Brutal
Vous savez peut-être combien j’ai toujours apprécié l’épure dans le nommage d’un film, et ce d’autant plus qu’elle permet malgré tout d’en épouser le contenu. Après Grotesque, épouvantable déclaration d’intention de Kôji Shiraishi, voici donc Brutal. Tout est dans le titre, ou presque. Takashi Hirose nous présente, en trois chapitres – un homme, une femme, un homme et une femme (Lelouch tremble encore de l’hommage indirect) -, la rencontre inévitable entre un tueur en série misogyne et son homologue misandre au féminin. Voilà. Fin de l’article. Non ?
Armé d’un filtre grindhouse poussé tout le long du film au maximum - simulation un peu poussive et vaine d’une pellicule 16mm dégradée, avec griffures, sauts de l’image et j’en passe -, Hirose se penche sur les exactions de ses protagonistes en éludant présentation, contexte et discours. Lui est d’autant plus violent avec les femmes qu’elles se déclarent prêtes à coucher avec lui pour survivre, Elle tue tous ceux qui se laissent tenter par ses charmes...
Brutal est assurément un film féroce, qui aurait aussi bien pu s’appeler Rage. Peu de représentation graphique de la violence et de ses conséquences, mais beaucoup de gestes qui font mal, de violence capturée avec frénésie, gratuité et répétition. Même si le spectateur n’a pas besoin de l’entendre, lui, poser sans cesse la question « comprends-tu ce que je fais ? » pour déceler que derrière la brutalité clinique se cache tout de même une volonté, narrative et de mise en scène, de montrer autre chose que la volonté de tuer - volonté faite acte systématique au long des deux premiers chapitres du film.
Impossible de dire ce qu’est réellement Brutal sans divulgâcher (désolé, je m’adapte aux exigences de notre langue en perpétuelle évolution) le concept de Takashi Hirose, car il s’agit d’une histoire d’amour (et/ou de haine partagée), improbable et exprimée uniquement dans la douleur et la confrontation. Un amour rendu à la fois possible et impossible, élan forcément éphémère, par le caractère irréversible de la violence subie par les protagonistes quelque part en amont du film, que Hirose recrache sans la dégrossir à l’écran.
Dans ses derniers instants, Brutal trouve ainsi une certaine cohérence, dont on ne saurait dire si elle évite complètement le grotesque (on y revient) tant il est difficile de ne pas sourire un peu quand le fin mot de l’affaire est dévoilé (peut-être s’agit-il là juste d’un mécanisme de défense ?), mais qui parvient tout de même à élever le film au-dessus de la somme de ses parties. Dommage que Hirose n’ait pas vu un film comme Lake Mungo, toutefois, pour comprendre que la texture d’un support filmique ne se simule pas : Brutal aurait beaucoup gagné à se défaire réellement de sa propreté numérique, pas du tout dissimulée par sa surabondance de texture artificielle.
Brutal est disponible en Blu-ray + DVD en mediabook avec plusieurs couvertures au choix chez les Allemands de Midori-Impuls. En supplément, le court-métrage de zombies Moratorium, avec Asami, signé du même réalisateur, a la bonne idée d’être lui aussi sous-titré en anglais. L’image souffre déjà d’un traitement forcé, mais le côté revanchard de l’histoire est sympathique.



