Cabin Fever
"And the road leads to nowhere. And the castle stays the same. And the father tells the mother, Wait for the rain, wait for the rain. And the road leads to nowhere."
Après le Détour Mortel effectué par Eliza Dushku et ses camarades l’été dernier devant la caméra de Rob Schmidt, c’est au tour du réalisateur Eli Roth de nous emmener dans le confort très consanguin des grandes forêts américaines. Point de revival du survival ici néanmoins, mais une réminiscence d’horreur agressive, à la croisée de Deliverance, The Thing et... Body Melt. Et lorsqu’un film démarre à peu de chose près, au son de l’hymne malsain de David Hess pour le magnifique La dernière maison sur la gauche de Wes Craven (ré-enregistré pour l’occasion), tous les espoirs sont permis...
Un homme dans la forêt, ramène un gibier à son chien. Celui-ci allongé sur le côté, semble quelque peu immobile. Lorsque son maître tente de le relever, le chien se fend en deux. Gloups.
Cinq amis quittent le soleil décadent de la Californie à la fin de l’année scolaire, pour s’offrir quelques semaines de vacances en forêt. Un couple officiel, un couple d’ "amis", officieux, et une brute dégénérée constituent ce groupe de jeunes gens bien sous tous rapports, transfuges exacerbés de l’univers des slashers. C’est la brute du lot (coiffé de sa casquette "F U") qui va entamer les festivités de Cabin Fever. Laissé à lui-même pendant que ses camarades batifolent, ce beauf sympathique se saisit de son fusil pour descendre quelques écureuils ("Why would you want to shoot a squirrel ?" - "Cause they’re gay, duh."). Pas de chance, une de ses balles vient frapper le malheureux ami des bêtes du début du film, visiblement très mal en point. Il semblerait en effet que celui-ci soit victime d’une maladie de peau fulgurante ; un peu comme s’il était en train de pourrir. Quelques contacts plus ou moins violents plus tard, la peur trouve sa place au sein du petit groupe. Vous connaissez le mot, n’est-ce pas ? Contagion...
Il semblerait que ces derniers temps, les cinéastes américains aient décidé de revenir à un cinéma d’horreur old school, viscéral. On assiste ainsi aux sorties heureuses de Jeepers Creepers, Destination Finale 2, Détour Mortel... trois films aux approches différentes certes, mais foncièrement "rentre dedans". Cabin Fever lui, mange intelligemment à tous les râteliers, empruntant au sérieux du premier, à la brutalité du second et au cadre du troisième. Ce faisant bien sûr, Eli Roth s’en retourne à des racines plus anciennes du cinéma horrifique, à une époque où le politiquement correct n’était pas une préoccupation.
Le lien établi avec La dernière maison sur la gauche est ainsi parfaitement justifié, car à l’image du premier chef-d’œuvre de Wes Craven, Roth ne s’embarrasse d’aucunes considérations humanistes, préférant au contraire plonger corps et âmes dans le mépris, la violence et le malsain. Le degré de barbarie y est certes moindre, mais le niveau de monstruosité (morale plus que physique) atteint par ces adolescents est stupéfiant. Ce qui est d’autant plus plaisant, c’est qu’à aucun moment Roth ne tente de légitimer le comportement de ses protagonistes. Du début à la fin, tous cèdent à la bêtise bien avant de céder à la peur ; ils ne laissent finalement que rarement le temps à la fièvre du titre, de terminer son œuvre répugnante.
S’il y a bien de l’humour dans Cabin Fever, celui-ci est donc très noir et bien que perceptible, n’a jamais le temps d’installer un sourire durable. Eli Roth n’abuse d’aucun effet qui pourrait sortir le spectateur de la méchanceté du film ; seuls quelques intermèdes surréalistes (soulignés par une partition de Badalamenti) s’éloignent de la problématique horrifique, mais ils renforcent eux aussi le malaise ressenti par le spectateur (la scène de l’enfant qui fait du kung fu au ralenti, a priori déplacée, est remarquable en ce sens, mi-drôle mi-effrayante).
L’attitude du réalisateur vis-à-vis des effets gore est à l’image de l’ensemble de sa réalisation : les tripes et autres fluides corporels sont bien là, mais en abuser serait plomber le sérieux de l’ensemble. Les membres de KNB apportent ainsi leur talent en matière d’imagerie crade, mais ne s’approprient jamais pour autant le devant de la scène bien longtemps.
Tous ces choix font de Cabin Fever un film brut, incisif et merveilleusement cynique, dont on espère que la sortie en salles en France (prévue en 2004), sera saluée plus convenablement que celle de ses illustres confrères cités ci-dessus. Car ces petits malaises, trop rares de nos jours, n’ont vraiment pas de prix !
Cabin Fever sera disponible en DVD zone 1 NTSC le 20 janvier 2004, chez Lions Gate Home Entertainment. Il devrait par ailleurs sortir sur nos écrans courant 2004.



