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Japon

Battle Royale 2

Japon | 2003 | Un film de Kinji Fukasaku & Kenta Fukasaku | Avec Ai Maeda, Shugo Oshinari, Tatsuya Fujiwara, Natsuki Kato, Riki Takeuchi, Aki Maeda, Beat Takeshi (Takeshi Kitano), Sonny Chiba

//ATTENTION SPOILERS !

Suite au succès international de Battle Royale (BR), le premier du nom, c’est avec un certain scepticisme que l’annonce d’une suite a été reçue, du moins de ma part. Mais l’énergie déployée par Kinji Fukasaku à finir ce film - ce qu’il ne parviendra pas à faire, et c’est son fils qui finira le film après son décès le 12 janvier 2003 -, avait fini de nous convaincre qu’il y avait au moins une bonne raison de croire à Battle Royale 2.

Le film s’ouvre sur des tours dynamitées de Tokyo s’écroulant sur elles-mêmes, et notamment les impressionnantes tours jumelles de la mairie de Tokyo. Peu après, un groupe terroriste appelé Wild Seven et dirigé par Shuya Nanahara, l’un des deux survivants de BR, revendique l’attentat. Le groupe dit combattre les gouvernements corrompus et vouloir redonner de l’espoir et une vie décente à tous les enfants du monde. Face à cette attaque, le gouvernement, comble de machiavélisme, décide de relancer le programme BR dans une version légèrement modifiée. Cette fois, une classe sélectionnée au hasard, ou presque, doit se rendre sur l’île où est réfugié le groupe terroriste et leur mission est de massacrer les dits terroristes. S’il ne s’agit plus de s’entretuer, le principe du jeu reste assez similaire au programme BR. Les étudiants disposent de colliers explosifs mais sont cette fois réunis par binômes (idée par ailleurs totalement sous-exploitée). Si l’un des binômes meurt, il en est de même pour l’autre. De plus, les membres d’un binôme ne peuvent pas s’éloigner de plus de quelques mètres l’un de l’autre. Parmi les étudiants, se trouve Shiori Kitano qui se trouve être la fille de Kitano, l’instructeur et professeur de BR. Elle s’est infiltrée dans la classe afin de venger la mort de son père. Quant au professeur qui devient instructeur, il s’agit cette fois de Riki Takeuchi.

BR2 offre un début tout simplement spectaculaire. Une vue générale des principales tours de Tokyo s’effondrant est un spectacle à couper le souffle, d’autant que le souvenir des tours du World Trade Center à New York nous revient vite à l’esprit. Parallèle d’autant plus probant qu’il s’agit, dans le film comme dans la réalité, du résultat d’une attaque terroriste. Une séquence que l’on reverra plus tard dans le film et dont l’impact est d’autant plus fort - et surtout très équivoque -, que jamais le film ne condamne l’acte barbare et qu’au contraire il tend à glorifier les terroristes (métaphore de la jeunesse opposée aux adultes, c’est-à-dire ici le gouvernement). Ensuite, le film reprend presque à l’identique les premières minutes de BR. Une classe en voyage d’école est kidnappée et les élèves sont enrôlés de force. L’instructeur est leur propre professeur qui ne tarde pas à dévoiler son côté obscur et violent de psychopathe. Comme dans BR, les élèves finissent à se rendre à l’évidence qu’ils n’ont d’autre choix que de participer au "jeu" s’ils ne veulent pas mourir (ce qui arrive à un des élèves récalcitrants, pour l’exemple).

BR2 continue sur la bonne voix en filmant avec une réelle virtuosité l’assaut de l’île par la classe à partir de petites vedettes d’assaut (même s’il y plane l’ombre de Il faut sauver le soldat Ryan). Le débarquement est d’une incroyable violence, le sang et les cris se mêlent aux explosions, aux gerbes d’eau et de terre. Visuellement l’impact est très fort avec des effets stroboscopiques qui ajoutent au réalisme et au sentiment de brutalité. La mort dans ce qu’elle a de plus violent, est filmée telle quelle et les images ont quelque chose d’éprouvant. Si les pertes à dénombrer chez les étudiants sont nombreuses (comme dans le film précédent, les morts sont comptabilisés et inscrits à l’écran), on remarquera que l’impression de carnage, ainsi que la charge dramatique, est ici bien plus forte que dans l’image des tours s’effondrant et où le nombre de victimes a dû être considérablement plus élevé. Pourtant, dans un cas comme dans l’autre, les victimes sont innocentes. Un parti pris pour le moins douteux qui, comme d’autres moments du film, est pour moi le principal reproche, et non des moindres, que je ferais.

C’est à partir du moment où les élèves survivants rencontrent enfin le groupe terroriste et finissent par s’allier à ce dernier que BR2 sombre dans l’ennui, si ce n’est le ridicule. Tatsuya Fujiwara, qui interprète Shuya, est incapable de donner une quelconque force à son personnage qui n’est plus, en terme de qualité d’interprétation, que l’ombre de ce qu’il était dans BR. Son groupe terroriste est une bande de jeunes gens, voire d’enfants, dépenaillés dont le repère est une sorte de bidonville/squat d’artistes. Shuya joue trop sur l’image ringarde et romantique du rebelle - sans compter d’autres terroristes telle que la jolie sniper -, et n’apparaît pas une seule fois le moins du monde convaincant, ni même un tant soit peu crédible - pourquoi ces insupportables bougies partout ?

