Bad Boys 2
"Ouf ! On t’a troué le cul, pas la rondelle !" Mais que fait la MPAA ?
Huit ans après leur première collaboration, Marcus Burnett et Mike Lowrey reprennent du service, de l’ecstasy et des morceaux de Tango & Cash et Police Story, devant la caméra de Mr Big, aka Michael Bay.
Sous le soleil photogénique de Miami, Mike (Will Smith) est toujours un fanatique de la gâchette, tandis que Marcus (Martin Lawrence) tente de gérer le stress et les doses d’adrénaline que son coéquipier lui inflige quotidiennement. Une détérioration de leur "couple" qui ne s’arrange pas le jour où nos deux lascars tentent de venir en aide à Syd (Gabrielle Union) - la petite sœur de Marcus avec laquelle Mike fricotte sans oser lui avouer -, agent undercover à la poursuite d’un trafiquant de drogue cubain, machine à remonter les eighties du nom de Johnny Tapia (Jordi Nadie Conoce A Nadie Molla).
Same shit, different day : blagues plus ou moins racistes, mauvais goût à tous les étages, racaille attitude et destruction à (très) grande échelle. Un jour vraiment comme les autres à Vice City ? Pour les adeptes de GTA, peut-être ! Pour les autres...
"Michael Bay m’a violé les yeux, les oreilles et le cerveau. Et j’ai aimé ça !" - Aka..., euh Anonyme
C’est notre Torrente Wong préféré finalement, qui a le mieux résumé le nouvel excès de Michael Bay : "le Catégorie 3 ultime des films américains". Certes, mais un Cat III qui a tout de même coûté la bagatelle de 130 millions de dollars. C’est normal me direz-vous, puisque pour filmer un hors-bord par exemple, Michael Bay s’arrange pour faire intervenir un hydravion en arrière plan. La problématique étant pour chaque plan la suivante : "Comment ’décorer’ cette scène, de telle sorte à ce qu’elle coûte le plus cher possible ?" Le résultat est superbe pris plan par plan ; au niveau du montage Mark Goldblatt (réalisateur du Punisher avec Dolph Lundgren rappelons-le, mais aussi du merveilleux Dead Heat avec Treat Williams) fait ce qu’il peut pour trouver une cohérence, mais c’est une autre histoire.
Cat III donc, disait Torrente Wong. Ainsi une scène subtile du film - le "jet" de voitures depuis un camion pour tenter de ralentir nos deux héros - trouve un écho plaisant une bonne heure plus tard, les voiturés "jetées" étant remplacées par des cadavres, depuis une fourgonnette. C’est une illustration de choix mais il y en a d’autres : la conversation intime entre Mike et Marcus ("Depuis que tu m’as déchiré le cul, je n’ai plus d’érections") projetée sur tous les écrans d’un magasin de matériel vidéo, la scène de la morgue (au cours de laquelle Martin Lawrence et Will Smith tentent de concurrencer Anthony Wong dans sa période Daughter of Darkness), et bien entendu la scène "chaude" du film... entre deux rats, s’accouplant - que dis-je, besognant - non pas comme des animaux à proprement parler, mais en missionnaire !
Pearl Harbor déjà, laissait soupçonner que Michael Bay était parfaitement conscient d’abuser de ses moyens et de ses spectateurs ; Bad Boys 2 le confirme. Le rictus de Michael ne se devine plus, il se déforme en un large sourire. Entre grand spectacle et comédie putassière, le réalisateur navigue avec une aisance déconcertante - comme l’illustre la scène d’introduction, et ce tir dans les fesses de Marcus évoqué au début de l’article, qui alterne haute technologie (la trajectoire de la balle au ralenti) et comique troupier (Martin Lawrence qui louche en se faisant arracher un bout de chair de l’arrière train), sans sourciller. Une attitude pour le moins décontractée pour un film d’une telle ampleur, qui se retrouve tout au long du métrage, et en constitue même la véritable identité. Bad Boys 2 est tellement volontairement extrême et autoréférentiel en fait, que certains journalistes de nos illustres quotidiens nationaux n’hésiteraient certainement pas à dire de lui, que c’est "le premier Michael Bay post-Michael Bay". Je vous laisse réfléchir à cela quelques instants.
De "simple" (mais hénaurme) blockbuster, Bad Boys 2 devient donc une expérience mémorable, une véritable symbiose de technique explosive et d’humour bas de gamme. Les acteurs ne jouent pas vraiment, mais l’on remarque tout de même que Will Smith ralentit plus souvent le temps que son partenaire. Téa Leoni n’est plus de la partie (snif), mais Gabrielle Union (redoutable adversaire de Kirsten Dunst dans l’excellent Bring It On) est charmante. Peter Stormare en Russe vengeur (accompagné le temps de quelques scènes du tueur de ce petit chef-d’œuvre qu’est 15 Minutes), aurait mérité plus d’espace pour étaler son "C’est pour toi, Joseph". Henry Rollins et le reste des flics improbables du film sortent tout droit des murs de Oz ; à l’exception d’un Joe Pantoliano aux expressions tellement imagées, que même le Fletch de Chevy Chase peut rentrer se faire permanenter les poils des fesses. Martin Lawrence se caresse les tétons en prenant une pose lascive aux côtés d’une statue de Bouddha. Dan Marino himself nous revient quelques années après son passage dans Ace Ventura, Pet Detective. Will Smith offre un hommage certain à Philip Michael Thomas, vêtu de sa veste rose doublée en violet, tandis que Lawrence ose le "I smell dead people" dans les murs de la morgue. C’est honteux, c’est impressionnant, c’est splendide, bruyant, con et drôle.
C’est de l’entertainment tellement vulgaire que - et cette fois c’est J-Me que je cite - Bay deviendrait presque un familier de Verhoeven.
Car si Showgirls est un peu le Citizen Kane vulgaire du film de "prison de femmes", Bad Boys 2 est très certainement le Lawrence d’Arabie dégénéré et décadent du Buddy Movie black. Et face à des projections comme ça, je vous garantis qu’il n’y a pas qu’Agnès B. qui aime le cinéma !
Bad Boys 2 est sorti sur les écrans français le mercredi 15 octobre 2003.




