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Japon

Barber’s Sorrow

aka Rihatsuten Aruji no Kanashimi | Japon | 2002 | Un film de Ryuichi Hiroki | D’après le manga de Michio Hisauchi | Avec Tomorowo Taguchi, Mihoko Sunouchi, Akira Emoto, Seiji Chihara, Kaori Hifumi, Toshiki Ayata, Minosuke, Stela, Michio Hisauchi

Fétichiste. adj. des deux genres. [personne qui a focalisé son intérêt sexuel sur un objet, ou une partie du corps qui n’est pas considérée comme habituellement érogène...]

Suite à une expérience traumatisante durant sa jeunesse, un coiffeur a contracté une attirance sans limites pour les chaussures à talons aiguilles et pieds féminins... Alors qu’il rentre chez lui, par le même sempiternel trajet qu’il semble avoir emprunté toute sa vie, son train-train est foudroyé par la vision d’une superbe créature aux jambes sans fin. Il se décide un jour à la suivre, et découvre qu’elle est vendeuse dans un magasin de chaussures. Véritablement hanté par ce fantasme personnifié, il tente d’assouvir ses pulsions avec elle, mais cette dernière est la maîtresse d’un yakuza, client fidèle du coiffeur...

Pour son trente-cinquième film, l’excellent et sympathique Ryuichi Hiroki (Futei no Kisetsu, Tôkyô Gomi Onna) choisit d’adapter le manga érotique éponyme créé en 1995 par Michio Hisauchi. Comme à l’accoutumé, Hiroki nous entraîne dans un univers étrange peuplé de personnages hauts en couleurs, une sorte de monde merveilleux et effrayant, où douleur et plaisir sont intimement liés...

...prisonnier de ses fantasmes, c’est tel que nous apparaît cet homme calme et discret, un homme-enfant, transformé par une expérience éprouvante qui changea à tout jamais sa vision des femmes, magnifiées, devenues à la fois l’objet de ses craintes et de ses désirs les plus fous. Ce coiffeur est tout désigné pour être une éternelle victime ; victime de machinations, abusé par les autres, plus forts que lui... Sa vie est caractérisée par la solitude. Il vît seul, sans amis, enfermé dans cette cellule mentale, fabriquée par son esprit, cette recherche d’une identité - il n’a pas de nom, il est juste "le coiffeur" -, ce besoin d’exister aux yeux des autres, même si cette reconnaissance doit passer par la douleur...

Le fétichisme - l’un des thèmes de prédilection de Hiroki -, renvoie directement à Freud, selon lequel "le fétichisme serait une sorte de substitut au sexe disparu de la femme qui renvoierait au petit garçon sa propre peur de la castration (...)". Hiroki, fidèle à lui-même, mêle personnages fétichistes, sadiques, masochistes qui finalement, s’avèrent tous être faibles, à l’inverse de la jeune femme, qui se sert de son pouvoir de séduction à des fins machiavéliques...

...Rihatsuten Aruji no Kanashimi tient d’un étrange concept cinématographique, se noyant parfois entre un érotisme pudique et une sexualité crue, clairement affichée... Comme si Hiroki faisait sortir du plus profond de lui des souvenirs, des états d’âmes emprunts d’une nostalgie non dissimulée, et cet "amour" pour ce coiffeur, et qu’aussitôt il se sentait obligé de se voiler derrière une imagerie plus grossière, ouvertement plus sexuelle. Sans parler de ses sentiments, qu’il laisse transparaître le temps de quelques séquences - très belles -, et qu’il s’empresse de désamorcer par un humour un peu potache et graveleux, qui frôle parfois le mauvais goût - certainement par simple pudeur...

...mais Hiroki restera toujours Hiroki ! Cet humour, quelque peu étrange et très porté sur "la chose", fait partie de ses marques de fabrique, sans parler de ses "déviances" - j’emploie ici les guillemets, sinon ce ne serait pas très "Sancho" ! - préférées type bondage. Si Hiroki aime le sexe et tout ce qui tourne autour, il n’en reste pas moins un réalisateur qui aime profondément le genre humain, et il est capable de très belles choses lorsqu’il ose s’en donner la peine. Le coiffeur est un personnage magnifique, un homme en quête d’un amour improbable, totalement conscient de son fétichisme chronique... A la manière de la jeune Miyuki dans son film Tôkyô Gomi Onna, son coiffeur recherche l’amour à travers des objets - en l’occurrence ici, les chaussures féminines -, quitte à vivre cet amour par procuration, sans réellement le vivre...

Qui de mieux que l’immensément talentueux Tomorowo Taguchi pouvait endosser le rôle de ce coiffeur fétichiste ?! Grand habitué de l’univers de Ryuichi Hiroki (Maohgai, 800 Two Lap Runners, Tenshi ni Misuterareta Yoru), c’est également l’un des acteurs les plus prolifique de sa génération - plus de 135 long-métrages à ce jour. Grand ami de Shinya Tsukamoto depuis ses débuts - il joue dans tous ses films, hormis Yokai Hantâ Hiruko -, ses exploits vont de Tetsuo à Keimusho no Naka, en passant par Dangan Rannâ, Unagi, Andromedia, et j’en passe tellement la liste est longue ! Notez que le générique de fin - Only You - est interprété par Tomorowo et son groupe punk, les excellents Bochikaburi... A ses côtés on retrouve la ravissante Mihoko Sunouchi dans son premier rôle au cinéma, jeune aidoru de vingt-sept ans cette année que le public nippon a pu découvrir sur le petit écran dans des dorama tels Nâsu no Oshigoto 4 ou Ashita ga Arusa, et dans bon nombres d’émissions télévisées... Egalement au casting, dans le rôle du yakuza, le grand Akira Emoto (Revolver, Yûkai, Kanzo Sensei) qu’il est désormais inutile de présenter...

En nous contant l’histoire de ce coiffeur, Hiroki choisit de nous montrer un homme faible, sans cesse rabaissé par un entourage étrange et hétéroclite, tout droit sorti d’une vision fantasmagorique, d’un cauchemar sexuel invraisemblable... Notre anti-héros poursuit un but : celui d’assouvir son fantasme afin d’exorciser une peur enfouie au plus profond de son être, passage obligé qui le fera devenir un "homme"... y parviendra-t-il ? Laissez-vous entraîner dans cet univers baroque, entre farce et tragédie ; la réponse vous y attend...

DVD | KSS | NTSC | Zone 2 | Format : 1:1:85 - 16/9 | Images : Un pressage anamorphique sans le moindre défaut de compression, pour un rendu très cinéma (malgré tout on peut apercevoir quelques taches ci et là) | Son : Excellente stéréo, beaucoup d’ampleur.

Suppléments : Environ 14 minutes (yep ! c’est pas grand-chose !) réparties en un trailer, l’avant-première, mini interviews de Ryuichi Hiroki et des acteurs, talk-show avec l’équipe du film et un show case totalement génial où l’immense Ren Ôsugi (!!!) interprète une chanson armé d’une guitare et d’un harmonica - nous avons également droit à une chanson chantée par Kaori Hifumi...

Ce DVD ne comporte pas le moindre sous-titre.

Site Officiel du film: http://www.kss-movie.com/rihatsu

- Article paru le mardi 20 mai 2003

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