Comme dans BR, le film marque un temps d’arrêt et les longueurs s’accumulent pendant que Riki Takeuchi s’empiffre de médicaments et que sa santé mentale en prend un sérieux coup. Le film offre même des flashbacks d’images de fin de conflits en Afghanistan ou ailleurs, d’enfants souriants jouant sur des ruines et des carcasses de véhicules militaires. Images qui apparaissent particulièrement mièvres et mal exploitées. Elles évoquent les rêves louables mais trop détachés de la triste réalité du monde de ces enfants - en contraste avec la barbarie dont ils sont capables -, et s’intègrent mal au récit, si ce n’est en renforçant son côté sentimental et candide, voire tout simplement voyeuriste.

Evidemment, il est toujours question d’amitié et de ce que chacun est prêt à faire pour sa propre survie. Mais le film tente à plusieurs reprises de rendre le propos plus politique avec de nombreuses références à l’actualité. Chose à laquelle il échoue complètement et la superposition de jeunes rebelles, de terrorisme, d’espoir, d’utopie, de carnages et de conflits prend une allure pour le moins douteuse. Une bouillie idéologique et des amalgames peu judicieux dans un film qui hésite entre prétention politique et simple film d’action, pour au final instaurer le doute et l’incompréhension. Les actes violents des jeunes rebelles et leur absence de projet d’avenir les classent définitivement dans le camp des terroristes et non dans celui des utopistes. Difficile alors d’éprouver une quelconque sympathie pour eux.

Reste alors ce qui semble être le regard désabusé et cynique de quelqu’un qui ne croit ni au présent ni au futur. Mais la fin viendra contredire cela, ne faisant qu’ajouter à la confusion et au doute sur les intentions réelles du réalisateur. A moins que BR2 ne soit qu’un acte de pure provocation gratuite, mais même dans ce cas, encore aurait-il fallu aller au bout des choses. Fukasaku prétend avoir voulu faire réfléchir les gens et aller battre Hollywood sur son propre terrain en montrant des choses qu’un film américain ne pouvait se permettre de montrer. Personnellement, je pense que c’est faire bien peu de cas de l’intelligence des spectateurs que de croire qu’il faille à ce point les choquer pour les faire réfléchir.

La suite est à l’avenant. Outre les bien piètres interprétations des acteurs, les élèves surtout, le film perd en impact et en violence. Certes, on a encore le droit à des scènes de combats époustouflantes lorsque le gouvernement décide de donner l’assaut final, mais les discours récurrents de chacun des personnages agonisants sont particulièrement agaçants et irréalistes. La corde tragique et lacrymale (selon un credo du type vive la jeunesse, la beauté et l’amitié) est tirée sans cesse, sans évidemment ajouter ni crédibilité ni réelle consistance au film. Le summum de l’absurde est atteint lorsque Riki Takeuchi, dont on apprend que sa fille est morte lors de l’explosion des tours et qu’il porte lui aussi un collier - ce qui fait de lui une victime manipulée comme les autres -, débarque sur l’île. Il se présente en tenue de rugbyman à quelques uns des survivants (la classe avait fait un match de rugby lors de leur voyage avant d’être kidnappée). Il leur explique le pourquoi du comment avant de sauter comme pour marquer un essai et atterrir au moment où son collier explose, en même temps que le repère piégé des terroristes... Une prestation où l’acteur ne cesse de sur-jouer et qui me fait penser à l’interprétation de Goro Kishitani dans Returner. On peut détester comme on peut y voir un humour noir et totalement absurde, qui sans vraiment coller au film est plutôt plaisant.

J’hésite à vous dévoiler la fin mais sachez que le nombre de survivants est évidemment plus que limité et que Shiori finit par rejoindre la Cause. Je tiens aussi à vous dire que c’est l’une des fins les plus exécrables qu’il m’ait été donné de voir. Evidemment les évènements qui ont accompagné le tournage de BR2 rendent difficiles l’appréciation du film. Mais avouons aussi qu’au côté de véritables chefs-d’œuvre, Kinji Fukasaku n’a pas toujours fait dans le meilleur. BR et son contenu à la fois simple et efficace, mais non dénué d’un regard critique sur la société japonaise avait réussi à convaincre le monde du génie de ce réalisateur qui restait jusque là très méconnu. Avec BR2, c’est l’inverse qui risque de se produire. Trop prétentieux, le film ne se donne pas les moyens de ses ambitions. Trop de sentimentalisme, de mièvrerie et de longueurs pour un film d’action, il est d’un autre côté trop superficiel et caricatural pour un film plus politique. Les acteurs sont de plus parfois à la limite de l’exécrable - rien à voir avec les performances impressionnantes de BR. Au final il ne reste pas grand chose à tirer de cette séquelle. Et on parle d’un BR3 ?

Battle Royale 2 est sorti le 5 juillet 2003 sur les écrans japonais.

Site officiel : http://br-new.jp/index.html

- Article paru le lundi 14 juillet 2003

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