Black House
Jeon Juno décroche un travail d’inspecteur des fraudes pour une compagnie d’assurances coréenne. Hanté par le suicide de son frère lorsqu’ils étaient enfants, Jeon Juno pêche par son implication personnelle au travail, qui va à l’encontre de la politique interne de sa société. Un jour, un client mécontent de son interlocuteur actuel, demande à ce que Juno soit assigné à son dossier. Se rendant au domicile du dénommé Park Chung-Bae qu’il ne connaît ni d’Eve ni d’Adam, Juno découvre le fils de celui-ci pendu dans sa chambre. La police conclut au suicide mais l’inspecteur lui, est persuadé que Chung-Bae a assassiné son fils pour toucher sa police d’assurance ; et il redoute que sa femme, assurée pour une somme beaucoup plus importante, connaisse un sort similaire. Son enquête va marquer pour Juno le début d’une descente aux enfers. Chaque jour à 15 heures, Chung-Bae – un homme visiblement capable de se trancher un doigt pour réclamer de l’argent – se présente à son bureau pour lui réclamer le paiement de la police de son fils décédé...
Le suicide du petit frère de Jeon Juno, la mort du fils de Park Chung-Bae... c’est certain, Black House n’y va pas par quatre chemins et ploie, dés ses premières images, sous l’ombre de la mort. Shin Terra se lance avec cette première réalisation, thriller macabre à renvoyer au placard la quasi-totalité des films d’horreur coréens post-A Tale of Two Sisters, dans l’adaptation du roman de Kishi Yusuke, déjà porté sur les écrans nippons en 1999 par Yoshimitsu Morimita. Une sombre histoire d’interférence malheureuse de la part d’un homme blessé, qui aboutit à une rencontre insoupçonnée avec un tueur en série... Le transfert de contexte, de la simple enquête policière vers celle, simplement humaine, d’un inspecteur des fraudes, est pour beaucoup dans la réussite inattendue de Black House, puisqu’elle permet de créer la surprise au sein d’un schéma classique.
Black House est affaire de perception : celle de son héros malgré lui, Juno, qui jauge son quotidien et celui des gens qu’il côtoie à la lumière de sa propre douleur. Si l’on suit Shin Terra sur la voie de la culpabilité potentielle de l’effrayant Park Chung-Bae, c’est certes parce que, sur la base de sa propre expérience, Juno le pense capable du meurtre de son fils adoptif, mais aussi parce qu’aucune autre image du paternel ne nous est proposée. En restreignant la narration du film au processus d’implication et de compréhension progressif de son héros, le réalisateur parvient à limiter notre univers de possibles à ses seules suppositions. Aussi, lorsque Juno ressent une émotion, sommes nous enclins à faire de même. Et ici, sous nos rétines marquées par l’apparition pourtant fugace de la maison éponyme, irrégularité architecturale remarquablement dérangeante, c’est principalement de crainte, de douleur, de colère et d’effroi qu’il s’agit.
Les émotions positives en effet, sont aux abonnés absents de ce sanglant thriller, teinté de slasher eighties dans l’une des ses faiblesses, sa fin multiple. Black House part de zéro pour atteindre rapidement un gouffre négatif, plongeant dans sa seconde moitié au cœur non pas de l’âme, mais justement de l’absence de l’âme d’un véritable monstre. Celui-là même qui œuvre sous le plancher de la maison sombre, dans un décor infernal qui est sans doute la plus grande star du film, terrain d’agonies implicites dans la veine des Silent Hill. Dans cette exploration de l’abîme humain, Shin Terra fait preuve d’une grande violence, morale et graphique, autant que d’une certaine intelligence en délaissant les excuses, les justifications et autres twists réducteurs. Et tout du long, Jeon Juno reste un protagoniste atypique, constamment au bord d’une rupture que l’on saisira dans les derniers instants. Tout cela contribue à faire de Black House un film négatif de bout en bout, qui se situe au-delà de la noirceur et de la mort qui hantent ses moindres recoins, sans que rien, pas même la beauté de Yu Seon qui reste constamment froide, ne vienne éclairer sa sombre et fascinante surface.
Black House est disponible en DVD coréen, sous-titré anglais, chez CJ Entertainment, mais aussi en DVD zone 1 chez Genius Entertainment.


