notre plaisir et avouons tout simplement que ce dernier est bel et bien là. On est très proche de l’esprit du manga, et du style manga - notamment une scène de décapitation à ne pas manquer -, et si ce n’est quelques scènes un peu limites des rêveries d’Azumi qui touchent au ridicules tellement elles sont mièvres, difficile de réellement reprocher autre chose que son manque de véritable originalité à Azumi. La fin nous suggère qu’une suite est tout à fait envisageable en laissant comme seul survivant le personnage interprété par Kazuki Kitamura, vu dans plusieurs des films de Takashi Miike. Etant donné que le manga ne s’arrête pas là, gageons qu’un autre très bon artisan ne tardera pas à prendre le relais de Ryuhei Kitamura. En attendant, on espère que ce dernier se montrera un peu plus qu’un simple mais doué artisan pour Alive, son prochain film à venir.
Azumi est sorti sur les écrans japonais le 10 mai 2003.
Site officiel du film : http://www.azumi-movie.jp/index.html



