BloodRayne
Au XVIIIème siècle en Roumanie, Rayne, dhampir de son état, parvient à s’échapper de la foire ambulante dans laquelle elle est retenue prisonnière, ses pouvoirs de régénération à base d’ingestion de sang transformés en spectacle. Vouant une haine innée aux vampires, elle se remémore au contact d’une diseuse de bonne aventures, que sa mère, humaine, a été violée puis tuée par Kagan, dont elle apprend qu’il est le roi des seigneurs de la nuit. Rayne se met en quête de puissants artefacts qui lui conféreront les pouvoirs nécessaire à sa victoire contre ce père qu’elle veut tuer à tout prix ; reliques protégées par l’ordre de Brimstone, une caste de chasseurs de vampire, dont Rayne ne va pas tarder à croiser le chemin sous les traits de Vladimir, Sebastian et Katarin. Vladimir et Sebastian forment la belle au combat, heureux de la compter dans leurs rangs. Katarin elle, redoute que l’arrivée de la dhampir ne marque la fin de Brimstone...
La présence d’Uwe Boll à Paris pour la quinzième édition de l’Etrange Festival est un prétexte idéal à la redécouverte de sa filmographie polémique, au zénith de laquelle trône la première adaptation du jeu de Majesco. Filmé en Roumanie avec une pléthore d’acteurs de renom, BloodRayne délaisse la lutte contre les nazis de ses déclinaisons vidéoludiques, pour se concentrer sur l’avènement de la créature mi-femme mi-démon, suivant un scénario de Guinevere Turner (American Psycho).
Longtemps classé au panthéon inversé des 100 plus mauvais films de l’histoire, BloodRayne n’en méritait pas tant. Pas que le film soit bon – il porte un incroyable fardeau dans la platitude de sa réalisation et de son montage, et redéfinit l’absence de direction d’acteurs -, mais il convient d’emblée d’admettre que celui-ci n’est jamais pénible, caractéristique de la générosité fauchée d’un Boll conscient d’optimiser l’équation effort/rentabilité qui continue aujourd’hui de faire son succès, et de lui donner la liberté rare de financer lui-même les projets qui l’intéressent. A savoir que BloodRayne jouit d’une image léchée, d’acteurs de prestige bien qu’en déroute pour la plupart, et d’effets visuels plus que respectables.
En sa défaveur donc, la prestation anémique de Michael Madsen (sa coiffure ne l’aide pas), qui traverse le métrage s’en s’y intéresser, l’exaspération palpable d’un Ben Kinglsey paraffiné, la conscience de Michelle Rodriguez de n’être jamais exploitée. Udo Kier tout de même, s’en sort comme toujours avec les honneurs ; il faut dire que l’homme est un habitué des rôles éphémères, et qu’il sait comment aborder un personnage sans ampleur. Billy Zane aussi, dans ses quelques minutes à l’écran, cabotine à merveille, et est presque le seul à réciter son texte comme s’il faisait partie d’un tout. Oublions Meat Loaf, que l’on préférait voir écraser Edward Norton contre sa poitrine dans Fight Club, et intéressons-nous au cas Kristanna Loken.
Magnifique, of course, l’intérprète de Rayne est un mixed bag de bonnes et mauvaises choses. Physiquement, elle représente parfaitement l’héroïne racoleuse de Majesco. Emotionnellement, c’est une autre histoire, que résume parfaitement Katarin dans son duel improvisé, tout en léthargie, contre la dhampir : tout chez elle manque de passion, si l’on excepte sa courte nudité. L’actrice traîne littéralement des pieds au cours de certains combats, certainement dans le but de laisser Boll se rincer l’œil, tous deux conscients que la plastique de l’actrice est indéniablement sa plus belle carte à jouer. Les combats mettant en scène les compétences limitées de l’actrice s’enchaînent, autour d’une trame délivrée avec un manque d’intensité directement hérité de la narration par cutscenes des jeux de l’époque (2003), sauvés par d’abondants effets sanguinolents du plus bel acabit. La réalisation s’efface, le montage, mécanique, plombe toute possibilité de dramatisation, et c’est une certaine neutralité indolore qui l’emporte sur une véritable nullité ; l’affirmation d’une désinvolte recette de rentabilité, sans implication.
Au terme de son parcours guerrier quelque peu lymphatique, la belle Kristana Loken s’assied sur le trône de feu Ben Kingsley, couvert de honte sur plusieurs générations, offre à Uwe Boll l’occasion de scruter une nouvelle fois son visage superbe, et revient avec un manque flagrant d’expression sur les évènements qui ont précédé sa victoire en demi-teinte. S’en suit un montage, opportuniste, de redites peu significatives de l’action écoulée, avec un accent très marqué sur les scènes les plus gore du film, dont un certain nombre sucrées au montage. Non seulement Uwe Boll trouve là le moyen d’intégrer les scènes coupées de BloodRayne dans son montage final, mais lorsque l’on revient sur Kristanna et que s’esquisse sur ses lèvres une certaine connivence, on comprend qu’elle est partagée par le réalisateur d’Amoklauf, pour qui la narration de cette aventure ne représentait pas grand chose, simplement content d’avoir filmé une jolie demoiselle et des effets bien dégueux de son pote Olaf (Ittenbach, géniteur du génial Premutos), et certain de gagner de l’argent sans se fouler - ce qu’il fit !




