Bend It Like Beckham
Jess - de son patronyme complet Jesminder Bhamra - fait le désespoir de ses parents, Sikh orthodoxes avides de traditions. Alors que se prépare le mariage de sa soeur Pinky, Jess ne fait aucun effort pour s’intéresser aux festivités, rythmées en amont par un travail vestimentaire et culinaire acharné. Pire encore, elle entâche l’honneur de sa soeur et de sa famille en vouant un culte à David Beckham et au ballond rond... Car oui, Jess ne vit que pour le foot, sport dans lequel elle excelle. Vous sentiriez-vous concerné par le choix d’un sac à main si vous pouviez tirer comme Beckham ? C’est le cas de Jess, et son talent ne passe pas inaperçu aux yeux de Jules, elle-même attaquante de choix des Hounslow Harriers - une équipe féminine de football - qui va convaincre Jess de la rejoindre sur le terrain. Incapable de convaincre ses parents de l’intérêt de s’addoner aux joies de la pelouse, Jess va exercer sa passion en cachette, exhibant - Mon Dieu ! - ses jambes aux yeux de tous tel un garçon, allant même jusqu’à partir en cachette en Allemagne pour participer à un championnat...
"Sleeper" (succès surprise) de l’année 2002, en Angleterre comme partout dans le monde, Bend It Like Beckham est une synthèse étonnante de culture indienne et anglaise autant que de deux genres cinématographiques hautement codifiés : le conflit de générations "à la Bollywood" et le film de sport à l’américaine. Le film en effet, juxtapose habilement plusieurs trames narratives, de la préservation de traditions imposées au quiproquo lesbien, en passant bien sûr par la trame sportive qui donne son titre au film.
D’un côté, la famille de Jess et la communauté indienne qui gravite autour du marriage de sa soeur, servent de moteur "Bollywood" au film. Ce sont eux qui portent l’héritage culturel d’un pays et de son cinéma, offrant au film ses préoccupations religieuses, d’apparence, mais aussi ses moments de fête et ses improbables erreurs de jugement (à cause des cheveux courts de Keira Knightley et des amitiés féminines de Jess). D’un autre côté, les Hounslow Harriers et leur entraîneur Joe, ancien jouer blessé d’origine irlandaise, "réduit" à coacher une équipe féminine amateur, apportent la dimension sociale propre à la comédie dramatique anglaise. Des sportives de toutes les couleurs, un jeune homme meurtri par un père trop exigeant, l’intégration des Irlandais en Angleterre... L’iconoclaste équipe féminine complète la famille Bhamra et ses proches autant qu’elle offre un parallèle évident à leurs discours de traditions et de volontés partagées - les deux finiront d’ailleurs par se rejoindre indirectement par le biais de leurs figures "patriarcales" respectives, au terme de l’histoire. Le terrain de foot par ailleurs, est aussi celui du dénouement d’une intrigue sportive, et d’un conflit amoureux entre nos deux héroïnes. Difficile d’offrir un film plus riche...
Et tout ceci comme il se doit, est parfaitement humain sans le moindre recours à la violence ou la vulgarité. Gurinder Chadha (préssenti pour réaliser le remake de My Sassy Girl) navigue allégrement entre différentes approches cinématographiques parfaitement assimilées, sans jamais perdre de vue aucun de ses protagonistes. La réalisation est splendide de discretion et d’éfficacité, et la direction d’acteurs fait honneur à l’ensemble des prestations - en tête desquelles Parminder Nagra et Keira Knightley sont toutes deux remarquables. Bend It Like Beckham est un film merveilleux dans sa simplicité maîtrisée ; Gurinder Chadha y opère une symbiose parfaite d’intelligence de discours (entre morale familiale et valorisation de nos héritages) et de fiction sportive. Chapeau !
Bend It Like Beckham est disponible en DVD un peu partout dans le monde et c’est tant mieux !


