Black Leopard M
1974, la guerre fait rage entre les studios japonais, principalement les deux mammouths Toei et Nikkatsu. La Nikkatsu vient de trouver son salut avec les Roman Porno et la Toei vient de répliquer avec ses films de Pinky Violence. Si les Roman Porno restent inégalés en terme d’érotisme, il faut bien avouer que personne ne fera mieux que la Toei en ce qui concerne le mélange sexe/violence avec des personnages féminins forts (en dépit des efforts de la Nikkatsu avec ses New Action dont notamment la série des Stray Cats Rock qui ne sont pas spécialement centrés sur une héroïne). Il n’y a qu’à citer la série des Sasori ou l’éphémère Zero Woman (je ne parle pas des années 90) ou des stars comme Miki Sugimoto, Meiko Kaji ou encore Reiko Ike pour fixer les idées. Peu présente sur le terrain du genre, la Nikkatsu tentera tout de même de répliquer. Tardivement, ce seront des films tels que la série des Angel Guts ou encore Alligator Police Branch (Wani Bunsho - Metropolitan Police Branch). Cependant le présent Black Leopard M, qui au passage « emprunte » Reiko Ike à la Toei, apporte une réponse de la part de la Nikkatsu dès 1974.
M (Reiko Ike) a pour mission de tuer un homme d’affaire véreux en instance de divorce et ayant eu une fille de son mariage. Alors qu’elle épie ce dernier, M est amenée à sauver la vie de sa fille. Mais cela ne l’arrêtera pas dans sa mission, doit-elle pour cela mettre sa propre vie en danger.
Black Leopard M ne fait pas spécialement dans l’originalité, du moins sur le fond, pour qui est familier avec le genre. D’abord un scénario extrêmement simple : une série de tentatives de meurtres avortées qui permettent de mieux appréhender les personnages, puis un gros affrontement qui laisse notre héroïne blessée avant le climax final. Ensuite une construction très classique pour le genre, et des acteurs que l’on a déjà souvent vu traîner dans ce type de films. Néanmoins, en dépit de cela, Kurahara parvient à apporter le petit plus qui fait la différence. Évidemment, avec Reiko Ike dans le rôle de M, une partie du travail était déjà faite, cette dernière se suffisant presque à elle-même. Mais c’est surtout par ses multiples petites touches inventives que Kurahara donne à Black Leopard M un ton singulier.
Évidemment tout cela est enrobé dans du drame (M se réfugie fortuitement chez la femme de sa cible et devient l’amie de sa fille) et de l’action. Sur ce dernier point, Kurahara fait la part belle à une certaine violence, sans aller jusqu’aux excès coutumiers de la Toei. Il ajoute de plus d’étranges scènes, où il utilise parfois le fish-eye pour nous montrer ce que voit M, qui nous transportent un instant dans le cinéma de genre hongkongais des années 70, avec son karaté à l’air de kung-fu très déconcertant mais très plaisant.
Le piment est surtout à trouver dans de nombreux détails qui donnent au film une atmosphère singulière, avec effets de caméra, découpage dynamique des scènes et travail sur le visuel très intéressant (en passant, je me demande si la tenue blanche avec un grand chapeau blanc n’est pas un clin d’œil à Nami/Sasori).
Reiko Ike est parfaite dans le rôle de M, même si elle ne constitue pas un personnage à la très grande originalité. On retrouve le mutisme mutin de ces héroïnes japonaises, qui savent parfois se montrer compatissantes, capables d’aimer mais jamais faibles. Curieusement, le film ne donne aucun élément sur les motivations de M - la mission reste sans véritable motif si ce n’est un ordre, l’identité de son commanditaire et le bouclage sur lui-même du film donne le sentiment qu’aucune suite n’était envisagée.
Sorte de coup d’essai plutôt réussi, il manque peut-être à Black Panther M une certaine radicalité par l’absence de thèmes provocateurs, de méchants véritablement sadiques, et de la vengeance comme moteur (on n’a pas trouvé mieux).
Black Panther M est disponible en VHS au Japon, sans sous-titres.





