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Japon | Festival du film asiatique de Deauville 2011

Birth Right

aka Birthright - Saitai - Umbilical Cord | Japon | 2010 | Un film de Naoki Hashimoto | Avec Sayoko Oho, Miyu Yagyu, Ryoko Takizawa

C’est au terme de plusieurs jours d’observation silencieuse d’un couple marié et de leur fille, que Mika se décide à aborder cette dernière, la jeune Ayano, sur le chemin de l’école. Prétextant servir de messagère à un garçon épris de l’écolière, Mika entraîne Ayano jusqu’à la voiture supposée du prétendant. Elles attendent l’amoureux quelques minutes, en vain, jusqu’à ce que Mika se décide à passer les menottes à la jeune fille, la bâillonner et lui bander les yeux, et l’emmène dans un local désaffecté. Sans piper mot, Mika s’enferme avec sa victime dans la pénombre, pour partager sa privation d’eau, nourriture, et échange humain. Le deuxième jour de ce siège muet, Mika envoie un message à la mère de sa captive : « je vais détruire ce que tu as de plus précieux ».

Alors que l’hyper réalité ne cesse de transformer la majeure partie des films contemporains en autant de bandes démo destinées au calibrage de systèmes audio-vidéo enclins à l’esbroufe – mal nécessaire de la démocratisation de la haute définition -, la programmation de la dernière édition du Festival du film asiatique de Deauville avait le mérite de mettre en avant plusieurs œuvres capables d’assumer le silence en guise de bande son, terrain propice à l’expression induite de sentiments variés. Ainsi l’adaptation par Tran Ahn Hung de La Ballade de l’impossible de Haruki Murakami, puise-t-elle dans ses silences assourdissants la force d’une intimité amoureuse, autant que la réalité de solitudes partagées en vase clos, sur lesquelles nous reviendrons prochainement dans ces pages. Plus dépouillé mais non moins cinégénique, Birth Right - premier long métrage de Naoki Hashimoto à qui l’on doit, entre autres, la production de l’incroyable Tony Takitani – fait pour sa part du silence un espace d’incompréhension et d’appréhension, destructeur d’intimité et d’humanité. Hashimoto, fin nihiliste, ne se contente pas d’y désavouer le dialogue, puisqu’il y contraint de plus le jeu d’acteur – ou d’actrices, en l’occurrence - à s’incarner dans l’immobilisme inexpressif. Quelque part, Birth Right existe donc dans un espace de cinéma unique, communion radicale de fond et de forme, qui s’emploie à détruire ce que le médium a de plus précieux.

Dès le premier plan du film en effet, Hashimoto contraint son actrice principale, Sayoko Oho, à s’affranchir de toute émotion explicite. Assise dans une voiture sous la pluie, scrutant l’horizon de ses pensées, Mika ne dégage une tristesse que par la superposition de larmes d’emprunt sur son visage, la caméra l’observant longuement au travers de l’eau perlant sur son pare-brise. Tout au long du film, Mika semble ainsi défier aussi bien Ayano que le spectateur de percer sa carapace de solitude, enveloppe inexpressive qui ne faillit qu’en quelques éclats de violence – et un ultime élan d’humanité spontanée -, à laquelle seule la mise en scène peut donner forme. Face à elle, Ayano a tôt fait de voir la vitalité de sa jeunesse s’éteindre, sa terreur hystérique réduite à une apathie amorphe, sa corporalité chaque jour amoindrie. Et puisque la lumière ne saurait éclairer cette double captivité, Birth Right parvient, in fine, à marginaliser toute forme de vie à l’écran.

Cette mise en scène de l’extinction de vie fait écho à l’abandon qui siège au cœur du film, dans un flash back peut-être trop appuyé, de Mika par sa mère. Une femme qui, tout au long du métrage, s’enferme elle-même dans le silence du secret, confronte le refus d’une maternité au désir d’en conserver une autre. Tant et si bien que, sous le poids inavouable du péché originel, elle se terre dans l’attentisme, s’autodétruit dans un élan en creux, reflet du supplice que Mika s’impose autant qu’elle l’inflige. Birth Right croule ainsi sous une contagion nihiliste, prolongement tardif de la négation de l’enfance et de l’affection. Et bien que, dans un naturel imprévisible, la vie tente de reprendre le dessus, Naoki Hashimoto préfèrera l’enterrer définitivement, dans une étreinte à la symbolique terrifiante. Exercice jusqu’au-boutiste s’il en est, résolument brutal bien que dénué de la moindre violence graphique, Birth Right est l’écrin remarquable de sa propre meurtrissure, irrésorbable.

Birth Right a été diffusé au cours de la 13ème édition du Festival du film asiatique de Deauville (2011), en compétition officielle.
Personnellement, je lui aurais bien attribué un prix ou deux.

- Article paru le mercredi 16 mars 2011

signé Akatomy

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