Bet on My Disco
Il faut bien avouer que, de nos jours, rares sont les films que l’on peut véritablement qualifier de "tous publics" : le public visé est soit tellement juvénile qu’il prend tout gamin de plus cinq ans pour un demeuré, soit tellement plombé par la vulgarité, le sexe et/ou la violence qu’il devient difficile de le montrer à un enfant de moins de quinze ans sans contribuer à l’accélération hâtive de son éducation "sociale". Bien loin de moi l’idée de tenir un quelconque discours moralisateur - je suis moi-même tellement friand d’exploitation, de pipi-caca-prout et de violence que je serais mal placé pour juger qui que ce soit. Seulement, parfois on apprécie un bon divertissement à la Blues Brothers : à savoir absolument sain, à tout point de vue. Bon enfant, léger, drôle et intelligent à la fois. Sans être un chef-d’oeuvre, Bet on My Disco fait partie de cette espèce cinématographique en voie de disparition.
Haejok occupe sa dix-huitième année comme il peut. Dans le quartier pauvre de Séoul dans lequel il vit, au début des années 80, il passe son temps à se battre, aux côtés de ses camarades Song-Gi et Pong-Pal. Un jour qu’il se promène en vélo, Haejok croise une jeune fille qui lui tape dans l’oeil. Pas plus éveillé que ça au sentiment amoureux, notre héros peine dans un premier temps à expliquer la désorientation soudaine, le creux dans l’estomac, la gorge nouée.
Cette attitude endormie caractérise bien notre trio de losers : bien que toujours ensemble, les trois compères ne savent pour ainsi dire rien les uns des autres. C’est pourquoi, lorsque Pong-Pal manque à l’appel plusieurs jours d’affilée, ses amis décident de se rendre chez lui. En réalité, le père de Pong-Pal, qui travaille en tant que videur de fosses sceptiques, a eu un accident qui l’empêche de travailler. C’est donc Pong-Pal qui se colle à la sale besogne pour subvenir aux besoins de sa famille. Pour payer les soins médicaux du père, la soeur du malheureux décide de travailler dans un établissement voisin, plus ou moins en tant qu’ "escort girl". Bien sûr, Pong-Pal refuse de laisser sa soeur s’abaisser de la sorte. Il tente de la récupérer des mains du propriétaire de l’établissement mais se fait tabasser. Lorsque Haejok apprend que la frangine, prénommée Pong-Ja, n’est autre que l’élue de son coeur, il se rend lui-même sur place pour laisser parler ses poings. Seulement la demoiselle n’y est plus, "rachetée" par le propriétaire de la discothèque d’en face. Les négociations commencent de façon brutale, mais pour une fois Haejok ne parvient pas à prendre le dessus. Afin de sortir Pong-Ja de cette situation facheuse, il devra remporter le tournoi de disco qui se tiendra quelques semaines plus tard...
Bet on My Disco commence comme beaucoup de comédies coréennes impliquant de près ou de loin des gangsters, à savoir avec une bagarre et une ou deux courses-poursuites à pied. Seulement ici, point de style outrancier, aucun effet de ralenti ou même de montage hystérique, à grand renfort de mouvements de caméra improbables. Plutôt que de jouer la carte du tape-à-l’oeil, Kim Dong-Won pose tranquillement le décor de l’action, filmant de façon non spectaculaire un combat qui comporte pourtant quelques mouvements remarquables. De cette façon, le réalisateur installe très rapidement un climat convivial, très "vie de quartier", dans lequel la vie suit tranquillement un cours difficile, n’épargnant personne. Pas besoin de déformer l’action pour nous faire sentir le poids d’une réalité sociale pas reluisante. Et pourtant, Kim Dong-Won n’en profite jamais pour se laisser aller à la larmouille, se contentant d’exposer les choses pour ce qu’elles sont. D’une certaine façon, avant de s’orienter vers le disco, Bet on My Disco est donc plus empreint de blues que de déhanchements incontrôlés ; les personnages sont teintés de tristesse sans être malheureux, souriants sans être joviaux.
Ces personnages d’ailleurs, Bet on My Disco prend le temps de nous les présenter, calmement, asseyant l’authenticité de leur routine, de leurs préoccupations, du choc amoureux de Haejuk. Ce n’est que très tard dans la narration que le film s’oriente vers un burlesque toutefois discret, à l’image du reste du film, par le biais de l’apprentissage de la danse par notre héros au grand coeur. Un petit conflit dans lequel n’intervient aucun véritable méchant ; une querelle qui sort tout le monde de son quotidien et offre à Haejuk la découverte de la libération par le mouvement rythmique désordonné : la révélation tardive de la mentalité disco.
Mignon sans être niais, drôle sans être vulgaire, émouvant sans être racoleur, Bet on My Disco n’est pas démesurément original mais a au moins le mérite de couvrir une gamme complète d’émotions authentiques, jamais exacerbées. Et gagne ainsi sereinement ses jalons de film familial, sympathique et idéal pour regrouper plusieurs générations devant une même projection.
Bet on My Disco est disponible en DVD coréen chez Enter One : copie anamorphique sous-titrée anglais, accompagnée de nombreux suppléments (making of, trailers, clips...).


