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Japon

Bullet Ballet

aka バレット・バレエ | Japon | 1998 | Un film de Shinya Tsukamoto | Avec Shinya Tsukamoto, Kirina Mano, Hisashi Igawa, Takahiro Murase, Tatsuya Nakamura, Masato Tsujioka, Kōji Tsukamoto, Kim Su-jin, Kyōka Suzuki

Goda rentre un soir chez lui pour apprendre le suicide par arme à feu de sa compagne. Ébranlé par sa disparition, il souhaite comprendre son geste. Sa route croise alors celle d’un gang de jeunes délinquants, dont Chisato, jeune femme énigmatique attirée par la mort. Il se fait rosser par eux, décide de se venger et pour ce faire cherche une arme à feu, dont la possession est interdite au Japon. Au cours de ses errements dans Tokyo, ses relations avec ces blousons noirs tokyoïtes vont prendre une tournure inattendue.

Oubliez l’idée de terminer la vision du film avec une idée bien claire de ses tenants et aboutissants. Même son réalisateur et principal interprète, Shinya Tsukamoto, reconnaît son caractère confus. Cette confusion pourra lasser certains spectateurs dans la longueur. Mais une chose est claire dans ce drame chaotique, le cinéaste japonais propose un impressionnant voyage sensoriel.

Sa mise en scène nous offre de belles fulgurances. Elle est à l’image de la désorientation des protagonistes de Bullet Ballet : montage cut et plans de guingois non stabilisés sur fond de musique industrielle. L’image jamais véritablement stable obtenu via de longues focales fait écho à la fébrilité de Goda.

Les jeux d’ombres et de lumières et l’impression d’une vision brisée de la ville créent une toile de fond parfaite pour ce drame. De nombreuses scènes se déroulent dans des parkings, des venelles bordées de bar et des arrières cours crapoteuses d’établissements de nuit dans le dédale de certains quartiers de Tokyo.

Le film a été tourné sur une pellicule 16 mm noir et blanc à fort contraste. Shinya Tsukamoto est partout : il tient le rôle principal, mais est aussi monteur et directeur de la photo. Sa représentation de Tokyo évoque le travail du photographe japonais, Daido Moriyama, lui même inspiré par William Klein. Lui aussi montre les entrailles de la capitale japonaise, photographiant ses résidents noctambules, ses coinstots bizarres…

Dans la rubrique, un homme devant un miroir fasciné par la possession d’un pistolet, sa scène via des zooms dans le cadre est à la hauteur de celle de Robert De Niro dans Taxi Driver. Excusez du peu. Posséder un pistolet est tout sauf anodin. Shinya Tsukamoto associe la détention d’une arme à feu à la guerre via un montage parallèle de tirs de canons, bombardement, bombe atomique…

Malgré tous les sales coups auxquels il a eu droit de leur part, Goda va progressivement et mystérieusement se sentir proche de cette jeunesse à la dérive et en particulier de Chisato. Comme si la blessure qu’ils se sont infligés sur la tranche de la main – figure répétitive à l’écran – avait créé un lien entre-deux par contagion. Elle constitue aussi un lien avec l’œuvre de David Cronenberg, influence du réalisateur nippon.

En s’intéressant à Chisato, dont la pulsion de mort est bien affirmée, Goda pense pouvoir faire ce qu’il n’a pas pu avec son amie : la sauver. La dernière balle de Bullet Ballet est celle de l’espoir.

Bullet Ballet fait partie d’un coffret de 10 films en Blu-ray de Shinya Tsukamoto édité par Carlotta Films. Les autres films sont Les Aventures de Denchu Kozo, Tetsuo, Tetsuo II : Body Hammer, Tokyo Fist, A Snake of June, Vital, Haze, Kotoko et Killing. Le coffret comprend également un livret 80 pages rédigé par Julien Sévéon.

- Article paru le mercredi 28 juin 2023

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